Chapitre 1

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On pourrait parler de déprime mais généralement, on dit qu’on déprime quand on est privé de quelque chose, quand on a cinq bilans pour le lendemain à l’école, ou que celle qu’on visait a dit non. La déprime, on en parle plutôt pour les choses de tous les jours qui rendent malheureux mais dont la blessure n’est pas bien profonde et ne saigne presque pas.

La déprime, c’est plutôt pour parler de choses décevantes mais qui ont leur utilité. Généralement, être privé de quelque chose a une certaine utilité, avoir des bilans permet d’apprendre et se prendre un râteau évite de devenir un couple qui ne s’aime pas. Moi, au contraire, ça ne sert à rien, ce qui m’arrive.

Ma mère est née dans une famille de toxicos. Sa mère en a abusé, même pendant sa grossesse. Sa fille est née en manque, elle a commencé à consommer de la cocaïne dès qu’elle a vu le jour. Et elle a continué, poussée par ses parents.

Mon père, lui, a commencé à quinze ans, mais avec des plus petites doses que ma mère. C’était un ado naïf qui a suivi des potes inffluants.

Quand ils se sont rencontrés, à 25 ans, il a réussi à faire diminuer la fréquence des doses de ma mère. En deux ans, elle est passée de cinq à deux doses par semaine. Elle y est arrivée.

Puis elle a voulu un enfant. Lui aussi, mais il ne voulait pas un enfant toxico. Il voulait quelqu’un comme il aurait aimé l’être, qui ne serait jamais tombé dans le piège de la cocaïne.

Ma mère aussi. Elle a décidé que durant sa grossesse, elle prendrait le moins de doses possibles.

Puis elle est tombée enceinte. Elle a souffert, car elle était en manque 24h/24. Elle s’était entrainée des semaines avant et avait réussi à ne prendre que trois doses par mois. Elle voulait en prendre encore moins durant sa grossesse. Et elle s’est accrochée, elle a souffert, et elle a réussi à n’en prendre presque pas. À ma naissance, après l’accouchement, après avoir vu le prix de ses efforts, elle s’est évanouie. Elle a dû reprendre de la cocaïne à plus grandes doses pendant quelques temps, tellement elle avait été en manque. Mais elle avait réussi.

Elle avait accouché dans une clinique privée afin que l’on ne découvre pas qu’elle se droguait. Personne ne l’a découvert.

Puis mes parents m’ont élevé. Ils m’ont tenu le plus éloigné possible de la drogue. Peu après ma naissance, ils ont réussi à encore diminuer leurs doses, sans pouvoir s’arrêter complètement. Ils sniffaient dans une pièce spéciale de la maison, où je n’avais pas le droit d’aller. Ils m’ont raconté comment eux étaient tombés dans le piège. Ils m’ont appris à vivre avec de l’argent légal, contrairement à eux. Ils m’ont éduqué comme il le fallait. Ils m’ont inscrit à l’école. J’y ai appris ce que tout le monde apprend. « Méfiez-vous de la drogue, ne vous laissez jamais tenter, etc. », ce que mes parents m’avaient toujours dit, mais d’un autre point de vue.

Puis, un jour, ils sont entrés. Perquisition, qu’ils ont dit. Ils avaient arrêté le livreur. Ils ont vu la cocaïne. Ils sont arrivés quand mes parents sniffaient et ils m’ont vu, moi. Un ado, des parents toxicomanes. C’est ce qu’ils ont vu. Ils n’ont pas aimé.

Puis tout s’est déchainé. On nous a emmenés au commissariat. Ils ont envoyé mes parents pour un an dans un centre pour les toxicomanes. Ils ont estimé qu’il était impensable de leur laisser la garde d’un mineur comme moi. Ils m’ont cherché un centre d’accueil. Il n’y avait plus de places au Québec, donc ils m’ont transféré en Europe. Et voilà où j’en suis.

On dit que quand un ami part vivre loin, il continue à nous accompagner dans notre cœur. On dit que quand un ami meurt, il continue à nous accompagner dans notre cœur. Et quand c’est nous qui nous éloignons, est-ce que c’est comme si on assassinait cet ami ? Doit-on considérer comme mort quelqu’un qu’on ne verra plus ? Je ne pense pas, car on a toujours l’infime espoir de le revoir.

