Noël chez Omar...

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La scène s’ouvre au milieu des bois, une jolie maisonnette se trouve là, éclairée de guirlandes multicolores. Quelques voitures sont garées devant. De la dernière arrivée, un couple sort. Philippe et Géraldine, deux collègues.

Géraldine (en tremblant, surtout de froid, mais un peu inquiète quand même) : Vous êtes sûr que c’est ici ?

Philippe (en verrouillant sa voiture) : Oui.

Géraldine (insistante) : Vous êtes déjà venu ?

Philippe : Non, pourquoi ?

Géraldine : Comment savez-vous que c’est bien ici alors ?

Philippe (en haussant les épaules et s’approchant de l’entrée) : C’est ce que dit le gps. Allez, venez, Géraldine, nous ne sommes pas en avance.

Géraldine (traînant un peu des pieds) : Et comment le connaissez-vous, ce monsieur Omar ?

Philippe (un petit rire dans la voix) : Par ma cheminée.

Géraldine (interloquée) : Comment ça, votre cheminée ?

Philippe (s’impatientant un peu dans le froid) : Je lui achète du bois pour ma cheminée.

Géraldine : Et vous passez le réveillon avec lui ?

Philippe (en faisant signe à Géraldine d’approcher) : Et vous aussi d’ailleurs, allez, arrêtez d’avoir peur, il est très sympathique, nous allons passer une bonne soirée. C’est toujours mieux que vous languir seule chez vous, non ?

Géraldine (en se rangeant au bon sens de l’argument) : C’est vrai au fond. Je vous remercie d’avoir pensé à moi pour vous accompagner, d’ailleurs.

Philippe (souriant et sonnant à la porte) : Pas de quoi, il fallait venir à deux, et vous êtes la seule et l’unique qui ait accepté.

Géraldine (charmée) : J’aime qu’on me dise que je suis la seule et l’unique, hihihi.

La porte s’ouvre sur Omar, un beau et grand barbu avec un bonnet rouge sur la tête.

Omar (s’exclamant) : Ha, Philippe, vieille branche, on n’attendait plus que vous. Allez, rentrez au chaud, venez, venez ! Tenez, posez vos manteaux là.

Philippe (une fois entré, une main dans le dos de Géraldine) : Merci pour l’invitation, Omar. Laissez-moi vous présenter Géraldine, une amie du travail.

Omar (ôtant son bonnet pour la saluer d’une courbette) : Enchanté, vous êtes la bienvenue dans mon humble demeure. On se fait la bise ?

Géraldine (rougissant sous l’effet de la chaleur après le froid et répondant à l’embrassade) : Enchantée moi aussi, c’est charmant chez-vous.

Omar (en bombant le torse) : Merci. Mais ne restons pas là, dans l’entrée, suivez-moi, je vais vous présenter aux autres convives.

Philippe et Géraldine le suivent vers un grand salon faiblement éclairé par quelques guirlandes lumineuses et la lumière tremblante d’une grande cheminée. Six personnes s’y trouvent déjà, quatre femmes et deux hommes. Au mur, une fabuleuse collection de haches accroche des reflets brillants.

Omar (en bon maître de maison) : Et voilà nos petits retardataires, Philippe et son invitée Géraldine. Mes amis, voici Pamela et son amie Mélanie, Jérome et sa femme Valérie, et Simon, accompagné de Marie-Garance, sa belle-sœur, on peut dire ça ?

Simon (en se tirant la moustache) : Oui, tout à fait, on peut dire ça. Enchanté en tout cas, ha et ne faites pas attention à Marie-Garance, elle est muette et un peu perdue depuis la mort de mon frère…

Géraldine (coupant la parole pour s’adresser à Omar) : Excusez-moi, où est-ce que je pourrais me rafraîchir ?

Omar (avec un clin d’œil) : Par ici, je vais vous montrer.

Ils s’éloignent, laissant Philippe en compagnie de Simon et de Marie-Garance qui a les yeux dans le vide.

Philippe (se raclant la gorge) : Hem hahem, ça ne doit pas être facile pour vous, perdre votre frère mais garder sa femme.

Simon (en se tirant un sourcil) : C’était sa dernière volonté, dans son testament. Puis bon, elle n’est pas trop encombrante ça va. Hein, Marie-Garance ? T’es pas encombrante, hein ? Vous voyez ?

