Le vieux confiseur partie 1

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     L’air était lourd, gris, humide et rempli de pollution. Toute végétation naturelle et la plupart des espèces animales avaient disparu de la terre. Viande, légumes, céréales tout était fabriqué en laboratoire. Les campagnes étant désertes, des mégapoles s’étaient formées dans un amas de machines, de blocs enchevêtrés les uns sur les autres et de néons aux couleurs saturées. L’atmosphère étouffante, la pluie quasi constante obligeaient les habitants à s’enfermer dans leurs appartements une bonne partie du temps. Seuls les travailleurs et les âmes désabusées erreraient dans les rues pestilentielles. Le teint blanc presque gris, la mine basse, ils arpentaient les rues qui étaient à la fois trop et mal éclairées. Les gouttes de pluie ruisselant sur leurs visages, laissant se refléter les enseignes ultras colorées. Le corps lourd et fatigué, ils allaient et venaient sans but particulier. Même les travailleurs sortaient avec un air de dégoût en s’observant mutuellement. Aucune personne de cette ville n’a connu le monde tel qu’il était autrefois. Seules les archives parlent d’un monde avec des animaux, des plantes, de la lumière. Une lumière qui pouvait sûrement vous réchauffer le cœur. Mais ici, l’unique source lumineuse n’était que l’impulsion électrique qui parcourrait des réseaux de câbles bruyants. Ils donnaient d’ailleurs l’impression que ceux-ci pouvaient exploser à tout moment sous leurs labeurs constants. On trouvait dans le ciel machines et écrans diffusants sans interruption des messages publicitaires et des stands de nourritures se déplaçant d’appartement en appartement au gré des commandes.

Parmi eux, on pouvait en distinguer un, surplombé d’un petit zeppelin, auquel se balançait tranquillement une grosse lanterne rouge. Le vieux confiseur à son bord parcourrait chaque jour l’immense ville afin de vendre ses bonbons et réconforter un peu le cœur des gens. Les clients n’étaient pas très nombreux, mais reconnaissants. Une esquisse de sourire se dessinait sur leurs visages au passage du vieil homme.

Le soir, il retournait dans son atelier pour fabriquer ses bonbons et dans ce même atelier se trouvait un secret. Bien caché à l’abri des regards, le vieux confiseur conservait un tout petit arbre dans un pot. Il ne savait pas comment celui-ci faisait pour survivre, il n’y avait pas de soleil, seulement l’eau que lui donnait le vieil homme. Une eau sale, pauvre en nutriment. Mais il aimait cet arbre par-dessus tout. Il passait beaucoup de temps à l’observer et à lui parler d’un monde que lui-même n’avait pas connu. Parfois, il pleurait à chaudes larmes, épuisé de ce monde terne et sans vie. Cet arbre existait dans sa famille depuis des centaines d’années, certains pensaient qu’il était une bénédiction, d’autres le croyaient envoûté ou encore le voyaient comme une malédiction qui nous poussait à contempler les erreurs passées des hommes.

Une nuit, après avoir préparé ses friandises du lendemain, le confiseur vint s’asseoir près de son arbre. Il remarqua aussitôt trois petites billes entre les feuilles. Elles grossissaient à vu d’œil. Bientôt, il comprit que ce n’était pas des billes, mais des noix et au bout de quelques jours, l’une d’elles se détacha et tomba. Il l’a pris dans ses mains, celle-ci se mit à éclore tel un œuf. En sortit, une petite créature grande d’une quinzaine de centimètres, de forme plus ou moins humanoïde. Son visage était orné d’un masque de bois grotesque orné de feuilles cramoisies, de peaux et de plumes brune et bleue électriques , ses yeux n’étaient que deux fines fentes aussi noires et profondes que les abysses. Étaient taillées dans le bois, des symboles que l’homme ne connaissait pas.

Le vieil homme se dit qu’il lui évoquait les sorciers du continent d’Afrique et il se demanda s’il allait se mettre à danser comme il avait pu le voir dans les vidéos du monde d’avant. Ce dernier fixa l’homme calmement, puis comme sorti de nulle part, il lui tendit un petit sac de toile ocre. Celui-ci était rempli de perles vertes claires ressemblant à s’y méprendre à des pierres précieuses.

- Mais qu’est-ce que c’est que ça ? demanda le vieil homme.

- Tu devras les disperser au travers de la ville demain. Lui répondit la créature.

Puis elle s’éloigna en direction de l’arbre, s’enfouit entre les feuilles de ce dernier et s’endormit. Le confiseur afficha un air étonné durant plusieurs minutes, il toucha la bestiole, mais celle-ci dormait profondément. Il se résigna et alla se coucher à son tour.

Au matin, lorsqu’il se leva la créature avait disparu. Il pensa que ce n’était qu’un rêve, mais le sac de perles était bien là, il le mit alors sur son étal à côté des confiseries et partit pour sa journée de travail. Comme chaque jour, il pleuvait. Le confiseur survolait la ville depuis quelques heures quand il se rappela le sac de pierres. Il en sortit une, l’examina de plus près. Ce n’était pas une sphère parfaite, mais elle était à peu près ronde, de la taille d’une olive. Il en sortit d’autres, certaines étaient d’un vert profond, d’autres tâchées de rouge, de jaune, de brun, mais elles brillaient toutes de reflets irisés. Il se demanda s’il devait les répandre comme le petit être l’avait dit. Il décida d’en laisser tomber une, juste pour voir, mais après quelques minutes d’attente rien ne se passa. Le vieil homme en jeta donc une à chaque client qu’il servait, se questionnant sur l’utilité de ces pierres. Les heures défilèrent et rien d’inhabituel ne se produisit, il saupoudra donc les dernières au hasard sur le chemin du retour.

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