Les mails échangés avec mes parents n’arrangent rien. À chaque fois que j’en envoie ou en reçois un, c’est comme si je les quittais un peu plus.

Tous les héros de films, romans ou autres qui ont perdu des êtres chers déversent leur amour sur quelqu’un, généralement de sexe opposé. Je ne veux pas faire ça. Je ne veux plus aimer. Je ne veux plus quitter.

En revanche, je veux être aimé. Je veux avoir des gens qui comprennent ce que je ressens. Il y en a, je le sais, surtout dans cet endroit, mais aucun n’a une histoire semblable à la mienne. Dois-je moi-même en trouver ?

_

Le foyer possède trois étages. Je suis au deuxième. J’ai une chambre avec un lit, une garde-robe, un bureau, une bibliothèque, un évier et une fenêtre qui surplombe le parc. En journée, le soleil inonde ma chambre.

Je ne sais pas exactement combien on est, je n’ai pas essayé de compter. Sans doute une vingtaine ou une trentaine. J’ai l’impression qu’il y a plus de filles que de garçons. En tout cas, toutes les chambres de mon couloir sont occupées par des garçons entre douze et dix-sept ans.

Par couloir, il y a une salle de douche et une petite salle informatique avec deux ordinateurs.

Au premier étage, on trouve les pièces de vie. La salle à manger, la salle de jeux, la salle télé. Au troisième, il y a les bureaux et les salles des gérants.

À l’extérieur, il y a un parc avec une plaine de jeux, des arbres et des pelouses. Il y a aussi un parking avec les voitures des dirigeants et du personnel.

On a un horaire de tâches à respecter. Le lundi, je dois mettre et débarrasser la table. Le jeudi, je vide le lave-vaisselle, et une fois par mois, je tonds les pelouses.

On est obligé de choisir une activité sportive. J’ai pris le tir à l’arc. Je me rends donc au centre sportif le mercredi après-midi et le samedi matin.

L’école débute demain. Un membre du personnel me déposera. J’ai hâte d’y être. Réfléchir, ça fait moins penser à la déprime.

Je ne veux pas aimer, je n’ai donc pas d’ami, mais un garçon me considère comme son ami. Il s’appelle Marc. Il vit au centre, mais il a déjà fait plusieurs familles d’accueil. Il sera dans ma classe, à l’école.

_

Ce matin, quand je me lève, j’ai une boule au ventre. On pourrait appeler ça du stress. Je me rends à la salle de douches où je croise Marc. On se salue.

Dans la douche, j’ouvre le robinet d’eau chaude et un jet d’eau commence à couler. Je lève le visage et sens l’eau couler sur mes joues comme des larmes, où peut-être que ce sont aussi de vraies larmes. Aujourd’hui, je vais vivre une rentrée sans que ce soient mes parents qui me conduisent à l’école, sans que je leur explique oralement, à la fin de la journée, comment sont les profs. Ça fait peur.

Je saisis le savon et me frotte énergiquement le torse, les bras et les jambes. J’essaie de me débarrasser de toute ma déprime, ma déception. Je me frotte jusqu’à avoir la peau rouge, à vif. Et quand je rallume l’eau, je me rends compte que je ne me débarrasserai jamais de ce que je suis devenu, de mes souvenirs. Plus j’essaie de repartir de bon pied, et plus je m’enfonce dans le désespoir.

Un quart d’heure plus tard, je mange mon petit-déjeuner. Avant, au Québec, je mangeais toujours une grande tartine de Nutella, accompagnée d’un fruit et d’un jus d’orange. Je ne veux plus manger et boire cela, si bien que j’avale juste un morceau de baguette avec un verre d’eau.

Quand je rentre dans l’école, je me rends compte qu’elle est beaucoup plus grande que celle dans laquelle j’étais, au Québec. Dans la cour de récré, plusieurs professeurs tiennent des panneaux avec le nom des élèves de chaque classe. Marc et moi cherchons longtemps avant de trouver la nôtre, la dernière. Le panneau est tenu par une dame d’une quarantaine d’années. On se place dans le rang.