Philippe (voyant très bien en effet) : Et sinon, comment connaissez-vous Omar ?

Simon (en se tirant le col) : Un ami de mon frère, il était justement ici avant de mourir dans ce terrible accident de voiture.

Philippe (embarrassé de ne pas réussir à changer de sujet) : Diable, je suis vraiment désolé.

Simon (en se tirant le lobe de l’oreille) : Vous l’auriez-vu, coupé en deux net, tout ça à cause de sa ceinture de sécurité. C’est un sacré complot ça encore. Pour vous dire, moi, depuis, je ne la mets plus.

Philippe (regardant les autres convives, guettant une échappatoire) : Comme je vous comprends... Ho, voici notre hôte qui revient. Excusez-moi.

Philippe s’avance vers Omar qui vient de rentrer dans la pièce.

Omar (en renfilant son bonnet) : Ha, mon cher Philippe, vous vous amusez-bien ?

Philippe (honnête mais pas trop) : J’avais une discussion très intéressante avec Simon au sujet de la sécurité routière.

Omar (en bon maître de maison) : Oh, mais je vois que vous n’avez pas de coupe de champagne. Tenez, goûtez-moi cette petite merveille.

Philippe (tenant la coupe qu’Omar remplit) : Pas trop, pas trop, merci.

Omar (trinquant avec sa propre coupe) : À notre santé.

Philippe (avant de boire) : Santé !

Omar (reposant sa coupe et donnant une tape amicale sur le bras de Philippe) : Je suis content que vous soyez venu. Et quelle délicieuse personne que votre amie Géraldine, une femme exquise. Vous me gâtez.

Philippe (remarquant l’absence de sa collègue) : Tiens d’ailleurs, elle est…

Omar (sur le ton de la confidence) : En train de rafraîchir.

Philippe (ne relevant pas cette légère erreur de syntaxe) : Je vois. Ha, les femmes ! D’ailleurs, en parlant de ça…

Omar (en se rapprochant) : Dites-moi ?

Philippe (rosissant légèrement) : Cette jeune femme, Mélanie, vous la connaissez ?

Omar (avec un sourire complice) : Joli brin de fille, pas vrai ? Hélas, seulement depuis ce soir, j’ai invité son amie, Pamela. Je ne la connais pas beaucoup plus d’ailleurs, elle est anglaise et travaille au magasin de jardinage du coin. On a sympathisé il y a quelques semaines, lorsque je suis allé acheter un nouveau broyeur.

Philippe (se renfrognant légèrement) : Je vois, je vois. Vous vous liez facilement en tout cas.

Omar (en remplissant à nouveau la coupe de Philippe) : Ce n’est pas aussi compliqué que ça en a l’air. Tenez, buvez un bon coup et allons les voir.

Philippe avale sa coupe d’un trait, étouffe un petit rot et suit Omar vers les autres convives rassemblés autour du buffet.

Jérome (en agitant un feuilleté à la saucisse) : Aucun regret, celui des voisins me suffit amplement.

Valérie (ne sachant où se mettre) : Calme toi, poulet, voyons.

Omar (avec un naturel désarmant) : De quoi parlez-vous ?

Jérome (croquant dans son feuilleté et postillonnant des miettes) : Du gosse des voisins. Y’a rien qu’à voir les conneries qu’il fait pour pas avoir envie d’en avoir. Pis c’est écologique et économique.

Valérie (en aparté) : Mon mari est une vraie pince, monsieur Omar.

Jérome (continuant avec énergie) : Heureusement, Valérie est stérile, c’est bien pour ça que je l’ai choisie…

Valérie (agacée) : Enfin, poulet, tiens toi un peu.

Jérome (vidant sa coupe) : Quoi ? C’est pas tabou, si ? De toute façon les gosses c’est des ennuis et des ingrats, toujours à te reprocher de ne pas avoir été de bons parents.

Pamela (chuchotant à Mélanie) : C’est sûr que ses enfants auraient eu des reproches à lui faire, à lui.

Mélanie (en roulant de gros yeux) : Tu m’étonnes.

Valérie (un peu gênée) : Excusez-le, c’est parce que le fils des voisins a rayé sa voiture, d’habitude il n’est pas comme ça, vous savez.

Pamela (en coulant un regard brillant vers Omar) : Et vous, cher Omar, vous aimez les enfants ?

