Chapitre 10

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Je me réveillai le lendemain assez tôt, ce qui m’arrangea. Je me levai, rangeai rapidement le campement, pris un petit sandwich en guise de petit-déjeuner. Je repérai les corps de Corentin et Cléa endormis un peu plus loin.

En essayant de faire le moins de bruit possible, je partis, le sable crissant faiblement sous mes pas. Je marchai pendant une heure, jusqu’à voir une énorme dune devant moi.

Je ralentis, car je n’avais jamais vu une telle dune en dix jours de marche.

Arrive au pied de cette dune, je regardai autour de moi, et remarquai que je ne voyais pas le bout de la dune. Haussant les épaules, je me mis à gravir la dune. J’entendis alors un cri :

  • Chef ! Venez voir !

Je m’aplatis aussitôt à terre, puis me retournai. Il n’y avait pas Corentin ni Cléa derrière moi, et personne sur les côtés. La voix venait donc forcément de l’autre côté de la dune. J’en eus la confirmation lorsque une voix retentit :

  • Qu’est-ce qu’il y a ? Encore un problème ?
  • Il nous manque une tente !
  • Combien de personnes n’ont pas d’abri ?
  • Deux, chef !

Je montai lentement jusqu’au sommet de la dune et jetai un regard de l’autre côté de la dune. Je vis un immense campement qui s’étendait sur plusieurs kilomètres. Un assemblement de tentes et de personnes, toutes collées les unes aux autres.

  • Comment peuvent-ils avoir autant de nourriture pour autant de personnes ? pensai-je, incrédule.

Une main se posa soudain sur mon épaule. Je me retournai vivement, empoignant une arme des Autres qui sortait de mon sac. Corentin posa une arme contre ma tête, un sourire en coin.

  • Pas assez rapide, dit-il.
  • Arrêtez de jouer, soupira Cléa. On vient à peine de se retrouver, et vous recommencez déjà à vous disputer ?
  • Comment peux-tu dire ça ? C’est lui qui a commencé ! Moi, j’ai agi selon mes réflexes, car ça aurait pu être un garde du campement qui se trouve derrière cette dune.
  • Quel campement ? s’exclama Cléa.
  • Tu te trouves des excuses maintenant ? se moqua Corentin.
  • Regarde par toi-même si tu ne me crois pas.

Nous regardâmes à trois ce qu’il se passait de l’autre côté de la colline. Le chef avait visiblement réglé le problème de la tente manquante et venait dans notre direction. Je crus qu’il nous avait découvert, mais ce n’était pas le cas.

Un autre homme, sortant d’une tente, vint rejoindre discrètement le chef. Sans doute espéraient-ils être à l’écart d’oreilles indiscrètes, mais nous pûmes entendre leur entière conversation. L’autre homme, un dénommé Bastien, demanda :

  • Combien de jours de nourriture nous reste-t-il ?
  • Pas plus de trois jours, dit le chef.
  • Nous étions supposés tenir un mois !
  • Je n’avais pas prévu qu’autant de monde nous rejoindrait ! gémit le chef. Maintenant, nous sommes environ cinq cents !
  • Vous savez ce qu’on devait faire ? dit Bastien un plus bas, même si je pus quand même capter ses paroles. On devrait prendre les fidèles, et se casser en prenant toutes les réserves.
  • Je ne peux pas faire ça, dit l’homme en secouant la tête. J’ai rencontré chacune de ses personnes, je ne peux plus les abandonner maintenant.
  • Vous avez trop bon cœur, soupira Bastien. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’on fera quand on n’aura plus de nourriture ?
  • On se débrouillera, affirma le chef. On n’a pas d’autre choix.
  • Ça non, soupira de nouveau Bastien. Mais si on part tout de suite, on a encore une chance de s’en sortir !
  • Non !
  • Le reste de l’espèce humaine va donc finir ainsi ?
  • Tu crois que nous sommes les seuls à avoir survécu ? Bien sûr que non. L’Australie est immense, je suis sûr que l’humanité n’est pas perdue.
  • Entre ça et les zombies qui peuplent le désert, on n’a aucune chance de s’en sortir.
  • Tu devrais témoigner un peu plus de respect pour les zombies, car nous allons bientôt devenir comme eux, répliqua sombrement le chef.
  • Chef ! On a un problème !

