Mahoré 4 : Le départ

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Le lendemain fut un jour très spécial pour les villageois : c'était la première fois qu'ils se réveillaient sans la peur au ventre, sans l'angoisse de ce qui allait leur tomber sur la tête, sans la nécessité de surveiller leurs faits et gestes afin de ne pas tomber sous le soup d'une accusation ou d'une interpellation par la milice. Comme toutes les autres choses, la liberté s'apprend. Ils ne recevaient plus d'ordres, ne se soumettaient plus à une autorité exigeante et se trouvaient désemparés, comme des louveteaux sans leur mère. Aussi, par habitude ou par crainte de ce précipice vertigineux qu'était la liberté, ils restèrent chez eux.

Ce fut aussi l'heure du changement pour Matéo et ses compagnons. Au milieu de la matinée, Jon et David frappèrent à la porte de la barge. Baby qui les avait repérés par la fenêtre, leur ouvrit. Matéo accueillit chaleureusement les visiteurs et les invita à s'asseoir.

— Quel bon vent vous amène ?

— Je suis venu te remercier. Jon m'a tout raconté. Il paraît que, sans toi, je serais mort.

— C'est le moins que je puisse faire, répondit Matéo. Tu n'as pas hésité à défendre le petit.

Baby s'était approché de son sauveur et lui faisait le plus attendrissant des calins. Cela toucha beaucoup David qui n'avait jamais connu aute chose que la violence. Celui-ci rougit en croisant le regard de son compagnon : il avait l'impression de dévoiler ses faiblesses en montrant ses sentiments.

Jon rompit cette situation gênante.

— Shiloh, j'ai un message pour toi.

— C'est un message de qui ?

— D'un prisonnier du nom de Sôto.

— Tu as des nouvelles de Sôto ! s'exclama Matéo. Comment va-t-il ! Où est-il détenu ? Comment l'as-tu connu ?

— Si tu le laissais parler, intervint Gibraltar qui venait de rejoindre le petit groupe.

— Dans l'attente de notre affectation, les jeunes recrues distribuent les repas aux prisonniers. On nous autorise parfois à passer un peu de temps pour les distraire, faire baisser la tension et les causes de mutinerie. L'un de ces détenus étaient à l'isolement depuis des années parce qu'il ne cessait de clamer le retour du Shiloh. Comme il savait que je m'étais porté volontaire pour une mission sur Paname, il m'a fait promettre de lui transmettre un message.

Matéo attendit, le fixant d'un regard interrogateur.

— Il voulait juste te rassurer et dire qu'il allait bien et de ne pas t'inquiéter. Beaucoup se moquaient de lui car il ne cessait de parler de toi. Il était persuadé que tu reviendrais. Personne ne le croyait et le prenait pour un dingue. Mais il avait raison.

Jon voyait que son interlocuteur était à la fois troublé et rassuré par cette nouvelle.

— Merci beaucoup. Il est enfermé où ?

— Dans les sous-sols de la maison de redressement pour personnes dangereuses, à l'extérieur du village de Stuttgart. C'est tenu par l'armée.

— Il faut aller le sortir de ce guêpier, dit Gibraltar.

— Je suis d'accord, renchérit Matéo. Nous partirons demain. Je dois former une petite équipe. Veux-tu venir avec nous, ainsi que David ?

— Ce sera avec plaisir ! Je connais les lieux. Ça nous fera gagner du temps.

— Merci mes amis. J'ai un autre service à vous demander.

— Quoi que tu demandes, nous le ferons, répondit David.

— Pouvez-vous recruter pour moi une dizaine de volontaires pour nous accompagner ? Des soldats qui n'ont pas froids aux yeux car c'est une mission dangereuse.

— On te trouvera ça. On se retrouve où ?, répondit Jon.

— Demain matin vers 9 heures ici.

Après le départ des jeunes recrues, Matéo se mit à fixer tristement Baby.

— Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Le jeune homme s'assit en face de son interlocuteur.

— Ecoute ! Je vais demander à Erick de te garder pendant mon absence.

Le garçon prit un air farouche.

— Je ne veux pas rester avec Erick. Je veux aller avec toi.

— Tu as entendu ce que j'ai dit à David. C'est une mission dangereuse.

— Je sais et c'est pour cela que tu veux des soldats courageux.

— Oui, voilà ! Tu as tout compris.

— Mais je me suis montré courageux en attaquant Mahoré avec ma fronde. C'est toi qui l'as dit. Alors, pourquoi je ne peux pas aller avec toi ?

— Il y aura peut-être des combats et je ne pourrai pas toujours te protéger.

— Je sais me battre, rétorqua Baby.

Les arguments du jeune garçon commença à agacer quelque peu Matéo.

— Tu es trop jeune pour connaître tout ça. Tu resteras ici, en sécurité avec Erick.

Baby se leva avec une telle brusquerie que le banc se renversa et s'enferma dans sa chambre.

— J'avoue que le petit a du répondant, commenta Gibraltar.

— Je préfère me fâcher avec lui que de le ramener mort. Et puis, le savoir en sécurité ici sera un souci en moins.

— Puisque tu le dis !

Matéo discerna une forme d'ironie mais n'y porta aucune attention.

— Veille sur lui, s'il te plaît. Je vais parler à Erick.

À midi, il força Baby à s'attabler avec eux, mais ce dernier se renfrogna et refusa de toucher à son assiette. Le déjeuner se déroula dans un silence pesant. Pour la première fois, la belle harmonie qui avait toujours régné entre eux fut rompue.

Après le repas, Baby retourna dans sa chambre. Les deux jeunes hommes discutèrent de l'itinéraire ainsi que de la manière de délivrer Sôto. Matéo tenait à passer au village dans les arbres afin d'informer Evan que son oncle était toujours en vie. Après quoi, Gibraltar sortit préparer les provisions pour la route.

Quant au Shiloh, il avait une mission beaucoup plus délicate à remplir.

Il trouva Baby assis sur son lit, le visage fermé, une tristesse immense dans les yeux.

— Je viens te demander pardon pour t'avoir mal parlé ce matin. Je n'aurai pas dû être aussi brusque.

Le garçon garda la tête baissée.

— Je sais que je t'ai fait de la peine. Mais je préfère que tu restes en sécurité avec Erick. Il est d'accord pour s'occuper de toi.

Matéo fit une pause, mais ne reçut aucune réaction.

— Je voudrai que tu dormes chez Erick ce soir. Il t'attend dehors. On se verra demain avant mon départ. D'accord ?

Baby se leva d'un bond et sortit rejoindre Erick sans un mot. C'était devenu trop douleureux de rester dans la barge.

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