7 - La Nouvelle Came

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Il y a parfois un truc qui me turlupine. Je me demande – et je suppose, cher lecteur que tu dois t’en demander autant depuis quelques lignes – qu’est-ce que putain de Diable j’ai bien pu prendre pour me retrouver dans cet état ?

Parce qu’on peut penser, si ça circule encore dans les rues, que ça va poser quelques problèmes sanitaires à la longue.

Mes derniers jours d’humain et mes premiers jours de goule sont un peu flous. On se souvient de trucs à la con — comme je vous ai dit, le junkie mort que je bouffais m’avait bien certifié qu’il avait plus rien, l’enfoiré ! — Mais rien qui pourrait me fournir un début d’explication sur pourquoi je suis devenu une goule.

Est-ce que j’ai testé une nouvelle drogue — ou un truc très ancien réintroduit avec un nom de rue plus trend ? Est-ce que j’ai mélangé des produits qu’il fallait pas mélanger ?

Pour ce que j’en sais, ça n’a rien à voir avec la drogue, et ce serait un truc que j’ai mangé : comme par exemple une saloperie de rat de junkie menteur dosé ! Si ça se trouve, j’ai commencé à le bouffer dans un mauvais trip, et c’est ça qui m’a changé en goule.

Ou alors, ça pourrait être un truc métaphysique ou karmique. Le poids de mes péchés peut-être ? Parce que sans me vanter, dans le monde du vice, je pèse, comme on dit. Ou j’ai peut-être chouré ses champis au mauvais shaman urbain…

Le mystère reste entier.

Si je voulais des réponses, je suppose que je pourrais retracer mes derniers pas dans le monde des vivants. Reprendre contact avec les rares humains qui me toléraient encore. Faire la ronde de mes anciens dealeurs, voir qui m’aurait fourgué cette saloperie… et lui demander s’il lui en reste. Je pourrais bouffer ces connards d’ailleurs, qui ont toujours profité de ma faiblesse. Le monde se porterait pas plus mal après tout ! Après avoir ruiné ma vie et mon repos éternel, ils me doivent bien un « dernier fix» nan ?

C’est une idée à creuser, mais j’appréhende un peu de devoir remonter la trace glauque d’Éric le Junkie. J’ai une routine simple et saine maintenant : je me lève au crépuscule, je cherche de la nourriture, je me pose avec mes goules et j’écris mon histoire. Pourquoi j’irais chercher la merde ? Et est-ce que j’ai vraiment envie de savoir pourquoi je suis devenu comme ça ?

Je pourrais être une goule sans soucis. Juste à me demander « Qui je vais manger ce soir ? » et me trouver un petit coin de caveau pour digérer. Même d’écrire toutes ces conneries et ces questions, je suis pas sûr que ça m’apporte grand-chose…

De mon vivant, je n’en avais strictement rien à faire de ce que je prenais et de ce que ça allait me faire. La plupart du temps j’aurais pas été fichu d’aligner trois phrases sur un papier même si ma vie en dépendait.

Mais je peux pas m’ôter de la tête l’autre possibilité : me lever un beau soir et tomber nez à nez avec une bande d’Éric charognards en maraude, prêt à me disputer la première dépouille de raton laveur derrière des fastfoods de banlieue. J’ai pas hâte, vous le comprendrez…

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