New York, juste un rêve

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Chapitre 10

Ma colère s'estompe net pour laisse place à l'incompréhension. Le moment me semble totalement surréaliste. Je pose une main contre le mur pour ne pas flancher. C'est comme si l'énergie de mes jambes m'avait quittée en une fraction de seconde. Elle me fixe, totalement paniquée, désemparée. Ce qui je lis dans ses yeux me déchire le cœur et me fait peur tout à la fois...

(Il y a forcement une explication)

Miss Mystère :
"Tu... Quoi...?"

J'ai très bien entendu, j'ai très bien compris mais je ne veux pas y croire. Elle fait un pas vers moi. Je reste immobile contre le mur du garage, incapable du moindre mouvement. Je me sens anesthésiée, paralysée. Mon estomac se tord dangereusement. Cette phrase tourne en désormais en boucle dans mon esprit, pendant qu'elle cherche ses mots. Je reste muette dans l'espoir que tout ceci ne soit qu'un cauchemar. Peut-être que je vais me réveiller... C'est ça. Je vais me réveiller. C'est juste un mauvais rêve. Lentement, elle s'appuie contre le mur opposé et me fait face.

Mathilde :
"On était jeunes... On s'est connu à Brooklyn. Lana était aussi inconsciente que je pouvais l'être à cette époque. On était follement amoureuses..."

Elle s'interrompt. Elle grimace. Elle passe une main sur son visage. La douleur est à vif.

Mathilde :
"Je faisais des courses illégales à travers New York, à cette époque... Je me faisais pas mal de blé. Avec ma moto je me sentais... invincible. Ce soir-là, j'avais gagné. Lana m'attendait sur la ligne d'arrivée, comme toujours. Elle voulait fêter ça. Alors on est parti, elle et moi. Elle voulait que je lui montre ce que ça faisait de rouler à 200 km/h en pleine ville, de braver les interdits. Et moi je voulais l'impressionner, je voulais qu'elle soit fière de moi. Elle disait toujours qu'avec moi elle serait prête à tout tenter. Qu'elle avait confiance en moi, que j'étais la meilleure... Bordel... J'ai été tellement conne !!! J'aurais dû lui dire non, j'aurais dû..."

Elle secoue la tête de droite à gauche, en serrant la mâchoire. Cette ce sont des larmes que je vois perler le long de ses joues. Je la fixe, attentive. Je me doute de la façon dont l'histoire s'est terminée et je ne suis pas bien sûre de vouloir l'entendre. Ses yeux tristes remontent timidement pour venir trouver les miens exorbités. Un bref instant, je lis en elle quelque chose... quelque chose de terrifiant. Elle détourne son regard brusquement. Comme si elle était trop difficile de soutenir le mien.

Mathilde :
"On a roulé très vite. Elle criait dans mes oreilles, elle hurlait qu'elle était heureuse. Elle me demandait d'aller toujours plus vite. On était tellement libres... Ensemble... Et puis... il y a eu ce virage..."

Elle inspire lourdement et ferme les yeux.

Mathilde :
"La moto a glissé sur des graviers. J'ai perdu le contrôle... On s'est écrasé sur le sol et on a glissé sur plusieurs mètres."

Ses yeux se reposent sur moi. Elle devenu livide.

Mathilde :
"Le pire, ça n'a pas été la chute. C'est d'avoir senti les bras de desserrer de ma taille, d'avoir senti qu'elle partait sans que je puisse rien faire. C'est arrivé si vite. J'ai été ébloui par des phares et j'ai entendu ce bruit ignoble."

Je retiens ma respiration. J'ai mal, j'ai tellement mal pour elle.

Mathilde :
"C'est moi qui aurais dû passer sous ce camion ! Pas Lana !"

Je passe une main sur ma bouche, réalisant l'horreur de la scène.

Miss Mystère :
"Le camion...?"
Mathilde :
"J'ai rien pu faire..."

Elle s'interrompt. Sa voix se casse. Mon cœur se serre comme dans étau.

Mathilde :
"Ce soir-là... J'aurais voulu que ce soit moi sous se montre de tôle. C'est ma faute..."

Ses paroles me glacent le sang... Elle ne peut pas parler comme ça, elle ne peut pas s'infliger ça. Nous restons un instant silencieuses. Quelques échos étouffés de l'animation des bureaux nous parviennent d'en haut, seules manifestations de la vie normale.

Mathilde :
"J'ai senti que je percutais quelque chose. J'ai eu l'impression que mon dos se fendait comme si on me coupait en deux. Et puis, le noir... Je me suis réveillé dans une chambre d'hôpital. Je me souviens du bruit régulier du moniteur à côté de moi."
Miss Mystère :
"Alors, la cicatrice dans ton dos...?"

Elle me regarde tristement. J'ai tellement de peine, je me sens mal de m'être énervée après elle... Mais comment aurais-je pu me douter une seconde qu'elle portait en elle un secret aussi lourd ?

Mathilde :
"Quand j'ai enfin compris où j'étais, j'ai tout de suite demandé à voir Lana... J'étais en panique complète. Je voulais me lever mais mes membres étaient tous engourdis. Les toubibs ont débarqué dans ma chambre. Ils m'ont dit que j'avais eu de la chance... Qu'ils se demandaient si je me réveillerais un jour et dans quel état... Ils m'ont posé des tas de questions. Ils employaient des mots incompréhensibles, en m'observant au pied de mon lit comme un animal de labo. Je m'en fichais bien de savoir ce que j'avais ou d'avoir mal. Personne ne répondait à la seule question qui m'importait. Je crois qu'en fait, ils ne savaient même pas de qui je parlais... Et puis mon frère est arrivé. Je l'ai tout de suite interrogé pour Lana. Je me souviens qu'il m'a demandé si j'étais sûr de vouloir le savoir. Je lui ai dit de ne rien me cacher. Je crois même que je l'ai engueulé. Et il m'a tout raconté... Ce jour-là, je crois que j'aurais préféré ne jamais me réveiller..."

Je la comprends tellement... Combien de fois j'ai souhaité ne jamais avoir existé, pour ne pas avoir à faire face à mes traumatismes...

Mathilde :
"Les pompiers ont dit que c'était trop tard quand ils sont arrivés. Elle était morte sur le coup..."
Miss Mystère :
"Je sais combien ce doit être difficile. J'imagine ce que tu ressens..."
Mathilde :
"Tu ne comprends pas ?"

Je me contente de cligner des yeux, pas bien sûre de savoir où elle veut en venir.

Mathilde :
"Je n'ai même pas pu la rassurer. La prendre dans mes bras. Lui dire que ça irait. Elle est morte comme ça, toute seule, par ma faute..."
Miss Mystère :
"C'était un accident... Ce n'est pas ta faute..."

Son regard se fait sombre. Elle balance une main comme pour chasser quelque chose d'invisible devant nous.

Mathilde :
"Si je ne l'avais pas prise sur ma moto, elle serait encore en vie."
Miss Mystère :
"Et si le camion n'avait pas été là, elle serait encore en vie... Mathilde, c'est un accident ! Tu ne peux pas changer le passé."
Mathilde :
"C'est un enchaînement de mauvais choix. Je suis la seule responsable. C'était moi qui conduisais, moi qui appuyais sur l'accélérateur, moi qui voulais l'impressionner..."

J'inspire doucement, bien consciente que la blessure est encore béante. C'est terrible ce sentiment d'impuissance. J'aimerais pouvoir prendre toute sa peine pour la soulager.

Mathilde :
"Quand je suis sorti de l'hôpital, j'ai squatté un moment chez Daryl. Je voulais plus voir personne, je voulais plus rien faire de ma vie. Il a été là pour moi. Sans lui, je suis pas sûr que je serais encore là, à te parler. Il me répétait que je devais me prendre en main. Et que, si je ne le faisais pas pour moi, qu'au moins je le fasse en mémoire de Lana. Petit à petit j'ai pris conscience qu'il avait raison, que Lana n’aurait pas voulu me voir comme ça, que je devais être forte pour elle. J'ai jamais remis un pied dans les courses illégales. J'ai cherché un job. J'ai rencontré Colin qui m'a pas mal aidé. Je suis remonté sur moto, la seule chose qui me rendait vraiment vivante."

Elle m'adresse un regard presque reconnaissant à sa bécane.

Mathilde :
"Et puis, j'ai décidé d'aider les jeunes du quartier en leur apprenant le free fight, mais surtout à se respecter et à respecter les autres. J'avais besoin de donner un sens à mon existence. De trouver quelque chose qui justifie que je sois encore là..."
Miss Mystère :
"Je comprends..."

Doucement, je me décolle du mur et j'avance vers elle. J'ai besoin de la prendre dans mes bras, de la consoler. Elle se défait du mur et évite mon étreinte. Une main sur la taille et l'autre contre son front, elle fait les cent pas en fixant le sol. Enfin elle se fige et me fixe.

Mathilde :
"J'ai pas besoin de ta pitié, Miss Mystère."
Miss Mystère :
"Ce n'est pas de la pitié !!! J'ai seulement de la peine pour toi et je veux t'aider à traverser ça..."
Mathilde :
"Tu ne peux pas m'aider..."

Je veux juste la prendre dans mes bras, lui dire que je comprends sa peine, que je suis là pour elle.

Mathilde :
"Je crois que... ça serait mieux que toi et moi... on prenne nos distances quelque temps."
Miss Mystère :
"Quoi...? Tu veux arrêter ?"

Elle inspire et essuie d'un revers du bras les larmes sur ses joues.

Mathilde :
"Je sais pas. J'ai besoin de temps..."

Ma lèvre inférieure tressaute, mon cœur se comprime, mes jambes se ramollissent.

Miss Mystère :
"Pourquoi tu veux de mon aide ?"
Mathilde :
"Laisse-moi... S'il te plaît..."

