III - La prison de Viviadi

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Eliam avait été plus lent que prévu. Les informations avaient circulé plus rapidement que prévu entre les deux forteresses qui se haïssaient viscéralement. Lorsqu'il arriva aux portes blanches des vierges de Viviadi, une délégation l'attendait de pied ferme. Quatre femmes aux allures de valkyries portaient les armes et s'extasièrent en voyant arriver le "vaisseau de la prophétie". Tel était le nom par lequel il avait été interpellé.

Il lui avait suffi de seulement lever sa main où les mots qu'il avait prononcés quelques jours plus tôt s'étaient ancrés dans sa chair pour se voir accorder le droit de passage.

Aussitôt escorté, le jeune homme n'eut qu'à suivre le long couloir éclairé de verrières et où les rayons du soleil de midi peinait à percer les nuages. L'ambiance sobre et pure était due à l'omniprésence de pierre blanche. Le silence était paisible et malgré l'absence de mobiliser les pas du petit groupe était atténué par de lourds tapis. Tandis qu'il marchait, Elia croisa de nombreuses femmes portant des robes simples et immaculées, ces dernières chuchotèrent sous le passage du garçon. Eliam osa leur envoyer un sourire timide, tout de suite accueilli avec quelques rires étouffés. Eliam s'était sentit doucement rougir.

Mais son état s'arrêta rapidement, car il entrait dans une cour intérieure où une fontaine immense accueillait un deux groupes de femmes de tous âge. Certaines luttaient à l'intérieur d'un cercle de sable, l'autre, assise sur la margelle de la fontaine, brodaient silencieusement.

Si ces deux groupes pouvaient facilement être différenciés, toutes les participantes portaient des tenues blanches. Quelles couvrent l'intégralité de leur corps ou bien qu’elle laisse les demoiselles exhiber leurs bras, leurs jambes et leurs ventre.

Par pudeur et parce qu'il était bien élevé, Eliam détourna le regard des lutteuses trop dévêtues pour être descend.

A son arrivée, les luttes avaient cessé et les aiguilles des brodeuses avaient cessé de s'agiter. Les regards étaient lourdement posés sur Eliam qui continuait de suivre les femmes qui le devançaient à pas réguliers et calmes.

L'une d'entre elle se détacha du cortège et vint murmurer quelques mots à la plus âgée des femmes présentes. La grand-mère était si ridées que la peau de ses paupières tombaient et masquait son regard. Eliam ne pouvait que deviner que la doyenne de l'assemblée avait le pouvoir de vie ou de mort sur lui. Cela prit quelques temps à l'ancêtre, mais elle se laissa glisser du siège et des couvertures qui faisaient son confort. Une fois debout, elle fit quelques pas tremblant avant d'avoir un aplomb correct et ne plus vaciller. Eliam aurait voulu lui venir en aide, seulement le regard noisette et presque doré de la vieille sembla lui ordonner de ne plus bouger. Ce que le jeune homme fit. Il retint même son souffle le temps que la doyenne ne termine de se rapprocher de lui avec la lenteur dû à son âge.

Quand enfin, la vénérable femme fut arrivée à sa portée, elle leva des bras tremblants pour agripper le visage du garçon. Eliam s'immobilisa sous la fraîcheur de la peau de l'ancêtre, ne réussissant pas à détacher son regard de celui noisette qui semblait sonder son âme.

— Puisque les Cristaux se sont exprimés à travers toi... Nous te protégerons de tes ennemis. Tu es notre précieux invité. Sahvana... Meryll, Orianne, aidez notre ami à s'installer. Déclara la vieille femme dont la voix fatiguée tremblait lorsque le son partait dans les aiguës.

Deux lutteuses autour du cercle de sable s'inclinèrent, tout comme l'une des brodeuses près de la fontaine, il s'agissait sans aucun doute des trois femmes que l'ancêtre avait désignées. Cette dernière était déjà aidée à retourner dans son fauteuil tandis que trois nouveaux visages féminins s'imposaient à un Eliam perplexe, mais qui pouvait respirer à nouveau.

N'osant toujours pas parler, il se laissa à nouveau guider parmi les pierres blanches de l'immense édifice. Il arriva alors dans des appartements aussi spacieux qu'une chambre royale, seule la sobriété et la blancheur du lieu lui rappela qu'il se trouvait à Viviadi, chez les vierges de vénus. Le lit était immense et aurait pu accueillit sans mal trois personnes. Il y avait une table de chevet sur lequel reposait un chandelier, néanmoins, ce dernier était inutile pour le moment étant donné l'immense luminosité de la pièce. Les nombreuses fenêtres étroites semblaient surplomber tout le bâtiment tout en donnant un point de vue plongeant sur le jardin intérieur qu'il avait visité quelques instants auparavant. Le soleil était haut dans le ciel et le jeune homme devait plisser les yeux pour contrer les rayons agressifs de l'astre solaire.

Concentré par la vue, il n'avait pas entendu les trois demoiselles s'affairer derrière lui. En un clin d'oeil, elles avaient préparé un bain fumant, trônant au centre de la pièce.

Eliam n'eut pas le choix et se retrouva rapidement mis à nu par les trois femmes qui ne semblèrent pas s'offusquer de sa tenue d'Adam. Rapidement plonger dans l'eau, les demoiselles s'affairèrent à le débarbouiller, le décrasser et même lui masser ses épaules tendues par les évènements. Pendant un instant, le jeune homme oublia qu'on le voulait mort et qu'il avait brisé un cristal de mars si précieux pour les guerriers sages.

