Capharnaüm

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 Assis en tailleur dans son duvet, Malcolm scrutait la boîte. Il ne s'était pas encore résolu à l'ouvrir. Elle était taillée dans un bois sombre et de manière assez simpliste. Aucune inscription ni signe particulier ne figurait dessus. Que devait-il faire ? Qu'allait-t-il se passer à présent ? Michel allait-il revenir ?

En la faisant tourner sur elle-même, Malcolm s'aperçut qu'elle se déverrouillait en poussant un petit loquet de cuivre. Si Michel avait dit vrai, le dernier à l'avoir touché était le roi des Dieux, ce qui vu sous cet angle paraissait quand même peu probable. Ces derniers temps, son ami allait de moins en moins bien. Il était agité et leurs discussions ressemblaient à des monologues. Michel avait aussi beaucoup maigri ce qui avait accentué les traits de son visage et lui donnait un air plus sévère lorsqu'il fronçait les sourcils.

Depuis leur dernière rencontre, huit jours s'étaient écoulés. Huit jours durant lesquels chaque matin, Malcolm s'était rendu sur le banc, la boîte dans la main et avait attendu son ami. Le neuvième jour alors que Malcolm se surprit à penser que les tapes derrière la tête commençaient à lui manquer, il entendit des pas s'approcher. Il se retourna, mais ne vit personne. Les pas venaient de la contre-allée. Malcolm s'y précipita et aperçut avec déception, le nouveau gardien. Il n'avait rien de commun avec Michel. Il semblait très jeune et ses cheveux noirs, gominés en arrière, faisait ressortir le teint très pâle de son visage. Il arpentait les allées les mains dans le dos tandis qu'un sifflet étincelait à la boutonnière de son uniforme neuf. Malcolm l'interpella pour lui demander des nouvelles de Michel.

- Pardon monsieur, tenta Malcolm, vous avez des nouvelles de Michel ? Pourquoi est-il parti ? Quand va-t-il revenir ?

- Qui es-tu ? Tu empestes ! Écarte-toi ! On dirait une de ces vermines qui vit au crochet de la société. Estime-toi heureux que je ne t'arrête pas, je n'ai pas envie de faire de la paperasse pour mon premier jour. Tu connaissais Michel ? Je ne sais pas pourquoi mais finalement, à te voir ça ne m'étonne pas ! Que lui veux-tu à ce bon vieux Michel ?

Malcolm fit un pas en arrière.

- Je m'appelle Malcolm et je suis un ami de Michel. Je suis inquiet de...

- Un ami ? L'interrompit le gardien. Michel n'avait pas d'ami ! D'ailleurs que sais-tu de lui ?

Malcolm dut se rendre à l'évidence qu'il n'avait aucune réponse à donner. Que savait-il vraiment sur cet homme qui finalement n'avait jamais parlé de lui ? Malcolm garda le silence et posa son regard sur ses chaussures trouées. Se serait-il moqué de lui durant tout ce temps ?

- Tu vois ? Tu ne sais rien ! Tu pensais peut-être le connaître, mais finalement il se fichait sûrement de toi. Il était solitaire et n'avait pas d'ami. Il a disparu sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Un matin il n'est simplement pas venu travailler et depuis ce jour, nous n'avons plus aucune nouvelle. En même temps, tout le monde s'en fiche de sa disparition. Pour être honnête, je ne suis même pas sûr que quelqu'un le recherche ou ait même déclaré sa disparition. Il a dû s'enfoncer dans sa folie et je ne serais pas étonné qu'il soit retrouvé un matin, ivre au coin d'une rue !

Malcolm accusa le coup, mais ne put s'empêcher de prendre la défense de son ami.

- Non ! Michel n'était pas fou !

L'homme étouffa un petit rire aigu avant de reprendre :

- Pas fou ? Comment appelles-tu quelqu'un qui reste solitaire, qui ne parle à personne si ce n'est à lui-même, qui est capable de s'infliger des punitions au nom de je-ne-sais quelle règle ? Moi j'appelle ça un fou. J'ai assez perdu de temps avec toi. Quoiqu'il en soit, il a disparu et tu ferais bien de suivre son exemple parce que si je te revois dans ce parc, tu pourrais le regretter !

La menace à peine voilée, il remonta sa veste au-dessus de sa hanche et laissa Malcolm apercevoir la matraque qui y était fixée.

- Le message est clair, petit ? Lui demanda-t-il avec un sourire narquois.

Malcolm partit se réfugier dans son abri de fortune. Son ami l'avait abandonné. Il ne reviendrait pas. Au fond, sa vie se résumait peut-être à ça : l'abandon. L'abandon de ses parents, sa famille et maintenant le seul ami qu'il avait eu. Submergé par la colère, les quelques objets qu'il possédait se mirent à voler. La boîte qui lui rappelait son ami à chaque fois que son regard se posait dessus ne fit pas exception et s'écrasa au sol, dans un coin du refuge. Dévaster l'intérieur ne lui prit que quelques minutes, mais ne l'apaisa pas pour autant alors il sortit et fit de même à l'extérieur. Tout cela n'avait pas de sens.

Épuisé, Malcolm s'agenouilla et laissa le chagrin le submerger.

Il resta ainsi pendant des heures et ce n'est qu'avec l'apparition de la pluie qu'il se résolut à regagner le capharnaüm dans lequel se trouvait son duvet. Les jours suivants, la situation ne s'améliora pas et il ne sortait que dans un seul but : trouver de l'alcool.

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