Chapitre 2

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Le lendemain, après l’école, je vais chez Starbucks avec Marc, Georges et Loran, le meilleur ami de Georges. Après avoir commandé des chocolats chauds pour Marc et Georges, un milkshake pour moi et un frappuccino pour Loran, nous nous installons à une table. J’en apprends sur Loran, que je ne connaissais que de vue.

Loran a un an et demi en plus que nous, tout d’abord parce qu’il est né au début de l’année, ensuite parce qu’il vient de doubler. Il est intelligent mais un peu paresseux quand il s’agit d’étudier. Il préfère jouer à l’ordi ou au foot. Il est dans l’équipe locale comme attaquant, en interprovinciales.

Les boissons arrivent. Les chocolats sont brûlants et nous faisons des paris sur le nombre de secondes durant lesquelles on arrive à garder la main plaquée sur le gobelet fumant.

Nous passons un bon moment, et nous disons au revoir bien après avoir terminé chocolats, milk-shakes et frappuccinos. Je souris, et ce sourire me suit jusque dans la voiture qui nous ramène, Marc et moi, au foyer. Depuis mon arrivée en Europe, je n’avais pas passé de si beau moment.

_

La fin de la semaine se déroule calmement. Mes professeurs ont l’air vraiment bien dans l’ensemble, mais je ne me suis juste pas encore bien habitué à leur façon de parler le français. J’ai beaucoup aimé le cours de musique. Malheureusement, c’est un cours que l’on a seulement le vendredi après-midi.

Je jouais de la flûte au Québec et après le cours, j’en fais une démonstration à Mme Peeters, notre prof de musique. Elle parait impressionnée et me propose de jouer durant les portes ouvertes de l’école, au moi d’avril. Quand je lui demande si elle connait un endroit près d’ici où je pourrais continuer les cours, elle me donne l’adresse d’une dame assez âgée, apparemment très gentille, qui donne des cours de flûte chez elle.

Je ne sais toujours pas ce qui m’a poussé à lui poser cette dernière question, moi qui n’ait toujours pas accepté d’avoir du quitter mon professeur de flûte au Québec, chez qui j’allais depuis mes dix ans.

Pendant le weekend, je me rends au club de tir à l’arc, puis je vais manger avec Marc au McDonalds près du centre sportif. Je me commande un BigMac accompagné de frites et d’un Coca. Nous quittons le fast-food à 14 heures pour avoir le temps de terminer nos devoirs aujourd’hui.

Et le lundi, une surprise m’attend.

Le temps de midi vient de se terminer et je sens mon moral chuter. Je vais devoir revoir le prof de philo. Je monte les marches jusqu’au troisième étage en silence. Je vais essayer de me mettre au fond de la classe. Quand je me place tout au bout du rang, dans le couloir, il n’est pas encore là.

Une minute s’écoule.

Puis, soudain, la porte s’ouvre et sort de la classe un vieux bonhomme souriant. Il s’efface et dit, une main dirigée vers la classe illuminée:

- Bonjour à tous, entrez, entrez !

Surpris, je m’avance et m’installe avec Marc au deuxième rang. Le bonhomme referme la porte et nous dit de nous asseoir. Après un raclement simultané de toutes les chaises indiquant que son ordre a bien été exécuté, il saisit une craie et écrit d’une écriture grande et désordonnée son nom au tableau. Ensuite, il se tourne vers nous :

- Bonjour, je m’appelle Alexander Wil et je serai cette année votre professeur de philosophie. Bon, les présences.

Il saisit un carnet recouvert d’un papier représentant des caricatures de philosophes célèbres, l’ouvre, et commence à faire l’appel, en levant la tête pour voir qui est qui et en nous demandant de le pardonner s’il ne retient pas tout de suite les prénoms. Quand il a fini, il farfouille un instant dans sa mallette en cuir brun usé et en sort une grosse pile de feuilles.

- Bon, je vous distribue votre cours. Toi, là, fais passer pour ta rangée. Et ici, vous êtes deux, quatre, et cinq, voilà, prenez deux feuilles chacun et faites passer derrière vous. Ici…Oui ?

C’est Georges qui a levé la main.

- Monsieur, excusez-moi, mais le prof que nous avons eu la semaine passée...

- Ah, oui, suis-je bête ?! J’étais un peu souffrant la semaine passée et il m’a remplacé, et normalement je ne devais pas revenir avant la semaine prochaine, mais je vais beaucoup mieux et donc, je suis revenu un peu plus tôt que prévu ! Bon, nous disions, Huit pour la dernière rangée, et voilà. Tout le monde a ses feuilles. Bon, super. Le premier thème de cette année portera sur les liens et éléments communs dans les différentes religions.

Le cours se déroule à merveille. Wil a beaucoup d’humour, et écoute attentivement notre avis. Mais je ne participe pas beaucoup. Je n’en crois toujours pas mes oreilles. L’autre professeur, parti ? Je ne comprends pas pourquoi, mais je ne sais toujours pas si j’en suis heureux ou déçu. Ce professeur me faisait peur, oui, mais quelque chose dans son regard me laissait penser que lui seul savait ce que je ressentais, même si ce n’était pas forcément bon signe. Je n’ai pas regardé l’adresse qu’il a écrite sur le papier qu’il m’a donné. Mon premier geste en rentrant au foyer d’accueil a même été de vouloir le jeter à la poubelle. Je l’avais déjà mis dans ma corbeille à papier, quand, finalement, j’ai décidé de le garder. Je l’ai récupéré et je l’ai enfoui tout au fond de mon armoire, pour ne pas avoir à le voir quand je prends mes vêtements. Même si je suis sûr de ne jamais le ressortir, on ne sait jamais, on ne sait jamais. Malgré tout, aussi insaisissable qu’il soit, ce professeur a quand même été le seul à me proposer de lui parler de mes problèmes.

Mais garder ce papier pourrait bien être ma plus grande erreur.

- À la semaine prochaine, notez au journal de classe : « Prise de contact + thème 1 ». Au revoir à tous.

Et c’est comme cela que se termine le cours.

v

Les deux semaines suivantes, j’ai l’impression de revivre. J’ai des potes sur qui je peux compter. J’ai des profs sympas.

Le matin, je ne me lève plus en étant déçu que la nuit soit finie. Je vais à l’école avec un quasi-sourire, je vais au MacDo, je vais chez Starbucks, je vais parfois faire mes devoirs puis jouer à des jeux vidéos chez Loran, avec Georges et Marc. Je vais au club de tir à l’arc. Je vais faire les activités proposées par le centre, que je considère à présent comme le mien. La semaine dernière, c’était une randonnée dans les bois, où les feuilles commencent à tomber des arbres et craquent sous les baskets le dimanche de bon matin. La semaine d’avant, c’était un cache-cache dans le noir le samedi soir.

À l’école, j’ai plutôt des bonnes notes.

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