8 - Ce Qui se Cache dans le Noir

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J’essaye d’anticiper sur vos questions, chers lecteurs.

On a les goules, on a les vampires, on a peut-être les sorciers… et quoi d’autre, vous vous demandez sans doute ? Quel genre d’autres saloperies maléfiques rôdent la nuit pendant qu’on roupille comme des bienheureux ?

Hélas, on reçoit pas d’invitation au « club des monstres » dès que nous poussent les crocs ou qu’on mange son premier chnoque. J’ai vu un paquet de choses étranges de mon vivant, mais avec mon régime quotidien de drogue, j’étais pas ce que l’on peut appeler un témoin fiable.

Pour la forme j’ai interviewé mes camarades, afin de savoir s’ils ont déjà vu quoi que ce soit d’autre. Voici la retranscription fidèle de leurs édifiantes réponses :

Éric : Danseuse, dis-moi, toi qui as de la bouteille, est-ce que tu as vu d’autres choses que des goules, ou des vampires, ou des sorciers, comme « créatures surnaturelles… » ?

Danseuse : Il y avait ce garçon… (Elle glousse) Ses yeux étaient comme le reflet de la braise dans l’onyx ! Et ses mignons petits doigts couraient sur sa flûte et en tiraient une si belle mélodie ! Tout le monde l’aimait et tout le monde voulait le suivre. Il avait ce pas sautillant qui faisait rouler ses boucles noires. J’ai tout de suite su que je l’aimais. J’ai tout de suite vu que tout le monde l’aimait : il était magique ! (Elle se met à chantonner )

Éric : Heu… OK ! Ce n’est pas banal ! Mais je parlais plutôt de, tu sais, des… monstres nocturnes. Des bêtes imaginaires. Des apparitions spectrales. Tu vois ce que je veux dire ?

Danseuse : (Elle essaye de se retenir de se trémousser, et je m’attends à ce que la conversation tourne court) Oh… De mes yeux, non, je n’en ai pas vu. J’ai parfois l’impression de les sentir, lors de mes promenades à la belle étoile, mais peut-être qu’elles sont timides ? Moi aussi, je suis timide ! (Elle fait une pirouette et un entrechat) Peut-être que nous ne nous croiserons jamais ! Nous ne sommes pas sur les mêmes planches. ( Elle fait deux petits bonds de cabri ) Dans les notes de notre ami tourmenté… il y a peut-être ce que tu cherches, mais je ne peux les partager qu’avec son autorisation !

Éric : Merci Danseuse !

Danseuse s’incline gracieusement devant moi et reprend sa chorégraphie.

Éric : Hey l’Taré ! Comment va ?

Le Taré : (Grogne et tire sur sa longe )

Éric : Ouais ! Tu m’étonnes ! Bon, j’ai quelques questions à te poser ! Danseuse m’a dit que tu étais branché occultisme, sorcellerie et tout ça…

Le Taré :  (Me fusille du regard. Ne se rend sans doute pas compte qu’il bave )

Éric : Je ne veux pas ranimer de mauvais souvenirs, mais… Est-ce que tu as vu ou entendu parler d’autres monstres, comme les goules, les vampires, les sorciers, tout ça ?

Le Taré : (Me tourne le dos et s’accroupit de manière chafouine)

Éric : Allez, mec, répond-moi ! Je te parle ! Fais un effort !

Le Taré : ( Émet une série de halètements rauques)

Éric : Bon, si tu veux pas parler, c’est pas grave, mais, est-ce que je peux regarder tes notes ? Danseuse dit qu’elle a l’autorisation. Pourquoi pas moi, après tout ? On est potes, pas vrai ? On a mangé plein de macchabées ensemble, et je te laisse toujours les meilleurs morceaux !

Le Taré : (Se lève brusquement et essaye de me saisir à la gorge. Je fais un bond en arrière. La longe à laquelle Danseuse l’a attaché le retient à quelques centimètres de distance)

Éric : Allez ! Détends-toi ! Qu’est-ce que tu nous caches là-dedans, hein ?

Le Taré : Oorrz… Verr… Huyyaaa…

Éric : Ouais ? Qu’est-ce que c’est ? Orz-ver — … Ya ?

Le Taré : (S’agite. Fait de brusques dénégations de la tête. Agrippe ses épaules comme s’il avait froid. Tombe à genoux et se met à hululer de désespoir)

Éric : Ok, OK ! Allez, te bile pas mec, ça va aller ! On va te nourrir bientôt ! Allez, à plus !

Éric : Bonsoir Marjorie. Comment vas-tu ?

Marjorie :( Son adorable frimousse se plisse légèrement) Oui !? Quoi !?

Éric : Je, heu… suis juste venu discuter un peu avec toi !

Marjorie : Accouche ! Qu’est-ce que tu veux ?

Éric : Bon, bon… tu sais, on est des goules, et toi… tu es… l’amie… d’une vampire et…

Marjorie : ( Se raidit. Ses yeux jettent des éclairs. Ses poings se crispent) Ouais ! Et alors ?

Éric : Je me demandais si par hasard tu aurais entendu parler… ou peut-être vu d’autres… créatures surnaturelles, du même genre que nous… ?

Marjorie : (Détourne son regard de moi de manière assez méprisante ) On est pas du « même genre », toi et moi Éric. Casse-toi !

Éric : Oui, enfin, je dis du même genre… Tu vois ce que je veux dire… ?

Marjorie : Si tu trouves d’autres monstres Éric, viens pas pleurer pour que je te défende quand ils voudront te faire ta fête !

Éric : Ah, ça veut dire que tu sais qu’il y en a d’autres alors ?

Marjorie : ( Soupire, excédée ) J’en sais rien, et tu me fais chier !

Éric : Est-ce que… par hasard, ta maîtresse t’aurait dit quelque chose à ce sujet un jour ? Elle qui est si sage et si… ancienne…

Marjorie : ( Reste silencieuse une bonne dizaine de secondes. Je m’apprête à battre en retraite, puis elle répond:) Ma maîtresse m’a dit qu’il y a des choses qui dorment et qu’il ne faut pas réveiller. Des choses invisibles qui nous regardent quand on se croit seuls. Elle m’a dit qu’il y a une « Autre Nuit », au-delà de la nuit, faite de la substance même des cauchemars et que la porte vers ce monde de désespoir se trouve juste au coin de notre vision. Elle m’a dit que de toutes les choses sinistres qui grouillent dans l’ombre, la paix et le silence sont celles qui ont les plus longs crocs…

Éric : Wow ! C’est très… heu… c’est très intéressant ! Merci Marjorie. Bonne nuit !

Donc voilà pour la bande d’Éric, les goules détectives du surnaturel ! On peut déduire d’après ces témoignages d’experts, que peut-être, il y a des trucs pires que les goules la nuit, mais qu’on les voit pas, et que c’est pour ça que s’ils existent, ils sont dangereux.

Moi j’ai besoin d’y croire. Croire qu’il y a pire repoussoir que moi qui écume les rues. Sans ça, je serais en tête de liste pour le championnat international de sale gueule... Et ça, c’est dur à avaler…

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