III - Première impression [1/2]

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  La semaine suivante passa trop vite au goût de Vanessa. L'agitation avait rapidement gagné le manoir à mesure que la visite du comte approchait. Leur maison n'avait jamais été aussi joliment décorée. Le baron avait fait des efforts dans ses dépenses pour mettre les petits plats dans les grands. Il devait vraiment avoir besoin de cet accord avec la famille Boisnoir.

   Le jour tant attendu, Vanessa guetta le carrosse du comte de Longvent à la fenêtre du salon des dames pendant des heures, sous le regard amusé de sa sœur brodant de délicats mouchoirs pour son propre fiancé. Quand le véhicule s'immobilisa finalement dans la cour, la future promise grimaça en voyant un vieil homme en descendre. Il aurait pu être son grand-père ! Elle patienta au bord de la fenêtre afin de voir si d’autres membres de la famille l'accompagnaient, mais il n’y avait que des valets avec le vieillard. Vanessa grimaça d'autant plus en se plaignant à voix haute, ouvertement dégoûtée.

  « Il est si vieux...»

   Ne serait-elle qu'un trophée au bras de ce vieil homme ? Son abattement fut pourtant de courte durée. Il serait plus aisé de manipuler un tel mari ! Le grand âge s'accompagnait souvent de faiblesse d'esprit et de corps. Saurait-elle en jouer ? Vanessa était plus connue pour sa franchise que son hypocrisie. Elle soupira profondément en allant se laisser tomber sur un sofa. Que lui restait-il dans ce cas ? Sa verve vive et sa beauté ? Allait-elle devoir jouer à la poupée ou à l'enfant gâtée pour obtenir ce qu'elle voulait ? Aucune des options ne lui convenait. Néanmoins, la seule clause qui la dérangeait par-dessus tout et qui était la plus horripilante, était la consommation du mariage afin d'éviter son annulation prématurée.

  « Dégoûtant… »

   Un frisson lui hérissa les poils. Elle se frotta les bras puis se redressa dignement sous les ricanements de sa sœur. Sophia ignorait ce qu'il se passait dans la tête de sa sœur, mais cela semblait mouvementé. Vanessa ne lui accorda qu'un bref regard avant de faire les cent pas dans le salon. Elle ferait le nécessaire pour gagner sa liberté. Même si cela lui coûtait.

*

  Vanessa fut trop impatiente pour attendre sagement dans le salon. Elle quitta sa sœur assoupie sur son travail de couture et traversa le manoir pour atteindre l'aile où le baron recevait ses invités. La jeune fille attendit que les deux hommes soient installés dans le fumoir, puis elle se faufila pour écouter aux portes, en profitant de l'absence des domestiques, trop occupés avec les bagages du comte.

   À cause de l’audition défaillante du vieil homme, le baron devait élever la voix, ainsi, l’espionne n’eut pas trop d’effort à fournir pour suivre la conversation. Après un ennuyeux prélude au cours duquel ils parlèrent de la pluie, du beau temps et de leurs affaires seigneuriales, Enrique aborda le sujet qui lui tenait à cœur.

  « Je suis ravi que vous ayez accepté mon invitation, monsieur le Comte. J’ose espérer que vous avez étudié ma requête avec attention.

  — Un mariage est une affaire sérieuse, répondit le général avec fermeté. Accepter dans son clan une jeune fille de son âge n’est pas chose aisée. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le déplacement. Je souhaite la rencontrer. Comment est-elle ?

  — Oh ! Elle est... pleine de vie. Nous avons fait de notre mieux pour lui trouver les meilleurs professeurs du duché. Que dire de plus... ? Ah ! Elle monte fort bien à cheval. »

   Le baron semblait chercher ses mots. Difficile de dresser un portrait élogieux quand le courroux vous aveuglait la plupart du temps. Le comte sembla esquiver cette description-là et insista sur ce qui l'intéressait.

  « Est-elle agréable à l’œil et à l’esprit ?

  — Elle est très belle, oui ! Une beauté rare dans la famille. Cela, au moins, est l'une de ses plus précieuses qualités. Je vous la ferai quérir tout à l’heure.

  — Qu’en est-il de son caractère ? poursuivit leur invité. Un homme de mon âge aime à savoir ce genre de détail.

  — Eh bien, soupira le baron, elle aime discuter de tout, ne se limite pas aux domaines de son sexe. Elle chante assez peu, je dois avouer. Vanessa n’a pas de talent en arts, ni en musique. Mais elle se plaît à chasser et manie l’arc comme un homme.

 — Étonnant don que voilà. Il y a longtemps que je n’ai pas chassé moi-même. Mes fils seront probablement ravis d’avoir cette passion en commun avec elle. Nos bois regorgent de gibiers et nous occupons notre château secondaire plusieurs mois dans l'année, dans l'unique but de rapporter la plus belle proie. »

   Vanessa serra sa robe d’appréhension à l'évocation des fils du comte. Serait-elle acceptée ou maltraitée ainsi entourée d'hommes ? Elle froissa sa robe avant de s’en rendre compte et se força à se détendre. La conversation se poursuivit calmement. Le baron se montrait agréable et complaisant, comme il le faisait à chaque fois qu'il recevait des invités de marque. Le comte paraissait charmé. Ils entamèrent bientôt les négociations pour le contrat de mariage. Tout serait décidé en ce jour. Son destin scellé. Vanessa sentit la rage monter. Elle ne pouvait pas rester tranquille devant une telle injustice. Elle n'épouserait pas ce vieillard !

   Ses bonnes résolutions envolées, Vanessa ouvrit vivement la porte et entra dans la pièce sans y être conviée. Les deux hommes s’interrompirent. Le comte se leva aussitôt pour la saluer avant que le baron n'ait eu le temps de la renvoyer. Le général était plus agile que prévu. Vanessa serra les poings et bomba le torse, prête à affronter cette nouvelle épreuve avec bravoure.

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