Chapitre 3 - La Grosse Pomme (1)

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Vendredi 16 juillet 1965, à bord du France

Le lendemain matin, au petit déjeuner, Frédéric demanda à Koen :

— Tu as passé une bonne soirée ? Tu dormais quand je suis rentré et je n’ai pas voulu te réveiller.

— Excellente ! répondit le Néerlandais. L’ami d’Amaury, Pierre, a une belle et longue queue, comme je le pensais après avoir vu la bosse de son slip de bain.

— Tu l’as mesurée ?

— 17 cm, mais ce n’est qu’une estimation.

— Comment as-tu fait pour le convaincre de te la montrer en érection ?

— Bah, comme d’habitude, pour mes études scientifiques…

— Il t’a cru ?

— Non.

La réponse de Koen suscita quelques rires.

— Alors, continua Frédéric, comment ?

— C’est Amaury qui lui a suggéré de me la montrer, pour me remercier de leur avoir prêté la cabine. Pour compenser, je lui ai montré la mienne.

— Vous vous êtes branlés ensemble ?

— Non, Dom et moi les avons laissés seuls. Je regrette de ne pas m’être promené sur le pont de seconde classe, il devait y avoir plus de beaux gosses qu’en première. Je me rattraperai au retour.

— Je t’ai déjà dit que nous rentrerons en avion, fit Frédéric.

— Dommage. Et vous, vous avez passé une bonne soirée avec les musiciens ?

— Oui, fit Daniel, nous avons parlé de leurs œuvres, comme prévu. Benjamin nous a joué des extraits d’un nouvel opéra au piano.

— Rien d’autre ? Ils ne sont pas gays ?

— Être gay ne signifie pas obligatoirement coucher avec tout le monde. Oui, ils sont gays, mais en couple depuis très longtemps. Bon, ils ont insisté et nous n’avons pas voulu les décevoir.

— Moi aussi je suis en couple avec Frédéric, cela ne m’empêche pas de coucher avec tout le monde.

— Tu ne te lasses jamais ?

— Non, pourquoi ?

— Hier soir, continua Daniel, nous avons pensé que le libertinage devenait banal.

— Vous réfléchissez trop, le sexe doit être spontané, comme un instinct animal. L’homme n’est qu’un animal.

— Tu préfères la quantité à la qualité ?

— Exact, avons-nous le temps ce matin ?

— Non, dit Dominique, nous devons préparer nos bagages.

Vendredi 16 juillet 1965, New York, NY

Après avoir fermé leurs valises, nos quatre voyageurs sortirent sur le pont pour l’entrée dans le port de New York vers 9 heures du matin.

— Magnifique, dit Dominique, même si je l’ai vue en photo des dizaines de fois, passer à côté de la Statue de la Liberté me donne des frissons. Et les gratte-ciels de Manhattan se profilent derrière.

— Pourtant, nous avons la tour Bel-Air à Lausanne, dit Frédéric en riant, elle est presque aussi haute.

— Cette île, demanda Koen, c’est Ellis Island ? Où les immigrants étaient accueillis ?

— Je pense, dit Daniel en consultant son guide touristique.

— J’ai lu qu’on leur contrôlait la bite en arrivant. Feront-ils la même chose avec nous ?

— Ce serait plutôt une fouille au corps pour voir si tu n’as rien caché dans ton rectum, dit Frédéric. Ça te ferait plaisir ?

— Si le douanier est sexy, pourquoi pas ?

— Je ne te conseille pas, réponds correctement à leurs questions, et j’espère que tu n’importes pas de gouda, c’est interdit, même caché dans ton cul.

Le bateau accosta. Une fois la passerelle mise en place, les passagers de première classe sortirent les premiers. L’attente ne fut pas trop longue, une demi-heure, et ils passèrent les contrôles de police sans encombre malgré les fonctionnaires tatillons.

Ils retrouvèrent ensuite leurs bagages, chargés sur un chariot poussé par un porteur en uniforme. Seul incident, un douanier sexy demanda à Koen d’ouvrir sa valise pour la fouiller, étalant ses slips à la vue de tous. Comme il ne trouva pas de gouda, il renonça à la fouille au corps. Il eut quand même un sourire narquois en voyant les nombreuses boîtes de préservatifs.

— Nous en fabriquons aussi, de très bonne qualité, dit-il en riant.

Après la douane, une rangée de chauffeurs attendaient leurs clients, portant un carton avec leurs noms. Urbain était aussi là, avec Séverin, le photographe, qui immortalisa leur arrivée. Leur tenue, jean et chemisette bariolée au col ouvert, contrastait avec les complets noirs des autres chauffeurs. Par plaisanterie, Urbain avait aussi noté le nom des arrivants sur un papier.

— Bienvenue aux États-Unis, Messieurs, dit-il, vous avez fait bon voyage ?

— Excellent ! dit Koen. Nous avons rencontré des jeunes gens très charmants et ouverts sur le bateau, et vous ?

— Difficile de baiser avec le steward ou le pilote dans l’avion.

Suivis par le porteur et leurs bagages, ils sortirent du terminal et découvrirent un imposant minibus noir, aux vitres teintées, avec un discret logo de l’entreprise de la famille de Frédéric sur les portes avant.

— Voilà notre véhicule, dit Urbain, flambant neuf. Tous les papiers sont en règle, nous avons la traduction officielle de nos permis de conduire.

— Ce n’est pas exactement celui que je m’imaginais, dit Dom, j’aurais plutôt vu un minibus Volkswagen déglingué et recouvert de dessins de fleurs.

— On ne le lavera pas pendant tout le voyage, il sera recouvert par la poussière du désert et plus discret lorsque nous serons sur la côte ouest. Euh, Dominique, tu as changé de look, tu ne te sens plus une femme ?

— Cela dépend, aujourd’hui c’était surtout pour éviter les ennuis à la douane. Et à l’auberge je pense que les chambres ne sont pas mixtes.

Le porteur chargea les valises dans le minibus, Frédéric le paya, n’oubliant pas un généreux pourboire, comme c’était l’habitude, puis il monta à l’avant, à côté du chauffeur. Il prit une brochure avec le plan de la ville et l’étudia, Urbain avait noté leur position.

— Je te laisse me guider, dit Urbain, j’ai déjà un peu l’habitude puisque nous sommes allés chercher le minibus hier soir, nous avons dormi dans un motel et nous avons trouvé le port ce matin. Nous allons où ?

— West Side YMCA, 5 West 63rd Street. Ce n’est pas loin d’ici, nous sommes à la 54ème rue et c’est à la 63ème, à côté de Central Park.

Ils trouvèrent rapidement l’auberge, un bâtiment aux formes bizarres, avec des fenêtres en ogive, on aurait dit une sorte de château. Urbain gara le minibus devant l’entrée monumentale. Pas de portier, ils durent décharger eux-mêmes leurs valises.

Deux hommes les regardaient faire en souriant. L’un des deux leur dit en français après quelques instants :

— Je pense que vous vous êtes trompés, ce n’est pas le Ritz-Carlton ici.

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