Il faut encore une demi-heure avant que la classe ne soit au complet. Lorsque tout le monde est là, la femme nous conduit, à travers de nombreux couloirs, à une classe. Tous les murs sont recouverts de posters représentant des drapeaux, photos et cartes d’Angleterre et d’Espagne. On se met tous derrière une chaise. La prof allume la lumière et nous dit, d’un air rayonnant :

- OK, bonjour à tous et bienvenue, asseyez-vous !

Je m’assois. J’ai choisi une place au dernier rang.

- OK super ! Cette année, je serai votre prof d’anglais et d’espagnol. Je m’appelle Mme Jones et je suis d’origine anglaise. J’essaierai de faire paraître le cours le plus attractif possible, mais j’attends aussi de vous une attitude correcte, bien entendu. OK, maintenant que je me suis présentée, je vais vous demander de venir chacun à votre tour au tableau pour vous présenter. Vous pouvez le faire en français, mais si vous avez envie de le faire en anglais ou en espagnol, n’hésitez surtout pas ! Toi, là-bas, si tu veux bien commencer !

Les autres élèves se succèdent pour se présenter, certains en anglais ou en espagnol. Mme Boevson leur posent des questions personnelles. Quand c’est mon tour, je m’avance vers le tableau et dit, en français :

- Je m’appelle Timéo et je suis Québécois.

- Tu fais une activité, en dehors de l’école ?

- Tir à l’arc.

- OK, génial, Timéo ! Tu aimes les langues ?

- Pas spécialement, lui dis-je, la regardant dans les yeux.

- OK, alors je vais essayer que d’ici la fin de l’année, tu les aimes un peu mieux. Tes parents font quoi, dans la vie ?

- Ils travaillent dans un centre pour toxicomanes, dis-je.

- Et bien c’est super, ça ! Merci de t’être présenté, Timéo. Au suivant !

« Ils travaillent dans un centre pour toxicomanes ». J’ai vu la surprise de Marc mais il n’a fait aucun commentaire. Il pensait peut-être que j’allais dire : « Ils sont au Québec », ou « Je vis dans un foyer d’accueil », ou même limite, éventuellement « Ils ont été envoyés dans un centre spécialisé pour toxicos », ou encore que je cite leur ancien boulot, mais non. Je n’ai pas menti. Et je sais que, là-bas, ils travaillent avec acharnement pour lutter contre leur nature, pour lutter contre le quasi impossible. La prof parlait de travail dans le sens de job pour gagner sa vie, pas comme moi je l’ai dit. Et d’ailleurs, c’est vrai, ils travaillent pour gagner, pour sauver, leur vie.

La présentation des élèves dure l’entièreté de l’heure. Après ça, je suis les cours de math, français, histoire et géo. Après, c’est la pause de midi. Je scanne ma carte repas chaud puis me sert d’une assiette de pâtes avant de m’asseoir à côté de Marc.

- Le prof de français a l’air vraiment soporifique, dit-il.

Je hausse les épaules.

- Mais à part lui, les autres ont l’air plutôt cool, reprend-il.

- Oui, on dirait, dis-je.

On passe finalement toute la pause à parler de nos nouveaux profs avec Georges, un garçon dans notre classe. Je ne dis pas grand-chose et c’est plutôt eux qui parlent pour trois.

Quand il sonne, je me dirige vers une classe au troisième étage pour le dernier cours de la journée, philosophie.

Nous nous rangeons dans le couloir et attendons le prof. Il n’arrive pas et certains commencent à bavarder. Puis soudain, la porte de la classe s’ouvre brusquement et il apparait sur le seuil. On se tait d’un seul coup.

Il est très grand. Il est vêtu d’un jean noir, une chemise noire et une veste en cuir noire. Il a des cheveux foncés et bouclés, qui arrivent à ses épaules. Il doit avoir une trentaine d’années. Il dégage une énergie glacée et fascinante.

- Entrez, dit-il d’une voix grave.

Quand je passe devant lui, il me suit des yeux. Je me dépêche de rentrer dans la classe. Cet homme est effrayant et je ne peux m’empêcher de frissonner. Je m’apprête à m’asseoir au dernier rang, mais Marc, lassé de devoir s’installer toujours au fond de la classe, me mène presque de force tout à l’avant, devant le tableau.