Quelque chose se brise en moi. Tous les espoirs qu'elle avait fait naître, tous les beaux projets que j'avais en tête pour nous deux... Balayés...

Miss Mystère :
"Tu l'aimes encore ?"

Je reste étonné après avoir prononcé ces mots. Elle me fixe, incrédule.

Miss Mystère :
"Lana... Tu l'aimes encore ?"
Mathilde :
"C'était la fille avec qui je voulais faire ma vie..."

(Outch !)

Cette fois il ne reste plus rien de reconnaissable de mon petit cœur. Il vient de se faire découper, piétiner, écrabouiller, LA-MI-NER !!

Miss Mystère :
"Ok... Je vois... J'aurais vraiment apprécié que tu m'en parles avant, ça m'aurait évité de m'attacher à toi et d'espérer quelque chose de manifestement impossible..."

Mon ton est celui d'une revenante. Je parle, mais je me sens comme détachée de la scène.

Mathilde :
"Je suis désolé... C'est difficile pour moi..."
Miss Mystère :
"C'est excessivement difficile de surmonter une épreuve comme celle que tu as vécue, mais te cacher derrière ton passé ne te servira à rien. Je suis là, moi. Et tu me tournes le dos.

Ses lèvres s'entrouvrent et se referment plusieurs fois sans qu'aucun son ne s'en échappe. Puis, enfin elle se décide à prononcer quelque chose d'à peine audible.

Mathilde :
"Je sais... Mais... J'ai besoin de temps."

Visiblement elle a décidé que la conversation était terminée, tout comme notre relation. Ma présence ici est de trop. Je me sens laissée pour compte, impuissante, rejetée par celle que j'aime.

Miss Mystère :
"Ok... Sache que je suis là pour toi si... si jamais tu veux en parler. Je tiens à toi, sache-le."

Je sais bien que la patience sera ma meilleure alliée. Mathilde est courageuse, elle y a de la force en elle, mais il ne servirait à rien de la brusquer. Je fais volte-face, retenant je ne sais trop comment les sanglots qui menacent. Lorsque j'arrive dans l'ascenseur, je n'en peux plus et j'explose en larmes ! Une fois de plus cet ascenseur est mon refuge ! Intérieurement, je prie pour ne pas tomber sur l'un de mes supérieurs pendant la remontée, ou pire... sur Cassidy ! Lorsque les portes s'ouvrent sur l'accueil, je déboule en trombe, manquant de bousculer plusieurs personnes. Je traverse la large pièce vitrée en courant presque. De l'extérieur on pourrait se demander si je simule un exercice ou si le building est réellement en feu ! Je lance un coup d'œil à Lola, avant de passer le portique de sécurité. Nous n'avons pas besoin de grands discours pour nous comprendre... Une fois dehors, j'inspire l'air comme si j'avais été en apnée tout du long ! Mon cœur tambourine dans ma poitrine, ma peau est moite. Je me plie en deux et je pose mes mains sur mes cuisses pour expirer. On pourrait croire que j'ai couru un 100 mètres. Je dois faire peine voir avec mes joues rouges et mes yeux gonflés...

Lola :
"Miss Mystère...?"

Je peine à retrouver une respiration normale à cause des sanglots qui secouent mon corps avec des spasmes violents. Elle pose ses mains sur mes épaules, pendant que je fixe le sol, toujours haletante. Ma dignité en prend en coup... Je pleure à chaudes larmes dans les bras de mon amie... Même Droopy a une patate d'enfer, à côté de moi.

Lola :
"Ma belle... Qu'est-ce qui se passe...?"

Sa voix, si douce et si prévenante, après la violence de notre échange avec Mathilde, agit comme un anesthésiant sur mon cœur meurtri.

Miss Mystère :
"C'est... Ma... Mathilde..."

Elle m'aide à me redresser et se poste devant moi.

Lola :
"Viens... Marchons un peu..."
Miss Mystère :
"Oh Lola... C'est... horrible...!"
Lola :
"Calme-toi... Respire..."

Elle passe un bras autour du mien pour saisir mon épaule et m'entraîne doucement avec elle, pour faire quelques pas dans la rue. Le flot des passants me replonge dans la routine quotidienne, dans le monde normal. Un instant je pourrais oublier le drame que j'ai vécu. Noustrouvons un petit espace à l'abri des regards indirects. Elle m'aide à m'asseoir. J'essuie mes larmes doucement. Je renifle et je grimace face aux rayons de soleil.

Lola :
"Qu'est-ce qui se passe ?"
Miss Mystère :
"On s'est disputé avec Mathilde à cause de sa moto... Et ç’a mal tourné !"

Tous mes efforts pour contenir mes larmes volent en éclats, et me voilà à nouveau en train de pleurer comme une madeleine ! Elle me frotte le dos, attendant que je me calme.

Lola :
"Calme-toi... Calme-toi..."

Une ombre passe devant nous et s'arrête à notre hauteur. Il me semble reconnaître Colin. Je n'ose pas le regarder, je me sens trop minable.

Lola :
"Je m'occupe d'elle."

Comme si elle avait lu dans mes pensées... Son ton est à la fois doux et ferme, comme à chaque fois qu'elle prend les choses en mains. L'ombre traîne encore quelques secondes avant de disparaître.

Lola :
"Tu veux m'en parler ?"
Miss Mystère :
"Mathilde m'a avoué qu'elle sortait avec une fille, avant moi. Une certaine Lana. Elles ont eu un accident de moto et Lana n'a pas survécu... Elle se pense responsable de sa mort."
Lola :
"Oh..."
Miss Mystère :
"Je lui ai dit que c'était un accident, que je voulais l'aider, mais elle m'a repoussée !"

Elle se contente de me serrer dans ses bras et d'arranger quelques mèches qui viennent se coller en travers de mon visage. À force je me demande ce que mon amie pense de toutes mes histoires. Sincèrement, de l'extérieur ça ne ressemble plus à rien...

Lola :
"C'est bien qu'elle se soit confiée à toi."
Miss Mystère :
"Tu crois ?"

Je lui fais mes yeux de teckel implorants.

Lola :
"Oui, bien sûr. C'est une étape importante pour elle, je pense. Il fallait que ça sorte un jour. Malheureusement, ça se passe pas toujours, ni au bon moment, ni de la bonne manière."
Miss Mystère :
"Elle m'a dit qu'elle avait besoin de temps... Mais je voulais qu'elle me parle, qu'elle se confie, qu'elle..."
Lola :
"Hey ! Redescends sur terre, ma belle ! Tu sais comment elle est...!!"

Elle me regarde avec son air blasé et je ne peux retenir un petit rire nerveux.

Lola :
"Tu sais très bien qu'elle a du mal à communiquer. Surtout lorsqu'elle a décidé de s'enfermer dans sa grotte !!

Je rigole cette fois plus franchement. Elle prend mes épaules dans ses mains et me colle un peu contre elle.

Lola :
"Allez... ça va aller, ma belle. Elle a juste besoin de se retrouver pour pouvoir avancer avec toi."
Miss Mystère :
"Et si jamais elle décide de tout foutre en l'air ?"
Lola :
"Dans ce cas, je lui botterai le cul !"

J'arque un sourcil en sa direction.

Lola :
"Vous allez trop bien ensemble, tous les deux, pour que ce nigaud fiche tout en l'air ! Et puis, de toute façon, je sais qu'elle tient énormément à toi."

Elle a le chic pour toujours me faire redescendre de mes grands chevaux. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle, sans ses conseils.

Miss Mystère :
"Merci."
Lola :
"Bah..."

Elle fouette l'air de ses mains comme si ce n'était rien. Nous restons quelques minutes toutes les deux afin de nous rassurer de notre lacune commune en matière de compréhension...

Lola :
"Tiens, prends ça."

Elle me tend un petit paquet de mouchoirs en papier.

Lola :
"Je dois emmener un groupe d'Anglais au restaurant chois par monsieur Leviels. Sèche tes larmes, va te passer un peu d'eau et... haut les cœurs ! Ok ?"
Miss Mystère :
"Mouais... Je crois que je vais rester un peu ici, en attendant que ce soit l'heure..."
Lola :
"Si tu as besoin de moi ce soir, après le taf, tu me fais signe, d'accord ?"
Miss Mystère :
"Oui. Merci beaucoup..."

Elle me sourit et s'éclipse. Je la regarde s'éloigner tout en réalisant, une fois de plus, combien j'ai une amie en or. Je prends une grande inspiration, tout en levant la tête vers le ciel pour profiter de la chaleur réconfortante du soleil sur ma peau. J'essuie mes larmes et je regarde le défilé incessant des employés de bureau qui partent ou reviennent de leur pause déjeuner. À New York, nombreux sont ceux qui achètent à manger sur le pouce chez l'un des nombreux petits vendeurs ambulants. Bon... Je ferais bien de retourner bosser... Ma pause est largement consommée, et plus vite j'aurai terminé, plus vite je pourrai rentrer me terrer chez moi. Les yeux fixés au sol, je ressasse notre conversation avec Mathilde. Les poings serrés, je marche d'un pas décidé.

(Outch !!!)

Je viens de percuter quelque chose, ou plutôt quelqu'un !

Miss Mystère :
"Hey !!! Vous pouvez pas regarder où vous..."

Ma phrase s'étouffe dans ma gorge lorsque mes prunelles croisent celle qui me fixe intensément.

(Oh non ! C'est pas vrai ! Il existait combien de probabilités pour que je tombe sur lui...?! Je ne crois pas au destin, mais là je commence à voir de sérieux doutes ! M'enfin, à choisir, je préférerais gagner au loto la prochaine fois...)

Il pose une main sur mon bras pour m'aider à reprendre mon équilibre. Son contact est à la fois protecteur et ferme...

Miss Mystère :
"Oh... Monsieur Carter... Je suis désolée !"
Monsieur Carter :
"Mademoiselle... Décidément, vous me semblez encore à cran. Serait-ce encore la faute de mon entreprise ?"

