Chapitre 11

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Cher journal,

Mon ami va mal. Je ne crois pas qu’il soit malheureux, mais il a un visage étrange, ces jours derniers. Son regard est froid. Il ne parle presque pas. Il ne rigole presque pas. Je ne sais pas ce qu’il a, mais il n’est plus le même. Il n’est plus ce garçon que j’ai rencontré, ce garçon déprimé qui avait réussi à s’intégrer dans sa nouvelle vie. Mais il n’est plus non plus ce garçon qui m’a traité de tous les noms, à l’école, puis s’est excusé et a pleuré. Il n’est plus l’ami que j’appréciais et qui m’appréciait. Je voudrais l’aider et je voudrais savoir ce qui le met dans cet état.

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Quand j’ouvre les yeux, je sens que j’ai chaud. Très chaud. Trop chaud.

Je repousse ma couette et m’assied dans mon lit. Mon torse et mes bras se mettent aussitôt à trembler. Je sens des gouttes de sueur perler sur ma poitrine. J’halète.

Je me laisse retomber sur mon oreiller. Ma tête tourne. Je me sens mal.

Je ramène mes jambes sur le côté et les dépose sur le sol. Je me relève complètement.

Je m’accroche au cadre de mon lit et marche péniblement jusqu’au lavabo de ma chambre.

Mon reflet me renvoie une image de moi, malade.

J’ouvre le robinet et m’asperge généreusement le visage d’eau. Cela me fait du bien.

Je roule un stick déodorant sous mes aisselles. Je saisis des sous-vêtements dans mon armoire ainsi qu’un jean et un t-shirt que j’enfile péniblement. Je prends mon sweat-shirt accroché à un crochet fixé au mur et le passe par-dessus mon t-shirt.

Je n’en peux plus et me rassied sur mon lit. On frappe à la porte.

- Oui ?, je dis d’une voix tremblante.

Marc entre.

- Qu’est-ce qu’il y a, demande-il. Ça ne va pas ?

Je secoue la tête.

- Bouge pas, reprend-il, je vais appeler un éducateur.

Il sort de la chambre. Je me recouche dans mon lit.

Marc revient avec Liam. Celui-ci pose la main sur mon front.

- Tu es brûlant, dit-il. Tu vas rester ici aujourd’hui, d’accord ?

Je hoche la tête.

- Tu as faim ?, demande-il.

- Un peu.

- Je vais t’apporter quelque chose. Repose-toi.

- Soigne-toi bien, mon pote, ajoute Marc.

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Liam m’apporte deux toasts beurrés ainsi qu’une poire, le tout accompagné d’un grand verre d’eau. Il insiste pour que je ne mange pas trop et que je boive beaucoup puis sort de la pièce. J’avale un demi toast et trois bouchées de poire, bois toute mon eau puis ferme les yeux et me laisse emporter par une vague de sommeil.

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On me secoue doucement l’épaule. Je me réveille. Au-dessus de moi est penché un homme en blouse bleu clair avec une mallette en cuir marron. Un médecin. Liam est debout derrière lui.

- Bonjour Timéo, dit l’homme. Je suis le docteur Alatas. Je viens t’examiner, d’accord ?

J’acquiesce d’un petit mouvement de tête.

- Je vais t’aider à te redresser. Lève un peu les bras, s’il te plaît.

J’obéis. Il passe un bras sous mes aisselles et me redresse en me posant la tête sur un coussin.

- Comment te sens-tu ?

- Mal, et j’ai la tête qui tourne.

- Donne-moi ton bras.

Je le fais. Il relève la manche de mon sweat-shirt et mesure ma tension.

- OK. Maintenant, voyons ta température.

Il place un thermomètre dans mon oreille et attend quelques secondes avant de le retirer.

- 39 et demi, annonce-il. Une sacrée fièvre !

Il prend un stéthoscope dans sa valise. Je frissonne au contact du métal froid sur ma peau.

Enfin, il observe ma langue avec une languette de plastique et une petite lampe.

- Bon, conclut-il. Tu as attrapé une bonne grippe, on dirait. Tu vas prendre du Paracétamol et bien te reposer, ça va ? Je vais te faire la prescription et un justificatif d’absence pour cette semaine pour l’école. Tu vas rester au lit au moins trois jours et après, tu peux retourner à l’école si tu te sens mieux. Je vais également te prescrire un médicament homéopathique pour améliorer ton système immunitaire en général.

Il remplit plusieurs papiers d’une écriture quasi illisible puis me souhaite un bon rétablissement et sort de la chambre, accompagné de Liam.

Je reste seul dans ma chambre. Je me dis que les médecins n’ont rien compris. Ils pensent que l’on attrape des maladies car on attrape, par hasard, un virus ou une mauvaise bactérie.

Mais rien n’est un hasard. Tout est lié avec nos vies antérieures. Et si je ne me plains pas d’être fiévreux, c’est parce que je sais que je suis malade car j’ai fait quelque chose de mal, un jour, dans une vie antérieure.

Je ne crois pas qu’il s’agisse de la vie dans laquelle j’étais empereur de Rome. Non, je crois que c’est la vie juste avant celle-là.

Je cherche des informations concernant cette vie-là mais n’en trouve pas. Soudain, j’ai une révélation : j’étais une femme dans cette vie-là.