L’inconnu claque la porte et le claquement résonne dans la classe silencieuse.

Les rideaux sont tirés et il fait sombre. La lumière n’est pas allumée.

L’homme se place devant le tableau et nous regarde longuement. J’ai l’impression que son regard s’attarde sur moi et je me tasse sur ma chaise.

Puis, lentement, Georges, assis derrière nous, lève la main. L’homme le dévisage puis fait un infime hochement de tête pour lui accorder la parole.

- Euh, excusez-moi, monsieur, pourrait-on, s’il-vous-plait, allumer les lampes ?

Il ne répond pas, mais tourne légèrement la tête de droite à gauche. Sa bouche n’a pas tressailli. Georges parait tétanisé, et l’atmosphère devient terriblement gênante lorsque l’homme prend la parole :

- Bienvenue, je suis votre professeur de philosophie. Nous commencerons l’année par aborder un thème qui je pense, vous intéressera.

Il a parlé très bas et pourtant tout le monde l’a entendu. Il commence à faire les cents pas autour de la classe.

Quand il revient devant le tableau, il dit, murmure plutôt :

- La mort, le pardon et la récompense sont très liés.

Il fait une pause puis reprend :

- La plupart des conceptions philosophiques parlent d’un enfer et d’un paradis. Si l’on a été jugé bon, on se retrouve au paradis, si l’on a été jugé mauvais, en enfer.

Il se remet à faire les cents pas.

- Pourtant, ne serait-il pas plus logique de payer les bêtises faites sur Terre aussi sur Terre ? D’être récompensé sur Terre pour ce qui a été fait sur Terre ? Toi, devant, au tableau.

Il n’a pas changé de ton. Marc se désigne du doigt d’un air surpris et l’homme acquiesce d’un hochement de tête. Marc se lève et contourne le banc pour être face à la classe, l’air anxieux.

- La conception de la réincarnation pourrait être une explication. Comment t’appelles-tu ?

- Ma…Marc.

- Très bien, Marc. Quand as-tu vécu quelque chose de particulièrement heureux pour la dernière fois ?

- Euh, quand je suis allé à Disneyland avec ma famille d’accueil.

Marc a l’air de plus en plus effrayé.

- Crois-tu qu’il s’agisse d’une récompense pour un acte accompli dans une vie antérieure ?, reprend l’homme.

- Euh, je…je ne sais pas, monsieur.

L’homme s’arrête à un mètre de lui et le jauge du regard, longtemps. Marc soutient son regard mais des gouttes de transpiration perlent sur son visage. Il a l’air terrifié.

- Tu peux te rasseoir, dit l’homme.

Puis la sonnerie retentit.

_

Dans le minibus qui ramène ceux du foyer, les commentaires fusent. Tout le monde a été secoué par le professeur de philosophie. J’entends les autres raconter à Nelly, le trentenaire qui fait le ramassage scolaire du foyer, le cours de philosophie. Il leur explique tous les profs bizarres qu’il a eus en secondaire.

Moi, je ne dis rien. Les mots entendus peu avant résonnent encore dans ma tête « Payer les bêtises faites sur Terre aussi sur Terre…..La conception de la réincarnation…….une récompense pour un acte accompli dans une vie antérieure… ».

Je viens d’être arraché à mes parents. Serait-ce parce que, dans une vie antérieure, j’ai fait quelque chose de mal ? Je n’aime pas cette explication.

Je ne dors presque pas, cette nuit-là. Je passe la plupart du temps allongé sur le dos, les yeux grands ouverts. Je n’arrive pas à me calmer, le dernier cours m’a vraiment secoué. Ce prof fait peur, vraiment peur. Mais la nature humaine recherche la peur, et je me dis que c’est pour cela qu’il me fascine autant.

Je pense que ce qui me fait le plus peur, c’est la pensée d’avoir dans une vie antérieure quelqu’un de mauvais, qui aurait fait du mal. J’ai l’impression qu’au moment où le prof a parlé de réincarnation, je l’ai cru. Et ce n’est qu’à deux heures du matin que je me dis qu’il n’y a aucune preuve et qu’enfin je m’assoupis.