(Oh mon.... dieu... Il se souvient de moi...!)

Il faut dire qu'il ne doit pas croiser très souvent des employées qui critiquent ouvertement les installations de sa firme... Je vire au rouge carmin, tout en écrasant les mouchoirs de Lola dans ma main. Je renifle avec le plus de grâce possible. Si tant est qu'on puisse le faire avec élégance.

Miss Mystère :
"Non, monsieur, pas du tout ! Je suis vraiment désolée de vous avoir bousculé."

Il me fixe intensément, à la manière dont on regarde un petit animal perdu que l'on prendrait en pitié. Il doit vraiment se demander d'où je sors... Un instant je pourrais me laisser hypnotiser par ce regard gris envoûtant. Les effluves de son parfum sophistiqué parviennent jusqu'à mes narines.

Monsieur Carter :
"Vous vous sentez bien ?"
Miss Mystère :
"Euh... Oui, oui ! Pas de problèmes, monsieur !"

(Génial... Maintenant, il doit me prendre pour une folle...)

Monsieur Carter :
"Je peux reprendre mon bras, dans ce cas ?"

(Oh !!)

Honteuse, je me rends compte que j'ai posé ma main sur son avant-bras, quand il m'a aidé à me stabiliser, et que je ne l'ai toujours pas lâché.

Miss Mystère :
"Ah... Euh... Oui ! Bien sûr !"

Une lueur éclaire ses yeux malicieux puis il me fait un bref signe d'au revoir, avant de se déplacer jusqu'à la voiture avec chauffeur garée tout près. J'avais vu ce genre de truc dans les films ou dans les livres... Même si on sait que ce genre d'homme existe quelque part, il est rare d'en croiser un pour de vrai...

(Pour le coup, on peut dire que j'attire les situations délicates avec monsieur Big Boss... Sincèrement, je n'avais pas besoin de ça...)

Encore toute troublée par mon échange avec monsieur La-Classe, je surprends Colin et Mathilde en pleine discussion dans notre box. Ils cessent brusquement tout échange lorsqu'ils m'aperçoivent. Voilà qui ne me donne pas du tout l'impression d'être au centre de leur discussion...!

Miss Mystère :
"Salut Colin."

Je ne m'attarde pas sur les politesses et je m'installe devant mon ordinateur. Je tourne l'écran de sorte que je n'aie pas leurs têtes dans mon champ de vision.

(C'est puéril, je sais, mais, en attendant, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour me donner de la contenance.)

Colin ne s'éternise pas. Je l'entends baragouiner quelque chose à Mathilde. Lorsqu'il passe à côté de moi, il me lance un regard compatissant. Pour une raison que j'ignore, cette marque d'attention me touche. Dans notre petit box, on pourrait entendre une mouche voler. Même si, étant donné l'atmosphère électrique qui règne ici, elle serait déjà morte de combustion spontanée ! J'aimerais tellement que Mathilde me dise quelque chose. Un simple : "Je suis désolée, je me suis comportée comme une idiote, reprends-moi." Serait suffisant. Mais, au lieu de ça, elle semble ultra intéressée par sa tablette graphique, et elle a perdu l'usage de la parole. Sincèrement, je crois que si elle me pose la moindre question, si elle a le moindre geste, la moindre attention à mon égard, j'explose en sanglots !

Gabriel :
"Miss Mystère ?"

Je sursaute et je me retourne nerveusement vers lui !

Miss Mystère :
"Gabriel ! Monsieur Leviels."

Je suis étonnée de voir les deux hommes à l'entrée de mon box. Généralement monsieur Leviels ne fait que des passages éclair et il est rare qu'il soit en compagnie de Gabriel.

Gabriel :
"Nous aimerions te voir dans mon bureau."
Miss Mystère :
"Ah... Euh... Oui, bien sûr !"

Les deux hommes restent impassibles en attendant que je daigne bouger de ma chaise pour les suivre. Je me demande bien ce qu'ils me veulent... Généralement, je fais mes briefings avec Gabriel. À tous les coups ils ont capté quelque chose... Et puis, c'est surprenant qu'ils ignorent totalement Mathilde... Même si, aujourd'hui, j'avoue que ça m'arrange ! Je me lève pour leur emboîter le pas. Ma tête doit être toute boursouflée par les larmes... il ne manquerait plus qu'ils me questionnent et j'explose en pleurs sur les épaules de mes managers ! J'imagine la scène, franchement humiliante, de Gabriel qui le tendrait un paquet de mouchoirs avec sollicitude, et monsieur Leviels qui tapoterait doucement mon dos... Je deviendrai la risée de la firme... La blague qu'on se raconterait le Premier de l'an en citant les "10 pires boulets" de l'année ! Miss Mystère, première place ! Je leur souris timidement, en ajoutant maladroitement mes vêtements, et leur emboîte le pas. J'entre, un peu tremblante, dans le bureau de Gabriel, en serrant mon petit bloc-notes entre mes mains. Qu'on se le dise, je ne fais pas la fière ! Ce dernier referme la porte derrière moi et s'avance vers son bureau.

Gabriel :
"Tout va bien, Miss Mystère ?"

(Tu veux dire après m'être fait larguer par ma meuf, ou après m'être ridiculisée devant le big boss...?)

Oui, c'est ce que j'aurais voulu répondre. À la place, j'inspire calmement et je fixe Gabriel, rassemblant tout ce que me reste de volonté pour lui faire un beau sourire de courtoisie.

Miss Mystère :
"Oui, tout va bien. Qu'est-ce qui se passe ?"
Gabriel :
"Assieds-toi, je t'en prie."

(Tant de politesse pour me porter le coup fatal, c'est trop d'attention...!)

Miss Mystère :
"Merci..."

Pas franchement rassurée, je m'assieds avec grâce, tout en ajustant nerveusement mes cheveux.

Gabriel :
"Alors, pour tout te dire, c'est un peu particulier. Nous ne faisons pas cela en général, ici, à Carter Corporation..."

(Vous faites pas quoi ? Virer les employés qui s'envoient en l'air au sous-sol ?)

Je crois que mon sourire doit ressembler de mon en moins à un sourire. Ce doit même être flippant.

Monsieur Leviels :
"Gabriel me vante souvent les mérites de votre petite équipe, mademoiselle. Et surtout de vous. Votre implication pour la firme est remarquable."
Miss Mystère :
"Oh merci, monsieur, mais je ne fais que mon travail."
Monsieur Leviels :
"Gabriel m'a aussi expliqué le sérieux dont vous avez fait preuve pour pallier l'absence de votre collègue de travail, la semaine passée. C'est de ce genre de collaborateur dont avons besoin. Ceux qui voient plus loin, qui pensent pour la firme, qui s'implique pour son développement. Ceux qui laissent de côté leurs aspirations personnelles et qui pensent corporate."

(Mon coco, si tu m'avais vue quelques minutes plus tôt, je peux te dire que le "corporate" il me passait à des kilomètres au-dessus de la tête...!)

Gabriel :
"Nous avons convenu d'une augmentation."

Monsieur Leviels jette un bref coup d'œil à Gabriel, sensiblement agacé de s'être fait voler l'effet d'annonce à la dernière seconde.

Monsieur Leviels :
"Généralement, nous n’octroyons pas d'augmentation aux jeunes recrues, mais nous souhaitions souligner et encourager votre effet."
Miss Mystère :
"Oh ! Et bien merci beaucoup !"

Je ne sais pas vraiment quoi dire. Je pensais plutôt que j'allais devoir trouver un job en sortant de cette réunion ! Je crois qu'ils cherchent un plongeur chez Felipe...

Miss Mystère :
"Eh bien, je... je vais faire en sorte que vous ne le regrettiez pas !"
Gabriel :
"Il n'y a pas d'inquiétude là-dessus."

Mark me fait signe de tête entendue. Son téléphone sonne.

Monsieur Leviels :
"Excusez-moi, je dois prendre cet appel."

Je me lève par politesse et je le vois quitter la pièce en refermant la porte derrière lui. Lorsque je me retourne, Gabriel est tout près de moi. Il est appuyé contre la tranche de son bureau et fait tournoyer sa chevalière sans cesser de m'observer.

Gabriel :
"Je te trouve fatiguée en ce moment. Tu es sûre que tout va bien ?"

C'est très gentil à Gabriel de s'inquiéter pour moi, mais je me vois mal raconter à mon patron mes problèmes de couple existentiels...

Miss Mystère :
"Oui, ça va Gabriel. C'est gentil."

Il n'a pas franchement l'air convaincu et continue de me fixer comme s'il sonder mon esprit. Il quitte son bureau pour en faire le tour et s'asseoir sur sa chaise design en cuir.

Gabriel :
"Écoute, pourquoi ne prendrait pas ton après-midi ? Je peux te conseiller un spa dans lequel nous avons de très bons prix pour nos collaborateurs."

Je n'en reviens pas ! Une augmentation et maintenant un spa ! À ce stade, ce n'est pas qu'il a anguille sous roche mais plutôt baleine sous gravillons !

Miss Mystère :
"Je ne voudrai pas abuser..."
Gabriel :
"Pas du tout enfin ! Je te le propose ! Tu as besoin de repos, c'est évident."

(Alors là ! Sois-je suis tombée dans la firme la plus cool de l'année, soit mon manager m'aime bien ! Ou alors ce que la firme me donne, je devrais le rendre au centuple...)

Si cette dernière option me paraît la plus crédible, je préféré largement la première ou même la seconde ! Et cette proposition tombe très bien. Elle me permettra d'éviter Mathilde pour le reste de la journée...

Miss Mystère :
"D'accord ! Merci beaucoup, Gabriel !"