Pensif, il finit par laisser ses yeux se poser sur l'intérieur de sa paume. Les mots de la prophétie étaient encore là. Rougeoyant sur sa peau sans pour autant lui faire mal. L'attention particulière qu'il accorda à la marque attira celle d'une des filles qui papillonnait toujours autour de lui, avec délicatesse, elle lui prit sa main marquée.

— C'est donc ici que tu as été marqué par le cristal ! S'exclama-t-elle mi-voix.

Aussitôt eu-t-elle briser le silence que les deux autres filles fondirent sur lui comme des abeilles par un fruit sucré. Eliam se sentit rapidement mal à l'aise tandis eu trois paires d'yeux fixaient l'intérieur de sa main, la manipulant à leur guise.

Eliam n'était pas au bout de ses peines. En effet, l'épisode de la baignoire n'était qu'un aperçu de ce qu'il allait vivre au quotidien. S'il était traité en véritable prince, avec des soins tous particuliers, le jeune homme n'avait pas un seul instant de solitude. Il était toujours observé. On lui demandait souvent de dire à voix haute la prophétie inscrite dans sa chair, et il était toujours surpris de voir les étoiles briller dans les yeux de ces filles inconnues lorsque Vénus était mentionnée.

*

Jamais seul, toujours accompagné d'aux moins trois vierge, il se sentit rapidement étouffé. On lui interdisait de s'exercer à l'épée ou de faire trop d'exercice. S'il restait plus d'une poignée de minutes debout, on faisait venir une chaise. S'il avait trop chaud, on l'éventait... L'intimité ne faisait plus partie de son vocabulaire. Si beaucoup d'hommes rêvaient d'être à sa place, il la leur aurait cédé bien volontiers. Mais Eliam rongeait son frein, il était protégé des foudres de guerrier Sage et c'était sûrement pour cela qu'il hésitait à s'enfuir.

Le jeune homme craignait qu'une fois de plus, le schéma que semblait prendre sa vie se réalise. Après tout à chaque fois qu'il s'était sentit en sécurité en un endroit le malheur avait frappé. Cela avait commencé avec l'assassinat de sa fiancée. Puis il s'était retrouvé au beau milieu d'un conflit frontalier à risquer la mort avant de se faire posséder par un cristal magique et de devenir la proie de ceux qui avaient gracieusement veillé sur lui pendant de longues semaines.

*

Allongé dans le noir, conscient des nombreuses respirations qui brisaient le silence de la nuit, Eliam avait du mal à respirer, les yeux grands ouverts, la paranoïa lui étreignait le coeur et la raison. Ces femmes ne le laisseraient jamais en paix, il ne pourrait jamais retourner à la grande bibliothèque. Bien qu'il eût cherché à ce que les Vierges de Viviadi le protègent, il aurait espéré qu'elles trouveraient un moyen de calmer la rage de Guerrier sages, de les ramener à la raison pour qu'à nouveau le simple scribe voyageur qu'il était puisse retrouver sa première activité. Elles n'en avaient rien fait. Pire que cela, elles s'évertuaient à le considérer comme une sorte de relique sacrée. Un objet qui ne devait souffrir d'aucune contrariété. Tout cela à cause d'un cristal brisé et de quelques mots gravé dans sa chair, une prophétie dont il peinait à saisir le sens.

Affolé par un besoin de respirer, le jeune homme fit de son mieux pour s'extirper des lourdes couvertures qui pesaient sur lui. Il ne fallait faire aucun bruit, les trois jeunes femmes qui dormaient dans la même pièce qui lui avait le sommeil léger et elles ne le laisseraient pas sortir dans le froid de la nuit profonde sans une meilleure raison que d'aller se rafraichir au grand air.

Il retenait son souffle et chaque pas son coeur battant si fort qu'il lui donnait l'impression que les tambourinements allaient réveiller ses étranges geôlières.

*

L'air de la nuit était glacial et la lune était pleine. Eliam se tenait maintenant au coeur de la cour intérieure, emplissant ses poumons d'un air gelé, laissant son souffle créer quelques nuages de vapeur. Cela n'allégeait en rien ses tourments. Machinalement, il caressa l'intérieur de sa paume, sentant les aspérités laissées par la prophétie.

Que devait-il faire maintenant ? Chercher à élucider l'énigme qui lui collait à la peau ? Fuir comme il l'avait toujours fait ? Se résigner à n'être qu'un simple support pour mots divins ?

Au fond de lui, il connaissait la réponse. Eliam n'avait jamais été très courageux. A chaque difficulté, il avait su trouver l'occasion de fuir. Lorsqu'il s'était éprit de la princesse Aléryn et qu'il avait laissé derrière lui la grande bibliothèque. Lorsqu'il avait perdu son amour et qu'il était retourné se perdre dans les livres... Seul son désespoir et sa colère l'avait fait agir dans les moments les plus cruciaux. Les seuls moments où sa vie était en jeu. Maintenant ? Sa vie se résumerait-elle à se terrer entre les jupes de femmes chastes ?

Il ne voyait alors aucune solution, et pourtant, lorsqu'une chandelle apparu dans le couloir extérieur, le jeune homme ne put s'empêcher de se mettre à couvert en retenant son souffle. Il croisait les doigts pour que son absence n'eût pas été repérée.

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