_

Ce matin je ne pense plus du tout à ce que j’ai entendu la veille. J’ai fini par me faire une raison en me disant que quoi qu’il en soit, je ne peux rien changer, malgré que je n’aime pas ça. En tout cas, j’ai décidé de ne plus y penser et de me concentrer sur autre chose.

Je parle beaucoup plus que d’habitude dans le minibus qui nous conduit à l’école. J’essaie de m’occuper le plus possible pour ne pas que mon esprit ait à se préoccuper du pourquoi je suis ici, et je dois dire que la technique marche plutôt bien. Les autres ont l’air surpris mais heureux de me voir parler autant et ils me répondent avec enthousiasme.

Au programme de la journée : double cours de bio, latin, math, français, espagnol puis double cours d’éducation physique. Pas de philo, la journée s’annonce donc très joyeuse !

M. Da Vinci, le professeur de bio, a l’air d’avoir de l’humour et, après nous avoir demandé d’écrire notre nom et nos hobbies sur une feuille qu’il reprend, nous présente son cours. Apparemment, les programmes scolaires de biologie ne sont pas les mêmes qu’au Québec : j’ai déjà vu en grande partie le 1er thème l’année dernière.

Puis je monte au troisième étage pour le cours de latin. Je passe devant la classe de philo et j’essaie de ne pas en regarder la porte. Le latin nous sera enseigné par une prof qui a l’air véritablement géniale, Mme Christia.

Quand il sonne, je me dirige vers la cour de récré, mais alors que je traverse le couloir du troisième étage, le sourire aux lèvres en bavardant du dernier cours avec Georges et Marc, une main se pose sur mon épaule et me retient.

Je ne sais pas pourquoi, mais je sais à qui appartient cette main froide avant de regarder. Je ravale ma salive et me retourne. Me dominant de toute sa hauteur, le professeur de philosophie me regarde et me dit :

- Pourrais-tu venir un instant dans ma classe. Je voudrais te parler.

Il s’agit d’un ordre, et non d’une question.

Je reste cloué sur place. Il n’a pas enlevé sa main de mon épaule et me tient au piège. Je rentre lentement dans la classe sombre. Enfin, il me lâche.

- On t’attend près des casiers, d’accord ?, dit Marc, l’air inquiet.

Je hoche la tête. Le professeur referme la porte puis, lentement, ses pas résonnant dans la classe vide, va s’asseoir à son bureau, sa chaise tournée vers moi.

Je lève la tête et croise son regard. Il a les yeux plus noirs que l’encre.

- Tu t’appelle Timéo, c’est bien ça ?, demande-il et jetant au passage un petit coup d’œil à ses listes d’élèves.

- Euh, oui, je réponds, d’une voix mal assurée.

- Il parait que tes parents se sont fait arrêter il y a peu et qu’ils sont dans un centre pour toxicomanes. Et que tu t’es retrouvé ici.

Je fixe à présent mes chaussures, sans ciller. La peur a laissé place à la colère, à présent. Je ne veux pas que cet homme connaisse ma vie privée. Il n’a pas le droit.

- Je voulais te dire que si tu ressens le besoin de parler, tu peux me voir à cette adresse.

Et il me tend un morceau de papier. Je le prends en frissonnant au contact de sa main froide et le glisse dans ma poche.

- Je ne veux pas te retenir plus longtemps. N’hésite surtout pas à venir me parler, reprend-il.

- Merci, dis-je en ouvrant la porte, pressé de quitter la classe.

- Et n’oublie pas ce que j’ai dit au cours précédent, ajoute-il au moment où je quitte la pièce.

Je claque la porte et cours vers l’escalier, pour mettre en lui et moi la plus grande distance possible.

_

L’homme passa sa main sur le bureau, soulevant un nuage de poussière. Un garçon presqu’entièrement détruit. C’est ce qu’il voulait. C’est ce qu’il avait trouvé. Allait-il vraiment faire ce qu’il avait en tête ? Oui, et il le savait. Le temps des preuves était arrivé. Et une fois qu’il aurait commencé, il ne reviendrait pas en arrière. Il irait jusqu’au bout. Et alors il saurait. Il saurait s’il en était capable.

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