Il m'adresse un léger signe de tête, avant de prendre un appel. Je quitte la pièce bien plus confiante qu'à mon arrivée ! Je traverse l'open Spa, non sans une certaine fierté. Cette journée n'est pas complètement pourrie, finalement ! Mais ce sentiment léger est rapidement anéanti lorsque j'arrive dans mon bureau et que mon regard croise celui de ma belle brune. Je range nerveusement mes affaires en m'efforçant d'ignorer le regard insistant de Mathilde. Je ferme mon ordinateur sans ménagement et je fais une petite pile avec mes dossiers.

Mathilde :
"Tu vas où ?"
Miss Mystère :
"Je prends mon après-midi. J'ai besoin de repos."
Mathilde :
"Oh..."

Elle me regarde tristement, puis elle détourne ses yeux des mains, nerveusement. Pourquoi est-ce que j'agis comme une vraie garce ? Je déteste cette vilaine ambiance entre nous... Si seulement elle me laissait entrer dans sa vie, nous n'en serions pas à nous parler comme deux simples collègues.

Mathilde :
"Pourquoi Mark et Gabriel voulaient te voir ?"
Miss Mystère :
"J'ai eu une augmentation. Ils ont souhaité me l'annoncer tous les deux !"
Mathilde :
"C'est génial !"

Son visage s'éclaire et je lui souris un instant. Mais, rapidement, l'atmosphère se fait plus lourde. Nous savons pourquoi, toutes les deux : nous ne la fêterons pas ensemble.

Miss Mystère :
"Oui, c'est génial."

Sans un regard de plus, je tourne les talons et je me dirige vers l'ascenseur, le cœur meurtri. Mon cœur d'éternelle romantique espère secrètement qu'elle me rattrape, qu'elle entre avec moi dans le petit élévateur, qu'elle me dise qu'elle est folle de moi et qu'elle m'embrasse passionnément... Mais je sais bien que je ne suis pas dans un film et que je vais juste partir d'ici comme je suis venue... Dans l'ascenseur je triture la carte du spa que m'a conseillé Gabriel. Je la regarde sans vraiment la regarder.
Alors que je passe l'accueil, Lola m'apostrophe.

Lola :
"Miss Mystère !"

Elle s'approche de moi, une main sur son oreillette pour masquer notre conversation.

Lola :
"Ce soir, je viens chez toi avec des petites choses à grignoter ?"
Miss Mystère :
"Oui, si tu veux... Ça me fera du bien !"
Lola :
"Ok. Tu prends ton aprèm ?"
Miss Mystère :
"Oui, Gabriel m'a proposé d'aller me reposer... Il m'a parlé de ce Spa."
Lola :
"Ah oui, il est sympa dis donc !"

Elle me fait un clin d'œil, tout en regardant la carte que je tiens dans la main. Quelqu'un lui fait signe à l'accueil. Elle me sourit et me fait un signe d'au revoir. Mathilde est une femme exceptionnelle. Je veux être là pour elle, sans la forcer pour autant. Elle me parlera quand elle sera prête. Douloureusement, je me remémore cette cicatrice que j'avais découverte lors de week-end dans les Catskill. C'est excessivement difficile pour moi de l'imaginer gravement blessée, inconsciente dans sa chambre d'hôpital. Je repense à ce fameux soir où j'avais retrouvé Mathilde à l'hôpital, inquiète pour son frère. J'imagine que ce moment a dû être doublement douloureux pour eux deux. Je sais enfin ce qui les lie. Daryl l'a visiblement beaucoup aidée pendant cette épreuve, et Mathilde lui est très reconnaissante.

Miss Mystère :
"Lana..."

Je murmure ce nom comme s'il avait un quelconque pourvoir magique. Alors c'est elle qui me tient éloignée de ma belle brune depuis le début...C'est elle qui la plonge dans ces moments de doute et de mélancolie. C'est elle qui l'empêche d'avancer. À sa mémoire, elle met mon cœur entre parenthèses... Lorsqu'elle m’a crié qu'elle avait tué son ex... J'ai tout de suite pensé qu'il s'agissait d'un accident. Elle ne ferait jamais de mal à personne. Jamais. C'est quelqu'un de bien. Sans doute la personne la plus droite que j'ai rencontrée jusqu'à présent... Les courses illégales, les combats clandestins, le gang... toutes ces mauvaises fréquentations... C'est du passé. Cette femme-là n'existe plus. Je sais qu'elle a changé, qu'elle a décidé de prendre sa vie main, de faire face à ses erreurs. Et puis, c'est sans doute idiot, mais je me sens en compétition avec une fille qui n'est plus là. Une fois à l'extérieur, je relâche la pression. Je ferme les yeux un instant et j'inspire doucement. Je me sens tellement en colère. C'est trop injuste. Pourquoi m'a-t-elle tout caché ? Pourquoi avoir commencé quelque chose avec moi si c'est pour vivre dans le passé ? Je suis tombée amoureuse d'elle, et elle m'annonce maintenant qu'elle n'est pas prête à tomber amoureuse d'une autre femme ? Les larmes menacent. Je souffle, les lèvres tremblotantes. J'appelle un taxi. Je n'ai pas encore décidé ce que je vais faire... Je décide de me rendre au spa. Même si je ne suis pas en état d'en profiter pleinement, peut-être cela me détendra-t-il. Gabriel a raison.
Calé dans mon sofa, la tête de Topaze sur ma cuisse, je vérifie mes messages pour la énième fois. Aucun signe de vie de Mathilde, pas un seul texto ni message. C'est calme plat. J'ai eu tout le loisir de repenser à notre conversation, au fait qu'elle ait besoin de prendre de la distance pour faire le point. Je sais que je dois être patiente, je ne dois pas la brusquer. C'est terrible ce qui lui est arrivé. Elle m'a livré sans doute la chose la plus traumatisante de sa vie. Je lui en veux d'avoir poussé Mathilde à l'emmener sur sa moto et à conduire comme une folle. Je lui en veux de l'avoir laissé avec ce drame sur la conscience. C'est celle qui reste qui souffre. Pas la personne qui part. J'en viens presque à la détester, alors que ce qui lui est arrivé est horrible...

Miss Mystère :
"Quel genre de personne je suis, Topaze ?"

Il m'accorde l'effort maximum d'un petit grognement, après avoir à peine ouvert un œil. Visiblement mes problèmes existentiels sont bien loin de le perturber. Surtout lorsqu'il a le droit de s'installer sur le canapé et de se coller à sa maitresse. Je comprends que ce n'était pas facile pour elle de m'avouer ça. Il y a des choses si terrifiantes, si destructrices, qu'on préfère les laisser au fond du lac... Je me souviens de ce m'avait dit Daryl : "Il a des choses si douloureuses qu'elles doivent rester dans l'ombre, parce qu'elles la détruiraient, si elles resurgissaient dans sa vie..."

Miss Mystère :
Pfffff Topaze ! MA vie est tellement compliquée ! On échange ?"

Nouveau petit grognement et regard en diagonale. J'attrape ma petite couverture et j'allume la télévision pour m'abrutir et tenter de m'endormir. Je décide de zapper sur une comédie américaine. Même si je ne suis pas d'humeur à rire, j'ai vraiment besoin de légèreté ce soir ! Quelque chose me dit que la journée de demain va être une épreuve !

Ce matin je me suis réveillée très tôt et je n'ai pas réussi à me rendormir. J'ai passé beaucoup de temps dans la salle de bain pour cacher mes cernes. De toute évidence, Gabriel sera déçu. Ce n'est pas une après-midi de repos qu'il me faut, mais une année !!!
Sur le chemin, je me demande comment va se passer la journée... Travailler avec Mathilde... Voilà une perspective qui m'effraie. Une nouveauté ! Arrivée à mon bureau, elle est déjà là. Elle se lève rapidement pour me faire face.

Mathilde :
"Salut."
Miss Mystère :
"Salut..."

Elle s'avance vers moi pour me faire la bise. Je ne peux pas supporter trop de proximité avec elle sans craquer. J'évite soigneusement son invitation en lui tournant brusquement le dos pour déballer mes affaires.

Mathilde :
"Euh... Gabriel veut qu'on aille le voir dans son bureau. Il a parlé d'un dossier..."
Miss Mystère :
"Ok."

Je voudrais être plus loquace, mais je ne sais pas comment me comporter avec elle. Je ne peux pas lui parler comme si de rien ne s'était passé... Ou pire, comme si nous étions que des collègues. Nous emportons de quoi noter et nous dirigeons dans un silence religieux vers le bureau de notre boss. Dès que nous entrons, Gabriel me sourit.

Gabriel :
"Salut."
Miss Mystère :
"Bonjour Gabriel."
Gabriel :
"Tu te sens mieux ?"

Je sens Mathilde se crisper à côté de moi. Primo, elle doit se sentir coupable et deuxio, elle ne doit pas apprécier que Gabriel me dorlote. Je lance un regard très froid à Mathilde pour bien lui faire comprendre à qui je dois ma tête déterrée. Puis je me retourne vers Gabriel, un sourire forcé sur le visage.

Miss Mystère :
"Oui, merci."
Gabriel :
"Bien. Asseyez-vous."

Nous prenons place sur les petits sièges visiteurs en face du bureau.

Gabriel :
"Nous avons un dossier important à boucler pour la fin de semaine. Je voudrais que vous mettiez les bouchées doubles là-dessus."

(Oh... C'était donc pour ça le spa... Je me disais aussi...)

Gabriel :
"Ce client pourrait bien nous aider à récupérer un plus gros poisson s'il est satisfait du travail, alors je compte sur vous !"
Mathilde :
"Le délai est serré quand même..."
Gabriel :
"Je pense que vous pouvez assurer..."

(Voilà le genre de phrase qu'on pourrait aisément traduisent par : "T'es gentil, mais t'as pas le choix, alors tu fais ce que je te demande. Merci. Bisous." )

Miss Mystère :
"Je vois pas le problème sur le délai."

