Chapitre 9

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Les deux autres n’étant pas disposés à parler, je me mis donc à réfléchir. Une parole qu’avait dit Corentin me restait dans la tête : c’est toi, la source des problèmes. Ce qu’il disait n’était pas totalement faux.

Comme avec Arthur, ma relation avec Corentin s’était rapidement dégradée. Et si c’était de ma faute ? Et si c’était moi qui causait tous les problèmes ?

En faisant des attaques verbales ou en forçant mon ennemi à m’attaquer pour que je puisse utiliser les cartes ?Malheureusement, il était trop tard pour que je puisse faire mes excuses à Corentin.

Il ne les accepterait jamais, ou se moquerait de moi. Je ne pouvais plus retourner en arrière, cependant je me promis de faire attention à ce que je disais en sa présence.

A ce moment, un cri guttural retentit dans tout le désert. Nous nous stoppâmes tous, l’oreille aux aguets. Comme rien d’autre ne se faisait entendre, Cléa murmura :

  • C’était quoi ça ?
  • Ça, c’est une mauvaise nouvelle, dis-je.

Un autre hurlement retentit, suivit d’un autre, puis un autre, jusqu’à avoir un concert de hurlements que j’estimai à une dizaine.

  • Et ça, c’est plusieurs mauvaises nouvelles, finis-je.
  • Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Cléa. On va se retrouver a trois contre cinquante encore une fois ?
  • Je n’espère pas, sinon Corentin va recommencer à gémir et à vouloir nous abandonner, dis-je, ne résistant pas au plaisir de lancer une dernière pique à Corentin.

Mais celui-ci ne semblait pas l’avoir entendue, contrairement à Cléa qui me lança un regard noir, tandis que Corentin dardait autour de lui des regards affolés. Il saisit nerveusement l’une des armes des Autres que nous avions récupéré.

Je fis de même, et nous nous collâmes dos à dos, pour surveiller tout le désert qui s’étendait devant nous. Nous attendîmes cinq bonnes minutes sans rien voir arriver, et sans rien entendre. Corentin suggéra :

  • Ils s’appelaient juste, ce n’était pas forcément pour nous !

Une dizaine de hurlements retentirent à cet instant, comme pour contrarier Corentin. Les hurlements se firent de plus en plus fort et de plus en plus proche, jusqu’à ce que la première bête apparaisse au sommet de la colline.

J’avais cru que c’était une bête, mais la réalité était encore pire. C’était un Affamé, qui surgit du haut de la colline à quatre pattes, avec de la bave qui sortait de la bouche.

Il ressemblait à un animal fou, privé de nourriture pendant trop longtemps. Il avait les yeux complètement injectés de sang, dénudés d’intelligence. On aurait dit que l’instinct avait pris possession de son corps.

L’Affamé nous regarda un instant avec ses yeux, puis il hurla à la manière d’un loup, sans doute pour prévenir ses congénères. Il y eut soudain un éclair à côté de moi, et le hurlement s’arrêta brusquement.

L’Affamé se figea puis éclata en un millier de particules dans l’air ambiant. Je me tournai vers Corentin, qui avait toujours son arme levée. Il fixait l’endroit où se tenait l’Affamé un moment auparavant d’un air ébahi.

  • Comme ça, tu sais l’effet qu’a cette arme, dis-je simplement.

Huit autres Affamés surgirent à leur tour du sommet de la colline. Ils étaient comme le premier, semblables à une meute de loups en fuite.

Leurs corps étaient décharnés, maigres comme un fil, avec des lambeaux de vêtements pendant sur leur corps. De concert, nous levâmes tous nos armes et tirèrent.

Deux rayons touchèrent leurs cibles, tandis que le troisième passait à un centimètre d’un Affamé. Ceux-ci, voyant l’effet de l’arme, se jetèrent sur nous. Jamais ils n’avaient à cet instant été pareils à des animaux sauvages.

Cléa cria, me ramenant à la réalité. Un Affamé avait bondi sur elle et l’avait plaqué à terre. Je m’élançais vers elle lorsqu’un autre Affamé sauta sur moi. Je lui décochai un coup de pied dans le ventre, puis me relevai et lui tirai dessus.

Sans plus me préoccuper du sort de cet ancien homme, je courus vers Cléa. Alors que j’allais l’atteindre, un rayon toucha l’Affamé, à un centimètre de la main de Cléa. L’Affamé implosa, projetant Cléa quelques mètres plus loin.

Je tirai sur un dernier Affamé, laissant Corentin se charger des deux autres, avant de courir vers Cléa. Le sable avait heureusement amorti sa chute, mais elle se frottait la tête en faisant une grimace.

  • Pourquoi as-tu tiré sur l’Affamé alors que Cléa était en dessous ? criai-je à Corentin. Tu es complètement malade ! Tu aurais pu la tuer !

Corentin se débarrassa du dernier Affamé avant de se tourner calmement vers moi. Il pointa son arme et dit :

  • N’avance plus.

