La nuit était belle et claire. J’avais quelques morceaux pour nourrir le taré. Pas du fin, donc je m’attendais à une scène. Mais il se tenait bien quand je l’ai trouvé dehors, presque droit comme un humain, et il regardait les étoiles.

–J’ai échoué… ! qu’il dit, sur un ton plein de rage et de désespoir.

–Heu… salut… mec ! Je viens t’amener de la bouffe ! dis-je en lui tendant sa pitance.

Il s’est tourné vers moi et m’a regardé comme si j’étais une créature inférieure et pathétique.

–On dirait que t’es en forme ce soir ! lui dis-je sur le ton de « Je m’attendais à trouver un boulet baveux… » Mais qu’est-ce qui te chagrine ?

–Les étoiles… gémit-il.

Il pointa du doigt vers un coin de ciel. J’essayais de voir ce qu’il me montrait.

–Ouais c’est joli, admis-je… moi ça me met plutôt de bonne humeur ! Pas autant qu’une bonne bouffe, mais…

–Tu ne comprends pas, espèce de carcasse décérébrée ! Ce soir était censé voir le couronnement des efforts d’une vie ! Les astres sont engrenés d’une façon qui… C’est le soir fatidique ! J’ai tant sacrifié… j’ai vécu dans les ombres… toute ma vie… et elles se sont refermées sur moi comme un piège !

- Hum… ça veut dire que t’as pas faim ? répondis-je avec espoir en refermant un peu mes griffes sur les bouts de viscères putréfiés.

–Les traitres… siffla-t-il avec haine, en brandissant le poing. Les sycophantes incapables… comment ont-ils osé m’écarter de mon grand-œuvre !

Il avait l’air très agité. J’ai hésité à appeler Danseuse, puis je me suis demandé, qu’est-ce qu’elle ferait si elle était là. Je posais la nourriture au sol à côté du Taré, et lui dit en partant :

— Allez mec, c’était les problèmes d’une autre vie tout ça ! D’un autre type. Les étoiles elles seront encore là demain. Mais la bouffe, pas sûr… Bon app, et bonne nuit !

Je déposais sa bouffe et partis. Je l’entendis rire comme un dément dans mon dos.