Je fixe les yeux de Gabriel, les mains sagement posées sur mon bloc-notes. Je n'ose pas la regarder Mathilde.

Mathilde :
"Mais on doit faire les recherches, leur soumettre le projet, attendre leur retour pour pouvoir bosser sur la version finale ! C'est chaud pour la fin de semaine ! Je suis vraiment la seule à m'en rendre compte ?!"

Je n'en reviens pas qu'elle parle sur ce ton, surtout face à Gabriel. De toute évidence, elle n'a pas dû beaucoup dormir cette nuit, elle non plus.
Miss Mystère :
"Quatre jours, ça me paraît amplement suffisant."
Mathilde :
"Ok ! Si Miss Mystère le dit, alors y a pas de problème !"

Gabriel nous fixe, dubitatif. Notre échange est vif. Il y a de la tension dans l'air.

Gabriel :
"Ok. On fait un point dans deux jours. Au boulot."

Nous nous levons et nous manquons de nous percuter, car nous décidons, toutes les deux, de passer au même moment entre les deux chaises, pour sortir. Mal à l'aise, nous hésitons à plusieurs reprises à passer l'une avant l'autre, pour enfin trouver notre chemin. Si Gabriel ne se doute de rien après ça, nous aurons de la chance...! Mais tout me dit qu'il sait déjà et qu'il y a simplement la courtoisie de ne rien dire...
Je ne m'arrête pas à notre box comme le fait Mathilde. Je balance mon bloc-notes sur mon bureau et je fonce en salle de pause, histoire de reprendre mes esprits. Il va falloir que nous nous calmions, toutes les deux, si nous voulons garder notre job. Nous ne pouvons pas faire une scène de ménage devant notre manager ! Je m'installe sur un tabouret, j'appuie les coudes sur la table et je passe mes mains sur mon visage. Je souffle : c'est évident, ça va être très compliqué de travailler avec elle !

Colin :
"Miss Mystère... ça va ?"

Je passe les mains le long de mes joues en soupirant et je l'observe en diagonale.

Miss Mystère :
"Mais oui, super !!! Ça va SUPER bien !!"

Il y a comme quelque chose qui sonne faux, là-dedans... Il me fixe, je crois qu'il s'inquiète pour moi. Je ne sais pas trop... À vrais dire entre les uns et les autres, je me demande s'il existe encore des gens sincères dans ce monde !

Colin :
"Tu veux un café ?"
Miss Mystère :
"Oui, je veux bien !!"

Il se déplace silencieusement jusqu'à la machine. Il jette quelques regards autour de lui avec nonchalance. Je me mets à rire nerveusement.

Miss Mystère :
"Franchement ? Qu'est-ce qui tourne pas rond dans ma vie...? J'veux dire... Je m'y prends comment pour me mettre dans des situations pareilles ?"

Colin s'approche, presque prudemment, bien conscient que je suis autant sous pression qu'une marmite prête à exploser.

Colin :
"Je sais qu'avec Mathilde ça va pas fort."

(C'est le moins qu'on puisse dire...)

Miss Mystère :
"Et comment tu sais ça ?"
Colin :
"Parce qu'elle me parle de toi à peu près tous les jours et que j'suis pas aveugle."

Je le regarde en faisant la moue, en croisant mes bras contre ma poitrine.

Colin :
"Écoute... J'aime pas me mêler de vos histoires, mais... j'sais que pour elle c'était hyper dur de te parler de... l'accident. Elle en a vraiment bavé avec ça, tu sais..."

Miss Mystère :
"Je ne lui en veux pas pour ça... C'est juste que... je ne comprends pas pourquoi elle refuse mon aide."
Colin :
"Elle a besoin de temps... Avec ce qu'il s'est passé l'autre fois chez son frère, elle a peur de te perdre."
Miss Mystère :
"Je sais..."

J'observe avec mélancolie le ciel de New York à travers la baie vitrée.

Colin :
"Tu sais... J'l'ai jamais vu tenir à une fille comme elle tient à toi..."

Mon cœur se serre. Je ne peux m'empêcher de penser à Lana, à la fille avec qui elle voulait faire sa vie. Il pose sa main sur la mienne. Je suis surprise par la douceur de ce geste.

Colin :
"Faut que tu lui fasses confiance. Dans ces moments-là, elle ne pense pas bien et elle peut dire des choses... qu'elle ne pense pas vraiment."

Je le fixe, pleine de reconnaissance. Il n'est pas obligé d'être aussi gentil et compréhensif avec moi. Mathilde avec raison : c'est un mec bien.

Miss Mystère :
"Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?"
Colin :
"J'sais pas. J'aime pas vous voir souffrir tous les deux, c'est tout."

Nous nous observons un instant, les yeux dans les yeux. J'ai presque envie de me blottir contre lui, juste un câlin. Il se racle la gorge et recule d'un pas. Il boit une dernière gorgée de son expresso corsé avant de jeter le gobelet à la poubelle.

Colin :
"Si t'as besoin de te changer les idées, je serai à la salle de concert habituelle ce soir."

Il m'adresse un faible sourire puis disparaît dans le couloir. Alors que je me redresser pour retourner à mon bureau, mon téléphone vibre dans ma poche.

Daryl :
"Mathilde est passée chez moi hier soir... Tout va bien entre vous ? D."

Malgré nos différends, l'attention qu'il me porte me touche.

Je tape : "Difficile. Elle m'a expliqué pour l'accident et Lana. Elle a besoin d'être un peu seule."

Encore une fois je constate que Daryl n'est pas le sombre connard que j'imaginais.

Je repense à cette soirée chez lui... Quel dommage qu'il cultive cette image de bad boy collectionneur de bimbos ! J'attends un petit peu, dans l'éventualité de sa réponse, tout en regardant l'horloge. Cela doit faire un quart d'heure que je suis en pause... Si Cassidy le savait, elle prendrait un malin plaisir à m'humilier. Sa réponse ne se fait pas attendre.

Daryl :
"Ok. Si tu as besoin tu appelles."

Je lis son message plusieurs fois. Je me demande toujours si je peux lui faire confiance. Lui parler si j'ai besoin ? Sincèrement j'ai surtout besoin de l'oublier ! Je range mon téléphone en répétant tout haut son message. Je n'en reviens toujours pas ! Alors que je m'engage dans le couloir, je surprends une conversation entre Cassidy et Mark. Ils ne m'ont pas remarquée, absorbés par leur échange.

Cassidy :
"J'aurais simplement apprécié d'être consultée !!!"
Monsieur Leviels :
"Gabriel et moi avons jugé que ce n'était pas nécessaire."
Cassidy :
"Je suis la responsable RH de ce service, Mark !"

Elle se tient droite comme un i, les lèvres pincées. Elle fait tournoyer sa main devant le nez de monsieur Leviels, comme si elle chassait une mouche invisible.

Monsieur Leviels :
"Écouté, mademoiselle a été largement sollicitée ces derniers temps, c'est simplement le moyen de la motiver dans son travail."

(Quoi ?! Ils parlent de moi ?)

Cassidy :
"Oh s'il te plaît, Mark ! Tous nos collaborateurs sont rudement sollicités ! Combien de négociation je vais devoir gérer si votre faveur venait à s'ébruiter ?!"
Monsieur Leviels :
"Je dois y aller... J'ai du travail."

Je les vois repartir chacun de leur côté, Cassidy dans l'open space et Mark dans l'ascenseur. Mon cœur s'est accéléré et le venin de la colère s'insinue en moi ! La garce ! La voilà qui trouve à redire pour mon augmentation !!! Pour sûr que ça a dû la mettre dans tous ses états d'apprendre la nouvelle !! Je ne compte pas lui donner le plaisir de m'énerver contre elle ! Elle serait trop heureuse d'aller rapporter mon comportement à mes supérieurs ! Lorsque j'arrive à mon box, Cassidy a disparu. Je la cherche du regard, mais rien. Pas de vipère en vue.

Mathilde :
"Tu cherches qui ?"
Miss Mystère :
"Cassidy."
Mathilde :
"J'crois qu'elle est dans le bureau de Gabriel."

Ni une ni deux, je déboule dans le bureau de Gabriel après avoir rapidement frappé à la porte. Gabriel me regard, un peu surpris. Cassidy, elle, affiche une moue dégoûtée.

Gabriel :
"Tu tombes bien. Mademoiselle Sparke voulait te féliciter pour ton augmentation."

Les traits de la garce se tendent. Sa respiration se bloque. Dans son regard on peut lire un condensé de toute la haine qu'elle éprouve pour à mon égard.

Gabriel :
"Cassidy...?"

Elle me lance un regard hautain, devant l'insistance de Gabriel. Sa voix est mielleuse, mais son visage est assassin.

Cassidy :
"Félicitations, mademoiselle."

Sans plus de considération, elle quitte le bureau en tortillant du cul. Je jubile devant la déculottée qu'elle vient de se prendre. Gabriel me regarde d'un œil brillant. De toute évidence, il n'est pas homme à se laisser sermonner.
Aujourd'hui nous devons rendre le dossier à Gabriel. Ce soir c'est enfin le week-end. Ces quelques jours ont été une réelle torture pour moi... Travailler toutes les deux, en faisant comme si de rien n'était, mais en sachant pertinemment que rien n'est comme avant, m'a simplement épuisée. Nous sommes vendredi soir et le travail que nous avons fourni ne me satisfait pas. Il reflète l'état de notre relation. Il nous reste pourtant encore un peu de temps pour tenter de limiter la casse... Nos collègues de bureau ont déjà déserté les box depuis plus d'une heure. J'observe les visuels de Mathilde sur mon écran...

Miss Mystère :
"Tu peux venir voir s'il te plaît ?"

C'est bien la première fois que je pourrai lui reprocher de changer l'intégralité de son visuel. Rien ne va sur cette image !!

Mathilde :
"Ouais..."