Je me concentre comme Anha me l’a appris. Je sens que j’approche du but, des informations plus précises. Je distingue vaguement un pont. À quoi ressemble-il ?...

Soudain, Liam entre à nouveau, chargé d’un plateau. Il le dépose sur ma chaise de bureau et rapproche celle-ci de mon lit.

- Prends les médicaments maintenant. Le Paracétamol fera son effet dans quinze à vingt minutes.

Je me redresse et avale un comprimé Dafalgan ainsi d’une gélule homéopathique à l’aide du grand verre d’eau posé à côté.

- Tu veux que je t’apporte des BD ou des magazines de la salle de détente ?, demande-il.

- Non merci, je vais me reposer.

- Comme tu veux. N’oublie pas de bien boire.

- C’est compris.

Il quitte la pièce. Parler et me redresser m’a fatigué et je n’arrive plus à faire le point sur ce à quoi j’étais occupé de penser. Je ferme doucement les yeux et ne sens plus que mon ventre qui se gonfle et qui se dégonfle, au rythme de ma respiration, tandis que je me sens plus que fiévreux.

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Dix minutes après, le Dafalgan commence à faire son effet et je me sens un peu mieux, mais pas bien. Je suis heureux que la fièvre baisse mais j’ai quand même avalé le comprimé un peu malgré moi.

Les médicaments, quels qu’ils soient, ne servent presqu’à rien. Ce ne sont pas eux qui régulent la maladie, mais la gravité de l’acte antérieur qui a valu d’être malade.

Je dis presque à rien car prendre un médicament est quand même un bon acte envers soi, car on fait quelque chose qui va aider à aller mieux. Et c’est récompensé souvent par une aide à la guérison. Ce n’est pas ce qu’il ya dans le médicament qui aide à guérir, mais le fait de le prendre. C’est l’effet Placébo. Le reste concerne notre suite de nombres personnelle.

L’effet du Paracétamol se dissipe peu à peu. Ma fièvre remonte en flèche et je transpire abondamment. Ma tête tourne tellement que je n’arrive plus à réfléchir à quoi que ce soit. Je me sens plus que mal.

« C’est juste une punition et je l’ai méritée. C’est juste une punition et je l’ai méritée. C’est juste… »

Je me répète cette phrase en boucle. Elle me réconforte un peu et surtout m’aide à faire le point.

_

Mon état empire. J’ai l’impression que la fièvre me rend fou.

Je tremble de la tête aux pieds. Mes yeux roulent dans leurs orbites. Un tourbillon déferle dans ma tête.

Liam vient voir comment je vais et si j’ai besoin de médicaments. Je lui réponds que non, en essayant d’arrêter mes tremblements. Il repart.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Il faut que je voie Anha.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je ferme les yeux.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Mais que faut-il faire pour que ça s’arrête ?

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Il y a des gens qui endurent cent fois pire.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je n’en peux plus.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Oh non, je n’en peux plus.

C’est juste une punition et je l’aie méritée.

Suis-je fort ?

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Non, si je ne sais pas résister à ce mal, alors je ne suis pas fort. Alors, je ne suis pas fort comme je veux l’être. Alors, je ne suis pas fort comme Anha le pense.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je suis faible ! Je ne suis pas digne de recevoir les enseignements d’Anha !

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je veux qu’Anha dise que je sois fort. Je veux qu’il soit fier de moi !

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je veux lui prouver que j’ai compris. Que je sais ce qu’est la vie. Je veux résister à ce mal. Et je vais le faire.

C’est juste une punition et je l’ai méritée.

Je suis fort. Je n’ai pas le droit de me plaindre. Je dois regarder ma sentence en face et l’affronter la tête haute.

C’est juste … le trou noir.

v

Je me suis évanoui quelques minutes, et maintenant je me réveille.

Je me sens vide. Mon cerveau comme mes yeux.

Je regarde sans le voir le cadre avec une photo de mes parents accroché sur le mur en face de mon lit, sans penser à rien.

v

- Hey, salut, on m’a dit que t’étais malade.

Je sors de ma torpeur et voit Joey debout à côté de mon lit.

- Comment tu vas ?, demande-il.

- Pas terrible, je réponds.

- Ouais, ouais, je vois ça. Tiens, je t’ai apporté ça pour te remonter le moral.

Il me tend un paquet d’Oréos glacés.

- Merci, je dis en l’ouvrant.

Je lui tends un Oréo puis en mets un dans ma bouche.

- Bon sorry mais j’ai des devoirs. Remets-toi bien, dit-il

- C’est rien, merci d’être passé.

Joey repart.

Je termine mes Oréos quand arrive Marc. Il se laisse tomber sur ma chaise.

- Salut, mec, ça va mieux ?, demande-il.

- Bof, je réponds. Quoi de neuf à l’école ?

- Georges a passé toutes les vacances à écrire un poème à Mila. Il a voulu le mettre dans son casier mais il s’est trompé de casier.

J’éclate de rire.

- Il l’a mis dans le casier de qui, je demande.

- On sait pas trop. C’est peut-être celui d’un rhéto. On a aussi eu l’interro d’histoire et elle était méga dure.

- Ah… et celle de français ?

- La prof n’était pas là.

Nous continuons à discuter comme cela pendant vingt minutes, puis Marc sort de la chambre.

v

Les jours suivants, je me remets peu à peu, pas à pas, de ma grippe. Je ne suis complètement guéri que le samedi.

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