Chapitre 2 - La traversée (10)

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Jeudi 15 juillet 1965, à bord du France

Benjamin s’excusa :

— Mon compagnon est sans-gêne lorsqu’il parle de sexe, oubliez ce qu’il vous a dit.

— J’ai l’habitude, fit Frédéric, le mien aussi est trop direct. Cela peut choquer, au moins les choses sont claires.

— Votre danseur sur la scène, demanda Daniel, vous l’imaginez entièrement nu ?

— Je l’imagine nu, mais je crains que cela ne soit pas possible avant de nombreuses années ou même des décennies.

— Cela devrait être possible en maillot de bain puisque l’histoire se déroule sur une plage, ajouta Peter, mais ce ne seront pas nous les chorégraphes.

— Et nous, vous nous imaginez nus ?

— Ce n’est qu’un fantasme.

— Vous êtes cousins, pas amants, fit Benjamin, vous n’avez peut-être pas l’habitude de vous montrer nus l’un à l’autre.

— Si, si, nous nous douchons ensemble après le sport.

Il y eut un instant de flottement, les cousins ne savaient pas si Peter désirait vraiment qu’ils se dénudassent, et celui-ci se demandait s’il n’avait pas été impoli, il avait un peu trop bu lors du diner.

— Encore une fois, je suis désolé, dit Benjamin, vous aviez l’intention de retourner dans vos cabines.

— C’était pour ne pas abuser de votre hospitalité, dit Frédéric, mais la mienne est occupée : le jeune Français, Amaury, a invité un passager de seconde classe pour faire l’amour, il ne voulait pas être avec sa sœur.

— Et la mienne aussi : l’ami de Frédéric et mon amie. Nous avons envie de faire la même chose, dit Daniel, si l’on ose parler d’amour entre cousins…

— Nous pouvons donc rester encore un moment. Nous sommes tous échangistes et adeptes de l’amour libre.

— À la bonne heure, fit Peter. Nous avons deux « Tadzio » pour le prix d’un. Euh… ce n’est qu’une expression, pas question d’argent entre nous.

— Ne vous inquiétez pas, j’avais compris. Jamais personne ne m’a donné de l’argent pour coucher avec moi.

— Comment imaginez-vous le personnage de votre opéra ? Ou plutôt du danseur qui l’incarnera ?

— Comme vous, Daniel, répondit Peter, cheveux blonds, grand. Avez-vous suivi des cours de danse ?

— Non, jamais.

— Et joué au théâtre ?

— Non plus, mais ça me tenterait.

Benjamin se rassit devant son piano et joua un nouvel extrait.

— La première rencontre d’Aschenbach et de Tadzio, dit-il.

Daniel débuta un lent effeuillage, l’air indifférent à ce qui l’entourait, comme on le ferait machinalement en arrivant sur une plage. Il posait ses habits sur le sol après les avoir soigneusement pliés. Lorsqu’il ne lui resta plus que le slip, il s’étira et respira profondément, regarda par la fenêtre de la cabine, comme pour s’imprégner de l’air du large. Peter l’interrompit :

— Restez comme cela, vous êtes très beau. On voit que vous venez d’Amérique avec votre slip Jockey taille basse et son Y renversé. Les maillots de bain de l’époque devaient être plus grands.

— Ils couvrait même la poitrine.

— Et moi, fit Frédéric, vous ne voulez pas voir si je ferais aussi un beau Tadzio ?

— Bien sûr, fit le compositeur qui avait arrêté de jouer et s’était retourné, nous pourrons comparer. Il faut aussi donner leur chance à ceux qui ne sont pas blonds.

Frédéric se déshabilla à son tour.

— Slip plus classique, fit Peter, blanc lui aussi.

— Zimmerli Royal, fabriqué en Suisse et pas au Royaume-Uni malgré son nom.

— Je dois dire qu’il met mieux en valeur votre queue que celui de votre cousin.

Le pénis de Frédéric était déjà légèrement dressé en travers du sous-vêtement. Cette situation l’excitait, se sentir observé par les deux hommes d’âge moyen, sans savoir ce qui allait se passer.

— Un petit air de famille, dit Peter, et vous avez la même coiffure, cheveux longs mais savamment ébouriffés. Je peux toucher ?

— Nos cheveux ? fit Frédéric en riant.

— Tu t’éloignes du livret, dit Benjamin, Aschenbach n’a jamais touché Tadzio, et, s’il l’avait fait, ce n’aurait pas été lors de la première rencontre.

— Qu’en sais-tu ? Thomas Mann a peut-être écrit une autre version de son histoire, non expurgée. Nous arrivons demain à New York, nous n’aurons plus la possibilité de voir la bite de ces jeunes hommes un autre jour.

— Voir ou toucher ? demanda Daniel.

— Les deux !

Peter se rapprocha, il se plaça entre les deux cousins puis les effleura, Daniel de la main droite et Frédéric de la gauche. Il parcourut leurs corps depuis le sommet du crâne jusqu’au nombril, s’arrêtant sur les tétons pour les pincer légèrement. Il caressa ensuite les fesses et les génitoires sur l’étoffe des slips, sentant les pénis qui prenaient lentement du volume. Il tira ensuite les élastiques, regarda le contenu des sous-vêtements et glissa sa main à l’intérieur. Il finit par les baisser jusqu’aux talons, laissant les membres prendre leur envol.

Il demanda aux cousins nus de se mettre l’un en face de l’autre, les mains derrière la tête, il superposa les deux bites afin de les comparer.

— Presque la même longueur, fit-il, mais cela n’a pas d’importance, dit-on. Un circoncis et pas l’autre.

— C’est récent, fit Daniel. Est-ce fréquent au Royaume-Uni ?

— Dans la famille royale, en tout cas, le prince de Galles, le futur Charles III l’est. Mais rien ne presse, il peut attendre encore quelques années, God Save the Queen.

— C’est aussi la tradition à Eton, la fameuse école, ajouta Benjamin.

— Vous l’avez fréquentée ? questionna Frédéric.

— Non, j’étais au Royal College of Music, on s’intéressait à d’autres instruments que celui entre nos jambes, enfin dans les cours officiels. Le soir, à l’internat, il y avait des cours particuliers sans partitions…

Peter commença à masturber les cousins, Benjamin se remit au piano pour l’accompagner.

— Le rêve avec Apollon et Dionysos, dit-il.

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