Le chef partit, laissant Bastien tout déconfit. Je me tournai vers Cléa et Corentin et demandai :

  • C’est quoi le plan ?
  • C’est toi, le stratège, pas nous, répliqua Corentin.
  • Tu n’es jamais content de mes décisions, dis-je. Alors je te demande.
  • Tu m’en veux, pas vrai ? Et bien, puisque tu y tiens, je m’excuse pour ce que j’ai dit hier.

Nous nous affrontâmes du regard, puis je finis pas dire :

  • En fait, je n’ai pas de plan. Je vous demandai pour savoir si vous en aviez un.
  • Nous ne pouvons pas faire le tour de cette dune ?
  • Essaie si tu veux, dis-je en haussant les épaules. Je ne vois pas la fin de la dune, et ça nous rallongerait notre trajet d’au moins une journée.
  • Donc, selon toi, on est obligé de passer par cette vallée ? résuma Corentin.
  • Et pourquoi on ne peut pas passer tranquillement ? demanda Cléa. Ils ont l’air gentils. On peut dire qu’on est juste de passage, et qu’on veut aller de l’autre côté de la vallée, non ?
  • On peut toujours essayer, dit Corentin.
  • Qu’est-ce qu’on risque ? demanda Cléa.
  • On ne sait pas ce que sont réellement ces hommes, objectai-je. Si ça se trouve, ils vont nous tuer ou quelque chose comme ça, ou nous forcer à rester dans leur campement. Et s’ils nous attaquent alors qu’on est au beau milieu du campement, on n’aura aucune chance.
  • Qui ne tente rien n’a rien, dit Cléa en se levant et en gravissant les quelques mètres qui nous séparaient du sommet de la dune.
  • Je n’ai jamais aimé cette expression, grommelai-je tout en suivant Cléa.

Une fois au sommet, nous pûmes contempler l’immensité du campement. Je crus que les tentes se déployaient sur plusieurs kilomètres, remplissant entièrement la vallée. Des dizaines de fourmis s’agitaient en contrebas.

Le dénommé Bastien nous vit arriver, et une suite d’expression se peignirent sur son visage : d’abord la déception, ensuite la colère, puis enfin la pitié. Il demanda, en essayant de prendre un ton chaleureux :

  • Qu’est-ce que vous faites là, mes enfants ?
  • Nous sommes seulement de passage, le rassurai-je immédiatement. Nous devons traverser cette vallée pour continuer notre trajet.

Le visage de Bastien se transforma un instant en une pure expression du soulagement, puis son visage redevint chaleureux et il nous dit :

  • Je vais vous guider ! On a vite fait de se perdre, ici !

Et tandis qu’il nous menait à travers les tentes, Cléa m’adressa un sourire victorieux. Je lui soufflai :

  • On n’est jamais trop prudent !

Je n’avais en effet plus lieu de m’inquiéter. Les différents stades d’émotion qui avaient traversé le visage de Bastien le démontrait : il ne voulait pas de nous ici, et était soulagé d’apprendre que nous passions seulement.

Bastien engagea la conversation avec Corentin :

  • Pourquoi êtes-vous ici au beau milieu du désert ? Il faut être fou pour faire un tel périple !
  • Nous devons rejoindre la ville où mes parents habitent, l’informai-je. Et c’est exactement pareil pour Cléa.
  • Moi, je les accompagne juste, ajouta Corentin.
  • Vous savez, ils ont peu de chance d’être encore vivants, dit tristement Bastien.
  • L’espoir fait vivre, dis-je.
  • C’est bien vrai. Nous y voici ! dit Bastien en arrivant devant une seconde dune. Vous savez où aller, je suppose ?
  • Nous avons des cartes, ne vous inquiétez pas, le rassurai-je.
  • Mais vous avez l’air bien chargés ! s’exclama Bastien. Qu’est-ce que vous avez dans vos sacs ?
  • De la nourriture, et des sacs de couchage, répondis-je, immédiatement, sans laisser le temps aux autres de répondre.

Je croyais que le danger viendrait du fait que nous avions des armes, et c’était pourquoi je n’avais rien dit. Mais je m’étais trompé. A la seule mention du mot nourriture, les yeux de Bastien brillèrent d’un étrange éclat.

  • Très bien, murmura-t-il. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Au revoir !

Nous gravîmes lentement la dune. Je glissai à Corentin et Cléa :

  • Dès qu’on arrive de l’autre côté de la dune, on court !
  • Mais pourquoi ?
  • Tu n’as pas vu la réaction de Bastien lorsque j’ai dit qu’on avait de la nourriture ?

