QMP#14 — Cicatrisation

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Le printemps se fait attendre, personne ne dira le contraire.

Se demander, à la mi-avril, si le prunier dans le jardin, ses branches grises, sinistres et encore nues, est à la bourre ou bien crevé, ça soulève des questions. À gratter le pare-brise de la voiture alors que le muguet devrait déjà sortir de terre, on désespère de remiser un jour le manteau au placard ; on imagine avec tristesse un mois de mai sans tambour ni clochette. On réfléchit à ce qu’il se dit sur le dérèglement climatique. On se souvient de ce roman lu sur une serviette de plage, écrit sous la forme d’une autobiographie, narrant la survie d’un homme à un hiver nucléaire. Il était alors question d’anticipation ; aujourd’hui, rien ne paraît moins sûr. Si je devais prendre la plume à mon tour, elle n’aurait rien d’optimiste.

Et puis ce matin, alors qu’à la table de la cuisine je bois mon café, les yeux encore collés et le vague à l’âme, j’entends frapper au carreau. Ce bruit singulier — j’habite au troisième étage — me fait lever la tête ; une tache noire et jaune virevolte et se cogne à un rythme régulier. Une abeille solitaire, ou bien un bourdon ? Je me lève et m’approche de la fenêtre. J’ai du mal à y croire. Pourtant l’insecte est bien là, insistant. Dans le ciel brille un grand soleil qui, perçant le verre de ses rayons, me réchauffe le visage et le cœur. Dans le jardin, le prunier est couvert de petits bourgeons à bois et à fruits.

Alors ça y est, enfin ?

Un sanglot soulève ma poitrine. Un frisson d’espoir se faufile sous mon pull. Bordel, je vais pleurer ! Délaissant ma tasse sur le rebord de l’évier, je me précipite dehors. En chaussons sur la terrasse. Je remplis mes poumons d’un air encore frais, mais chargé d’odeurs printanières.

Éclosion d’envies, de projets. Aller jusqu’au village à pied, m’asseoir à une table du troquet de la place, commander une eau gazeuse et sa rondelle de citron. Écouter la petite fontaine adjacente gazouiller. Saluer le postier qui rechigne à boucler sa tournée. Laisser un papillon, tout juste évadé de sa chrysalide, se poser sur le rebord de mon verre.

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