Omar (avec un clin d’œil) : Oui, surtout en gratin.

Jérome (couvrant les rires d’un gros éclat jovial) : Hahaha, j’adore l’humour noir.

Simon rejoint le groupe à cet instant, suivi de sa belle-sœur.

Simon (en se tirant la brayette) : Dis-moi, Omar, est-ce que tu aurais un endroit où Marie-Garance pourrait se reposer, elle fatigue un peu, je pense.

Omar (en bon maître de maison) : Bien-sûr, suivez-moi, je vais vous montrer la chambre d’ami, elle pourra s’allonger et être au calme. Mes amis, je vous laisse faire connaissance, je reviens tout de suite.

Avec une petite tape d’encouragement sur l’épaule de Philippe, Omar s’éclipse, suivi de Simon, tirant Marie-Garance par le bras)

Jérome (la bouche désormais pleine d’une mini-pizza) : Et vous, Philippe, c’est ça ? Vous avez des enfants, ou en voulez ?

Philippe (jetant une œillade rapide vers Mélanie qui ignore complètement la conversation, discutant avec Pamela) : Hem, hé bien, je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’y réfléchir, mais je n’ai rien contre, avec la bonne personne.

Valérie (en aparté à Philippe) : Vous savez, moi, j’aurais bien aimé adopter un petit syrien, ou un vietnamien, peu importe.

Philippe (baissant les épaules en voyant les deux jeunes femmes s’éloigner vers un grand canapé mais restant poli) : C’est beau l’adoption.

Jérome (en soupirant bruyamment) : Si en plus c’est pour élever un métèque, non merci, hein.

Valérie (en secouant son chignon) : Roh, poulet, comment peux-tu dire des choses pareilles.

Jérome (haussant le ton) : Oui, bah moi au moins je dis ce que je pense tout haut, pas comme toi et toutes tes messes basses.

Philippe (sentant un mal de tête survenir et profitant du premier alibi venu pour fuir lâchement) : Hmm, je me demande où reste Géraldine, je ferais mieux d’aller voir. Excusez-moi.

Philippe quitte le couple et la pièce, en quête de la cuisine et, lassé du champagne, d’une bière. Il ouvre le frigo, tombant sur Géraldine, sans bras ni jambe.

Géraldine (un peu froidement) : Ha, Philippe, vous voilà enfin !

Philippe (étonné mais sans plus) : Bah alors, Géraldine, qu’est ce que vous faites dans ce frigo ? On, enfin, je vous cherche partout depuis tout à l’heure.

Géraldine : Omar m’a tué.

Philippe : Un homard ?

Géraldine : Non, Omar !

Philippe (riant de sa bêtise) : J’ai cru que c’était un homard avec un h, haha.

Géraldine (gardant la tête sur les épaules malgré tout) : Non, c’était Omar avec une hache.

Philippe (pragmatique) : Il est bucheron, c’est pour ça.

Géraldine : Pour ça que je ressemble à une bûche de noël ?

Philippe : Plutôt à une femme tronc de noël.

Géraldine (éclatant en sanglot) : C’est vraiment la pire soirée de ma vie.

Philippe (compatissant mais pas trop) : Comme je vous comprends, bon, je vous laisse hein, je venais juste chercher de la bière.

Géraldine (un peu dépitée) : Vous êtes comme les autres.

Philippe (s'apprêtant à refermer le frigo) : Merci, ça me touche, allez…

Géraldine (en s’écriant) : Hey, ne fermez pas la porte, s’il vous plaît.

Philippe (imitant Jérome) : Ha bah si, hein, ce ne serait pas très écologique, ni économique.

Géraldine : Mais je ne veux pas être seule enfermée ici.

Philippe (en prenant des airs) : Vous êtes morte, quelle importance ? Ce frigo sera votre tombeauuu.

Géraldine (pas convaincue par l’humour) : Sérieusement ?

Philippe (après réflexion) : Pardon, ça rendait mieux dans ma tête.

Géraldine (se radoucissant) : C’était un peu too much.

Philippe (un peu gêné) : Je m’en suis rendu compte en le disant. Bon, Géraldine, je ne vous importune pas plus longtemps. Rafraîchissez bien.

Géraldine (juste avant que la porte ne se referme) : Merci. Bonne soirée, Philippe.

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