Je fis immédiatement le contraire, en faisant une roulade par terre et en me jetant sur Corentin. Celui-ci me décocha un coup de poing avant de pointer son arme vers mon cœur. Il annonça, d’un ton jubilatoire :

  • Le grand Matt est en très mauvaise position, à ce que je vois ! Qu’est-ce qui va bien pouvoir te sauver cette fois ?
  • Un accès de bonté de ta part ? suggérai-je. Mais si j’en doute, si j’en crois l’individu ignoble qui se tient devant moi.

J’étais convaincu que cette ultime pique allait me tuer. Cependant, Corentin éclata de rire :

  • Tu as raison ! Je ne vais pas te tuer !

Il me tendit une main pour me relever, et alors que je la saisissais, il murmura entre ses dents :

  • Du moins pas aujourd’hui.

Puis il dit tout haut :

  • Tu m’en dois une, Matt !
  • Tu ne m’as pas sauvé la vie à proprement parlé, objectai-je. Vu que tu m’as mis toi-même sous la menace, on ne peut parler d’un sauvetage !
  • Ne me fais pas regretter mon acte, Matt, gronda-t-il.

Puis il se détourna de moi pour aller s’accroupir près de Cléa. Il dit :

  • Tu me demandais pourquoi j’ai tiré alors que Cléa risquait d’être touché ? La réponse est toute simple. Parce qu’elle allait mourir.
  • J’allais la secourir ! protestai-je.
  • Tu serais arrivé trop tard. L’Affamé l’aurait dévoré, et elle serait morte. Pour moi, j’ai donc bien fait, car il y avait plus de chance qu’elle meure si je ne faisais rien que si je faisais quelque chose.
  • Arrêtez de penser que je ne peux pas défendre toute seule ! protesta faiblement Cléa, qui s’était réveillé et s’était assise.
  • Tu étais en mauvaise position, répliqua gentiment Corentin. Tu n’avais aucune arme, et l’Affamé allait te manger.
  • Me manger ? s’exclama Cléa. Mais c’est horrible !
  • Nous te répétons depuis plusieurs jours que les Affamés sont devenus cannibales, soupirai-je. C’est la nature humaine, tu ne peux rien y faire.
  • Tu répètes ça ! corrigea Corentin. Moi, je pense qu’ils sont simplement devenus fous et qu’ils veulent nous tuer, mais pas nous manger.
  • Ils sont morts de faim, ça se voit ! protestai-je. Ils voulaient de la nourriture ! Que crois-tu ? Que l’être humain tue par plaisir ?
  • Oui, acquiesça Corentin.
  • Je suis d’accord qu’il y a quelques exceptions, mais...
  • Toi, tu tues par plaisir, continua Corentin.

Je le regardai, bouche bée, puis me jetai sur lui, et lui donnai un grand coup de poing. Je lui pris toutes les armes des Autres que Corentin possédait, avant de partir en courant.

Je refoulai quelques larmes, mais continuai de courir jusqu’à en perdre haleine. Lorsque je me retournai, je distinguai deux points au loin qui me regardaient, ou alors qui venaient dans ma direction.

  • Tant pis pour eux, pensai-je. Ils peuvent se débrouiller tout seuls ? Très bien, c’est ce qu’on va voir.

J’allai me réfugier derrière une petite dune, et camouflai du mieux que je pus mon campement. Je me sentais tomber dans le sommeil lorsque j’entendis deux voix, qui paraissaient exténués :

  • Bon, on ne le retrouvera pas.
  • Bien fait ! Il était un poids pour notre équipe plus qu’autre chose, grogna la deuxième voix que je reconnus - sans grande peine - comme celle de Corentin.
  • Tu sembles oublier le fait que nous n’avons plus qu’une arme, qu’il a pris toutes les autres. On n’a pas non plus de nourriture, et donc on va être sans défense face aux Affamés et aux Autres.

Corentin resta silencieux un moment, puis gémit :

  • Pourquoi je lui ai dit ça ?
  • Essaie de faire l’innocent, pensai-je. Ça ne servira plus à rien. Cléa a raison, sans moi, vous êtes tous morts.
  • Je suis d’accord qu’il ne t’aide pas à te calmer, mais essaie de faire un effort ! reprit Cléa.
  • Tu as vu ce qu’il me dit, en même temps ? s’énerva Corentin.
  • Écoute, si on le retrouve, je lui parlerai de son comportement et...
  • Vu comment il est, tu vas réagir comme il vient de le faire ! Il va s’enfuir, vexé, ou alors il va s’énerver.
  • Si vous me retrouvez un jour, pensai-je. Et pour ça, bonne chance, car je ne vais pas me laissé faire.
  • Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Cléa. On ne sait même pas dans quelle direction il est parti !
  • On fera ça demain, décréta Corentin. Pour l’instant, nous avons besoin de dormir.
  • Et pour les tours de garde ? demanda Cléa.
  • On doit faire sans, répliqua Corentin. Lui non plus ne pourra pas veiller toute la nuit.

J’entendis leurs voix qui s’éloignaient tandis que je sombrai lentement dans le sommeil.

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