Elle se lève et fait le tour du bureau pour venir se poster à côté de moi, les bras croisés.

Miss Mystère :
"Je viens de regarder ton visuel pour la mise en situation numéro 6. Tu ne trouves pas que cette couleur ne met pas en valeur l'ensemble ?"
Mathilde :
"J'sais pas"

Voilà l'intensité de nos échanges depuis que nous travaillons sur ce dossier... La nonchalance de Mathilde pour ce travail commence à me courir sur le haricot.

Mathilde :
"Tu veux quoi ?"
Miss Mystère :
"J'en sais rien ! C'est toi la graphiste, non ?"
Mathilde :
"Ah c'est moi la graphiste, maintenant ? J'ai fait ce que j'ai pu avec le temps que j'avais. C'est toi qui a décidé des délais, je te rappelle..."
Miss Mystère :
"Mais non, nous pouvons assurer les délais."

Elle prend une voix haute perchée pour tenter une pâle imitation de notre réunion dans le bureau de Gabriel. Je pourrais sincèrement la laisser planter là elle ses visuels, et rentrer chez moi. Mais si je veux éviter de foutre en l'air ma carrière, en plus de ma vie sentimentale chaotique, je ferais bien de prendre sur moi. Je me contente de fermer les yeux en inspirant et en expirant calmement.

(Je devrais songer à retourner à mes cours de yoga.)

Miss Mystère :
"Tu veux passer la nuit ici...?"

Une pensée lubrique passe furtivement dans mon esprit. Et quelque chose me dit que c'est réciproque. Et nous savons, tous les deux, oh combien cela aurait pu être amusant d'explorer les bureaux de Carter Corp. de nuit... Elle se racle la gorge pendant que triture nerveusement ma souris.

Mathilde :
"Bon..."

9

Tout à coup, elle se penche contre moi, derrière ma chaise. De sorte que sa poitrine touche ma nuque et que chacun de ses bras m'entoure. Elle pose une main contre la tranche du bureau d'un côté et l'autre main sur la souris en effleurant la mienne. Tout mon corps réagit à cette proximité soudaine. Son odeur si agréable envahit mon espace et son souffle chaud caresse doucement mon épaule. Mon cœur s'est accéléré. Je fixe l'écran de mon ordinaire pour me donner de la contenance.

Mathilde :
"Je peux changer ça ici. Je pense que ça permettra de donner plus de lisibilité."

Elle entoure rapidement la zone en faisant tournoyer le curseur de la souris. Sa bouche frôle mon front. Un instant, je réalise que je me contrefous de l'écran et que j'ai bloqué sur son beau visage. J'ai tellement envie de la prendre entre mes petites mains... Lorsque ses yeux noisette se posent sur les miens, je dévie nerveusement mon attention à nouveau sur l'écran.

Miss Mystère :
"Euh... Ok..."

Je suis complètement troublée. Mon corps ne réclame que sa présence, alors que ma raison sait très bien que ce n'est pas possible. Lorsqu'elle s'éloigne, et que le contact de son corps me quitte, c'est comme si je me retrouvais propulsée dans le vide. Un vide béant et glacial. Mon cœur se serre si fort qu'une boule se forme dans ma gorge. Elle se rassied à son bureau pour se remettre au travail. Comment fait-elle ? Il s'est clairement passé un truc entre nous. Elle ne peut pas faire semblant ! Moi, je ne veux pas ! Brusquement, je me lève de ma chaise. Elle roule derrière moi. Je me tiens droite, les bras ballants. Déjà affolée par ce que je m'apprête à dire.

Miss Mystère :
"Ce n’est pas possible. Je ne peux pas continuer comme ça."

Elle relève la tête de sa tablette graphique et me fixe, interrogateur.

Miss Mystère :
"Demain je demande à Gabriel de changer de box."
Mathilde :
"Quoi ?"
Miss Mystère :
"Je peux plus faire semblant ! Je ne peux pas travailler avec toi comme s'il ne s'était rien passé !"

Son beau visage se déforme, elle se lève à son tour pour me faire face. Elle pose son stylet.

Mathilde :
"Mais..."
Miss Mystère :
"J'peux pas..."

Les yeux embués, je regarde dans le vide et je secoue doucement la tête de gauche à droite. Je ne peux pas continuer comme ça. Elle passe une main dans ses cheveux en bataille. Même ce simple geste me plaît chez elle. C'est juste impossible pour moi d'être à la fois si proche d'elle et si loin.

Mathilde :
"Tu ne comprends pas que... que j'ai juste besoin de temps ?"
Miss Mystère :
"Est-ce que tu penses à ce que je peux ressentir...? Tu me laisses dans l'incertitude... Je ne sais même pas ce que tu veux pour nous ! Comprends que ce ne soit pas évident pour moi !"
Mathilde :
"Oui... Je comprends..."

(Elle comprend... Mais elle ne cherche pas à me retenir, à me garder près d'elle...)

Cette fois les larmes montent et je n'arrive pas à les retenir.

Mathilde :
"Non, ne pleure pas... S'il te plaît..."

Elle s'approche doucement de moi, elle prend mes épaules entre ses mains et plante ses yeux dans les miens.

Mathilde :
"Princesse..."
Miss Mystère :
"Laisse-moi t'aider..."

Mais elle recule, le regard triste. Elle fixe le sol.

Miss Mystère :
"Pourquoi tu m'as fait ça...?"

Je ne lui laisse pas le temps de me répondre ; à vrai dire ce n'est pas vraiment une question.

Miss Mystère :
"pourquoi tu m'as laissée m'attacher à toi...?"
Mathilde :
"Je..."
Miss Mystère :
"Est-ce que tu sais au moins à quel point je souffre de cette distance entre nous ? À quel point je t'aime ?"

Je reste interdit, je mets la main devant ma bouche entrouverte, la respiration coupée. Je viens de me mettre à nu, je viens de lui livrer mes sentiments pour elle. Elle me regarde fixement. Je voudrais qu'elle me prenne dans ses bras, qu'elle me dise qu'elle m'aime elle aussi, que nous allons traverser ça ensemble... Mais au lieu de ça, elle ne fait rien. Rien du tout. J'aurais dû m'en douter, avec ce qu'elle m'a avoué concernant Lana... J'aurais dû savoir qu'elle ne partageait pas les mêmes sentiments que moi... Mon cœur se déchire. Cette fois, je manque littéralement d'oxygène ! De rage, je passe mon avant-bras sur mon visage pour essuyer mes larmes et j'attrape mon sac sans ménagement.

Miss Mystère :
"Je te laisse déposer le dossier sur le bureau de Gabriel. Je m'en vais !"
Mathilde :
"Miss Mystère..."

Je cours presque jusqu'à l'ascenseur en ignorant son ton plaintif. Je n'en peux plus. Je dois quitter cet endroit, quitter cette femme avant de me perdre moi-même...

J'ai passé mon samedi à penser à elle et à ma décision... Lola m'a sortie de ma torpeur et m'a presque ordonné de la rejoindre en ville.

Elle m'a dit, je cite : "Arrête de craquer ! T'as besoin de te sortir la tête de tout ça !"

Je l'attends à notre bar habituel, à l'une de nos tables préférées. Mais le cœur n'y est pas. Lorsqu'elle arrive, elle me sourit chaleureusement.

Lola :
"Salut !"

Elle ne relève pas mon tient pâle et mon air dépressif. Au lieu de ça, elle s'approche de moi pour me faire un câlin. J'inspire doucement et j'esquisse un merci au-dessus de l'épaule de mon amie.

Lola :
"Allez, ma belle... On va passer une bonne soirée, tu vas voir !"

Je la vois lancer un regard désapprobateur à un type, dans l'angle, qui a décidé de nous mater.

Lola :
"À trop nous papouiller, y en a qui s'imaginent déjà des scénarios, là-bas !!!"

Je parviens à lâcher un petit rire devant l'air mutin de Lola.

Lola :
"Tu prends quoi ?"
Miss Mystère :
"Je m'en fiche, je prendrai comme toi..."

Elle me fixe un instant, dubitative.

Lola :
"Bon, écoute ma poulette, il faut que tu te reprennes ! Tu vas me faire une déprime ?"
Miss Mystère :
"Je sais plus quoi faire... Je vais peut-être demander à changer de collègue."
Lola :
"Comment ça ?"
Miss Mystère :
"Lundi, je vais aller voir Gabriel pour lui demander de changer de box... Je ne peux pas continuer à travailler avec Mathilde..."
Lola :
"Je comprends... Mais donne-toi un peu de temps, non ?"
Miss Mystère :
"Je te promets que cette semaine était horrible... Pendant un meeting, on s'est même un peu accroché, devant Gabriel..."
Lola :
"Ouais... Je comprends..."

Le serveur vient prendre notre commande, tout sourire. Tout à coup, mon portable se met à sonner dans mon sac. Je l'attrape en me demandant qui ça peut bien être. Je fais de gros yeux ronds lorsque je le lis l'identité de l'appelant : Mathilde !!

Miss Mystère :
"Allo...?"
Mathilde :
"C'est moi. Tu es disponible ?"
Miss Mystère :
"Je suis avec Lola, on boit un verre."

Lola me demande tout doucement de qui il s'agit. Je lui articule silencieusement les lettres du prénom de Mathilde. Son visage s'éclaire. Elle s'approche de moi pour écouter.

Mathilde :
"Je voudrais qu'on se voie."

Son ton est doux, presque suppliant. Mon cœur se met à battre la chamade.

Miss Mystère :
"Qu'on se voie...?"

Lola me fait un gros ouiiii de la tête.

Miss Mystère :
"Où ?"
Mathilde :
"Je t'envoie l'adresse sur ton mobile. C'est sur les hauteurs de la ville. Tu peux prendre un taxi ?"
Miss Mystère :
"Euh... Oui, bien sûr."
Miss Mystère :
"Tu...Tu veux que je vienne quand ?"
Mathilde :
"Maintenant. Enfin... si tu peux."
Miss Mystère :
"Ok. Je... j'arrive."