En me retournant, je vis que Bastien parlait avec le chef en nous regardant. Le chef acquiesça, et Bastien entra dans une tente. Il ressortit avec plusieurs hommes et ils se dirigèrent vers nous.

A ce moment, un bruit venant du ciel emplit l’air. Tout le monde leva les yeux vers le ciel. Je forçai Corentin et Cléa à monter jusqu’au sommet de la dune, avant de voir ce qui arrivait. Un éclat lumineux fonçait vers le campement à toute vitesse.

Je poussai Corentin et Cléa, et ils dévalèrent la pente à toute allure. Je fis de même, et alors que j’atterrissais près des deux autres, une explosion retentit. Je fermai les yeux de toutes mes forces, jusqu’à ce que le bruit de l’explosion s’évanouisse.

  • Qu’est-ce que c’était ? bredouilla Corentin.
  • Les Autres, répliquai-je tristement.

Je vérifiai du coin de l’œil que la soucoupe était partie, et je montai à toute vitesse la dune. Je contemplai avec désespoir les restes du campement. Les tentes étaient détruites, et il n’y avait plus aucune trace des habitants.

  • Ils ont dû utiliser leur arme à plus grande puissance, murmurai-je.
  • Ils veulent vraiment anéantir l’humanité, dit Corentin en me rejoignant.

Le bruit d’un objet volant nous parvint à nouveau. Je m’aplatis, me cachant au maximum. Je pus apercevoir la soucoupe qui se posait, et le rebord en verre glisser sur les côtés. Deux formes en sortir, que je reconnus immédiatement :

  • Mesint et Ofrel !
  • Ils vont payer, gronda Corentin.

Il me prit de force ma sacoche, mais je résistai. Il empoigna alors mon sac et en sortit une arme. Nos mouvements avaient attiré l’attention des deux Autres, qui prirent leurs armes. Corentin les devança et tira sur eux.

Il toucha Mesint en plein cœur, ce qui le projeta contre la soucoupe. Ofrel tira dans notre direction. Le rayon frôla Corentin, ce qui le déséquilibra et le fit tomber en arrière.

Poussant un soupir, je pris ma sacoche et en sortit le neuf de Pique. Je dévalai à toute vitesse la dune, puis à peine arrivé au bas de la dune, je fis un geste de la main et Ofrel s’écroula, mort.

Sans perdre plus de temps, je remontai la dune de toutes mes forces, puis allai vers Corentin et Cléa. Celle-ci ne s’était toujours pas relevée. Je m’accroupis près d’elle pour tâter sa respiration.

  • Seulement assommée, pensai-je.

Corentin accourut vers moi, l’air en colère. Je l’interrompis :

  • Pas le temps de se disputer. On va se répartir le poids de nos sacs, puis on portera Cléa le temps d’être dans un lieu sûr.

Sans doute impressionné par le ton de ma voix qui ne laissait place à aucune protestation, il me laissa transférer la moitié de la nourriture et des armes dans son sac.

Puis nous prîmes Cléa et la portâmes sur cent mètres avant de se cacher derrière une dune. Un cri de rage partit alors de la vallée. C’était Mesint qui hurlait :

  • Où êtes-vous, bande de lâches ? Où êtes-vous, que je vous fasse la peau !
  • Qu’est-ce qu’il y a ? murmura Cléa.

Je lui fis signe de se taire, puis écoutai c’est qu’il se passait. Rien ne vint, à part le bruit de la soucoupe qui s’envolait de nouveau dans le ciel. Immédiatement, Corentin se releva et m’apostropha :

  • Pourquoi tu nous as poussé ?
  • Je vous ai sauvé la vie ! répliquai-je. Si je n’avais rien fait, nous serions mort, car les Autres nous auraient vu !
  • Matt a raison, dit Cléa avec difficulté.
  • Et toi, pourquoi as-tu attaqué les Autres ? demandai-je à mon tour à Corentin.
  • Je voulais me venger de ce qu’ils nous avaient fait subir il y a deux jours, avoua Corentin. Mais j’aurais pu me faire tuer.
  • Maintenant, Mesint est déterminé à nous tuer ! dis-je.
  • Autant nous mettre en marche tout de suite, proposa Corentin.
  • Tu es fou ? Non, on va attendre que Cléa se soit remise. Profite-en pour dormir.

Je m’installai face au désert devant nous et laissa mes pensées vagabonder le temps que Cléa se remette et que Corentin dorme.

  • Encore une fois, je suis obligé de poursuivre ma route avec eux. Combien de temps se passera-t-il avant que la colère de Corentin n’éclate ?

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