Je raccroche, les mains tremblantes. Je fixe mon téléphone, pas bien sûre que tout ça soit bien réel.

Lola :
"Tu vas me lever tes fesses d'ici et tu vas aller la retrouver illico presto !!! Fonce !"
Miss Mystère :
"Tu... Tu crois...?"
Lola :
"Mais oui !! C'est sans doute le bon moment pour arranger les choses !! Elle fait un pas vers toi, ma belle ! File prendre un taxi ! Ne t'inquiète pas pour moi, je boirai à ta santé !"

Je me lève et j'embrasse mon amie sur la en ajoutant un "je t'adore", avant de me jeter dans le premier taxi venu, auquel je donne l'adresse indiquée par Mathilde. Le taxi s'arrête dans une grande montée, sur le bas-côté. Le chauffeur semble aussi surpris que moi de me déposer ici, au milieu de nulle part. Lorsque je l'aperçois, adossé à sa moto, je reçois une vive décharge. La ville, calme et lumineuse, s'étend sur des kilomètres derrière elle. Le taxi repart et nous restons quelques secondes à nous observer. Lorsque je la vois ainsi, magnifique, au crépuscule, c'est comme si je recevais une bouffée d'amour. Notre échange est silencieux, mais il est loin d'être muet. Il y a tellement de choses que l'on peut se dire, juste avec un regard. Je suis amoureuse de cette femme. J'en suis même complément accro... L'émotion est tellement vive, tellement forte que je laisse tomber mon sac au sol et je me précipite dans ses bras.

Miss Mystère :
"Mathilde !!!!"

J'entoure mes bras autour de son cou et mes lèvres s'écrasent contre les siennes. Elle me soutient par la taille d'une main et de l'autre elle presse ma nuque pour m'embrasser plus profondément. Je pousse un petit gémissement libérateur au contact de sa langue contre la mienne. J'ai tellement besoin d'être contre elle, d'être dans ses bras, de respirer son odeur... C'est comme si je retrouvais mon oxygène. Ses cheveux sont doux, elle sent bon... Le contact de sa peau diffuse une douce chaleur dans tout mon être... Au loin, on entend que les faibles bruits de la ville et ceux des insectes nocturnes. Lorsque je me défais de ses bras, elle me regarde amoureusement.

Mathilde :
"Tu m'as manqué..."
Miss Mystère :
"Toi aussi, tu m'as tellement manqué..."

Je pourrais rester des heures, juste ici, contre elle. Il me suffit de sentir sa présence, ses bras protecteurs, pour que mon cœur s'apaise.

Mathilde :
"Tu ne me demandes pas pourquoi je t'ai fait venir jusqu'ici ?"

Mes mains glissent le long de ses bras puis se posent sur les siennes. Je les tiens et les embrasse. Elle me regarde avec une tendresse infinie. Ce que je lis dans ses yeux me suffit, je n'ai pas besoin de lui demander pourquoi nous sommes ici. Je me contente de me perdre dans son regard et de lui sourire.

Mathilde :
"Tu sais... je n'ai jamais voulu te blesser..."
Miss Mystère :
"Je sais..."
Mathilde :
"C'est ici."

Elle me montre le grand virage qui longe le bas-côté. Je comprends tout de suite ! Mon cœur se serre immédiatement ! C'est ici que l'accident a eu lieu !!!

Miss Mystère :
"Oh... Mathilde..."

Elle me regarde si tristement qu'il m'est difficile de rester forte. Elle m'a demandé de venir ici pour me livrer sans doute la chose la plus douloureuse de sa vie. Cette preuve de confiance et d'amour me bouleverse. Je ne sais pas quoi dire... Doucement, elle se tourne de l'autre côté et fixe la route qui redescend.

Mathilde :
"On arrivait de, par-là..."
Miss Mystère :
"Tu n'es pas obligé de faire ça..."
Mathilde :
"Si. C'est important."

Je la suis doucement, pendant qu'elle fait quelques pas pour me montrer le chemin qu'elles avaient pris à moto.

Mathilde :
"Tu vois tous ces graviers, là ?"

Elle me montre un petit amas de petits cailloux, qui longent le virage.

Mathilde :
"de si petites choses et, pourtant, hein ... ?"

Je la regarde tendrement. Et, avec un sourire contrit, je l'encourage à poursuivre sa reconstitution.

Mathilde :
"Elles sont toujours là... Même des années après l'accident..."

Elle souffle tristement avant de se tourner vers le bas-côté.

Mathilde :
"La moto a glissé ici et elle partit par là. J'ai glissé avec elle et je suis allée cogner contre ce rocher."

Je fixe le rocher comme si c'était mon pire ennemi. Je pourrais le désintégrer sur place.

Miss Mystère :
"Tu as eu peur ?"
Mathilde :
"Bien sûr... Quand j'ai percuté le rocher, je me suis dit que c'était fini, et j'ai tout de suite pensé à Lana. Mais j'ai vite perdu connaissance. Tu sais... C'est hallucinant, toutes les choses auxquelles tu peux penser, toute ta vie qui défile, alors que tout se déroule en quelques secondes..."

Je me suis toujours demandé ce que maman a ressenti avant de partir. À quoi elle a pensé avant son dernier souffle... Si elle a eu peur, si elle a eu mal. Il m'entraîne doucement pour regarder le bitume. Son beau visage se déforme. Je vois les muscles de sa mâchoire tressauter...

Mathilde :
"Lana, elle est tombée de la moto très vite. J'ai senti ses mains se défaire de ma taille avant qu'elle percute le sol."

Je sens que cette douloureuse sensation est ancrée dans sa mémoire et dans toutes les terminaisons de son corps. Elle frissonne.

Mathilde :
"Elle a glissé sur la voie opposée... là où le camion arrivait..."
Miss Mystère :
"Tu n'es pas obligé de continuer à me raconter tout ça...C'est déjà très courageux de m'avoir emmenée ici et de tout m'expliquer."
Mathilde :
"Je ne sais pas si c'est du courage... Je viens ici chaque année, à la même date, pour honorer sa mémoire. C'est quelque chose, qui me relie à elle. Tant que je pense encore à venir ici, je sais qu'elle est toujours là, dans mon cœur."

Je passe ma main contre son dos pour lui témoigner ma sollicitude.

Miss Mystère :
"Tu sais, je n'ai jamais eu le courage de retourner dans la chambre de maman, à la maison.

Elle se tourne vers moi. Ses yeux humides fixent les miens, attentifs.

Miss Mystère :
"Je n'ai jamais eu le courage de ranger ses affaires, de sentir l'odeur de son parfum... C'était trop difficile parce que ça voulait dire que j'acceptais son absence. Alors oui, ce que tu fais ici, c'est du courage."

Elle regarde si amoureusement que l'émotion me prend tout entière.

Mathilde :
"Détrompe-toi. Tu es la fille la plus courageuse que j'aie jamais rencontrée. Toi, tu as la force d'avancer. Si je viens ici, chaque année, je sais qu'en réalité c'est parce que j'ai peur de l'oublier et de trahir sa mémoire."
Miss Mystère :
"Tu te sens responsable de ce que lui est arrivé, alors tu n'arrives pas à la laisser partir... En revenant ici, tu t'assures de ne jamais oublier aucun détail."

Les yeux de Mathilde se posent sur moi, comme si j'avais lu en elle.

Mathilde :
"Il faut que tu saches... Je tiens énormément à toi..."
Miss Mystère :
"Je..."
Mathilde :
"Attends. Laisse-moi finir."

Je me tais et la fixe, les yeux gonflés d'amour.

Mathilde :
"Je n'ai jamais ressenti quelque chose d'aussi fort pour quelqu'un... même pas avec Lana."

Je crois que je suis en train d'éclater du trop-plein d'émotions... Si elle continue, je fonds en larmes...

Mathilde :
"Je l'aimais, mais... avec toi, c'est différent. C'est comme une évidence, tu vois ?"
Miss Mystère :
"Oui... C'est... ce que je ressens aussi..."

Je peine à la regarder dans les yeux. Je me sens presque intimidée.

Mathilde :
"Tout ce que je ressens pour toi... ça va bien au-delà de tout ce que j'ai connu... C'est un truc de fous..."

Tout doucement, avec une tendresse incroyable, elle embrasse mes lèvres. Je ferme les yeux pendant cet instant voluptueux où le temps semble s'être arrêté.

Mathilde :
"Je t'aime, princesse."
Miss Mystère :
"Je t'aime aussi."

Je ne suis plus qu'une boule d'amour, d'émotion et de joie. Un sanglot m'échappe. Elle prend doucement ma tête entre ses mains et embrasse une larme qui perle sur ma joue.

Mathilde :
"Quand tu as débarqué dans ma vie, je n’ai pas tout de suite compris ce qui m'arrivait... Après j'ai lutté et puis... Le soir où ce type a posé ses mains sur toi, j'ai tout compris. Mais longtemps j'ai hésité à te laisser entrer dans ma vie... parce que..."

Elle marque un temps d'arrêt. Je suis pendue à ses lèvres.

Mathilde :
"Parce que j'avais l'impression de trahir la mémoire de Lana. Je me sentais coupable d'aimer à nouveau... Si je ne veux pas te prendre sur ma moto c'est parce, j'ai trop peur de te faire du mal. J'ai peur de te mettre en danger. J'ai déjà perdu celle que j'aimais une fois, je ne supporterais pas de te perdre, toi."
Miss Mystère :
"Tu ne vas pas me perdre ! Je suis là, ici, avec toi."
Mathilde :
"Je sais... Mais lorsque j'ai réalisé à quel point je t’avais mise en danger avec les histoires avec mon frère, le gang, la course... Tout est remonté à la surface... Que mes conneries passées me mettent en danger, je m'en fous. Mais toi, c'est hors de question ! Je dois te protéger."
Miss Mystère :
"Arrête de vouloir me protéger comme si j'étais une petite chose fragile ! Je sais très bien ce que je fais en m'engageant avec toi. Je n'ai pas peur."

Elle se tait un instant et fixe la ville. La brise du soir fait délicatement flotter ses cheveux. Elle est tellement belle ! Si belle que je pourrais l'admirer des heures durant, sans jamais me lasser.

Mathilde :
"Tu sais... je ne suis pas la princesse charmante... Avec moi, tu n'auras jamais la vie dont tu rêves. Je n'ai rien de cette gentille fille..."
Miss Mystère :
"Alors ça tombe bien, car figure-toi que je ne cherche pas la princesse charmante ! Le sourire Colgate, cheval blanc et coiffure au gel, ce n’est pas mon truc."

Elle me sourit et m'embrasse tendrement.

Miss Mystère :
"On devrait rentrer maintenant."

Je lance un coup d'œil à sa moto. Elle suit mon regard. Je n'arrive pas à déchiffrer son expression.

Mathilde :
"Je vais t'appeler un taxi."
Miss Mystère :
"Je veux monter avec toi."
Mathilde :
"Ça a été difficile de te parler de tout ça, ce soir... J'ai besoin de rentrer et d'être un peu seul."

Je la regarde tristement.

Mathilde :
"On se voit lundi au travail, d'accord ?"

Je fais la moue, déçue qu'elle me laisse en plan ici. Je n’ai pas envie de repartir sans elle...

Mathilde :
"Tu ne changes pas de box, hein ?"

Elle me fait un signe craquant. Je ris nerveusement. Cette idée n'est plus d'actualité.

Miss Mystère :
"Si je peux encore me jeter dans tes bras et t'embrasser quand, bon me semble, j'accepte de te garder comme collègue."

Elle me prend doucement par la taille et me soulève un peu du sol. Je passe mes mains autour de ses épaules et j'enfouis mon nez dans son cou. Je l'entends chuchoter un "je t'aime" à mon oreille.
Lorsque j'arrive chez moi, Topaze me saute littéralement dessus pour me faire des léchouilles. Pendant que je prends sa tête poilue dans mes mains, je repense à tout ce qu'elle m'a dit. J'aurais aimé qu'elle aille jusqu'au bout et qu'elle me raccompagne sur sa moto. Mais je sais que ça va lui demander encore du temps. Je sais aussi que le jour où elle y parviendra, elle aura fait un grand pas en avant. En attendant, je regarde les messages de Lola sur mon téléphone. Elle semble excitée comme une puce ! Je décide de l'appeler.

Lola :
"Alooooooooors ?!"

Pas de préambule, elle attaque directe !

Miss Mystère :
"Alors elle m'a fait une déclaration d'amour en me disant qu'elle m'aimait... Elle m'a emmenée sur les lieux de l'accident et elle a tenu à tout me raconter..."
Lola :
"Wow... Du coup, vous ne passez pas là, ensemble ?"
Miss Mystère :
"Non... Elle avait besoin de se retrouver seule après m'avoir tout dit."
Lola :
"Ouais, normal..."
Miss Mystère :
"Oui, je la comprends, même si j'aurais vraiment aimé passer la nuit avec elle..."
Lola :
"Chaque chose en son temps, ma belle ! Elle va te revenir."

Devant mon soupir, mon amie poursuit.

Lola :
"Et je suis sûre que, quand ça va être le cas... ce sera carrément torride...!"

Je ne peux m'empêcher de rigoler devant l'esprit mal placé de Lola.

Miss Mystère :
"Lola..."
Miss Mystère :
"Quoi ?! Ose me dire le contraire peut-être !!!"
Miss Mystère :
"Mmh..."
Lola :
"Ouais merci ! Merci de me rappeler qu’il y a une fille super canon, complètement dingue de toi, qui va t'emmener au septième ciel, probablement très bientôt... Pendant que moi je me suis coltiné un mec relou en buvant mes verres..."
Miss Mystère :
"Je suis désolée pour ce soir. Désolée de t'avoir plantée comme ça..."
Lola :
"Tu plaisantes ? Encore heureux que tu sois partie la rejoindre. Je crois que si tu ne l’avais pas fait, je t'y aurais traîné par la peau du cul !"
Miss Mystère :
"J'ai de la chance de t'avoir, tu sais ça ?"
Lola :
"Je sais ma chérie, je sais... Enfin bref... T'es chez toi ?"
Miss Mystère :
"Ouais..."

Tout à coup, j'entends cogner trop à porte.

Miss Mystère :
"Euh... je dois te laisser, on tape à ma porte."
Lola :
"Oh bordel ! J'en connais une qui va s'envoyer en l'air !"
Miss Mystère :
"Lola !!!"

Je l'entends rire comme une imbécile à l'autre bout du fil ! Mon cœur se met à battre la chamade.

Miss Mystère :
"Je raccroche..."
Lola :
"C'est ça... Amusez-vous bien..."

Je rigole nerveusement en posant mon téléphone sur le meuble de ma cuisine. Je me déplace doucement vers la porte d'entrée, fébrile. Il se pourrait que ce soit Mathilde... Lorsque j'ouvre la porte, mon cœur rate un battement. Ma bouche se fige en un "o" silencieux. Elle se tient dans l'encadrement de la porte. Elle tient une rose à la main. Son regard est juste absolument éblouissant.

Mathilde :
"Salut."

Je bredouille quelque chose d'incompréhensible. Je n'en reviens pas qu'elle soit là, devant moi. Je m'attendais à la revoir, lundi seulement !

Miss Mystère :
"Euh... Ne reste pas là... Entre... Entre..."

Je lui laisse le passage pendant qu'elle pénètre dans le petit espace de mon salon. Évidemment Topaze l'accueille gaiment en lui réclamant des papouilles.

Mathilde :
"Hey ! Mon gros ! Comment tu vas ?!"

Je profite de leurs retrouvailles pour enlever discrètement des affaires qui traînent çà et là ! Elle se tourne dans ma direction, tenant toujours sa rose à la main.

Miss Mystère :
"Il ne fallait pas..."
Mathilde :
"Une princesse, ça apporte des roses, non ?"

Elle me fait un clin d'œil et s'approche de moi. Plus elle s'avance, plus je perds de l'assurance et plus mes jambes me lâchent. La dernière réflexion de Lola tourne dans ma tête et je rougis devant ma petite conscience polissonne. Elle me tend la fleur tout en passant une main contre ma taille.

Mathilde :
"Je suis désolé de t'avoir laissée comme ça tout à l'heure..."

J'attrape nerveusement la rose et je respire son odeur pour me donner une constance. Je ne comprends pas pourquoi je suis nerveuse, tout à coup !

Miss Mystère :
"Il va te falloir un peu plus qu'une rose pour te faire pardonner..."

Je lui lance un petit regard provocant, tout en faisant glisser les pétales de la fleur sur ma bouche. Ses yeux se posent lentement sur mes lèvres, puis descendent le long de mon cou, avant de revenir se plonger au fond de mes prunelles. Son regard est devenu plus sombre. Elle n'a pas besoin de parler, je devine déjà ses intentions.

Mathilde :
"J'ai très envie de toi, Miss Mystère."

Cette simple phrase, dans sa bouche, après toute cette interminable attente, achève de me faire perdre pied. Elle s'approche de moi et attrape ma nuque pour me pousser contre ses lèvres. Son baiser est d'abord délicat puis se fait plus dur. Ma peau frisonne lorsqu'elle passe ses mains le long de mes cuisses pour les enrouler autour de mes hanches. Elle me presse brutalement contre le mur de la pièce. Ses mains continuent de palper ma peau et sa langue s'insinue insatiablement autour de la mienne. Nos souffles sont cours ; j'étouffe de petits gémissements lorsqu'elle se presse encore plus contre moi.

Miss Mystère :
"Mathilde..."
Mathilde :
"Je sais... Ta peau m'a tellement manqué... C'est si bon de te sentir contre moi..."

Je pourrais me laisser aller contre elle jusqu'à l'extase, simplement en l'écoutant me dire l'effet que je lui fais... Elle me rend complètement folle. Elle m'a laissée en manque, en, attente. Et voilà que mon corps se nourrit d'elle, impatient, avide. Elle soulève mon tee-shirt puis se presse à nouveau contre moi. Ses mains parcourent chaque centimètre carré de mon corps qui s'offre à elle. J'attrape doucement le tissu de sa veste et je la fais glisser le long de ses bras pendant que je l'embrasse dans le cou. Je continue avec son tee-shirt que je fais passer au-dessus de sa tête, sans cesser de poser quelques baisers sur la peau hâlée de sa poitrine. Elle lâche un petit gémissement lorsque j'embrasse avec vigueur le creux de son cou. Lorsque la peau de ses seins touche les miens, c'est comme une libération, comme si elle venait combler un manque. Je l'embrasse avec une passion dévorante, comme si ma vie en dépendait, comme si je l'embrassais pour la dernière fois. Je glisse mes petites mains friponnes le long de ses hanches pour enlever ce qui reste de tissu. Elle en profite pour faire de même avec mon short. Désormais, nous sommes toutes les deux l'une contre l'autre, haletantes et brûlantes de désir. Je ne veux rien d'autre qu'elle, elle qui prend possession de moi qu’elle me comble tout entière.

Mathilde :
"Je t'aime, ma princesse..."

Elle fait remonter mes cuisses autour d'elle et, lorsqu'elle me possède enfin, je me laisse aller à la volupté de l'instant. Je perds toute notion du temps et de l'espace. Plus rien ne nous sépare, on ne fait plus qu'un. Il n'y a plus rien que nous deux, que nos deux corps prêts à s'aimer toute la nuit...

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