Nous y voilà, après une cérémonie des plus somptueuses, j'endosse avec fierté mon nouveau rôle de Déesse de la cité.

Si les règles ont été modifiées il y a déjà quelques dizaines d'années, l'accession héréditaire au trône ayant été supprimée au profit d'un vote démocratique pour l'élection des Dieux et Déesses, j'ai la chance d'être née dans la bonne famille et mon nom est associé aux Dieux les plus aimés du Royaume.

En remontant mon arbre généalogique sur plusieurs générations, on s'aperçoit que nombreux de mes aïeux ont été des membres influents de notre Conseil.

Le Conseil actuel est composée de 11 membres tous élus après des mois de campagne, chacun d'entre nous possède un ministère et s'engage à le faire prospérer.

J'étais pressentie pour obtenir le ministère des conflits et de la guerre, mon père étant le Dieu sortant, nous avons fait campagne commune dans le but que le siège me revienne.

Malheureusement la démocratie est telle qu'elle est, et tenir compte de la voix du peuple amène quelques désagréments. Un twist lors des derniers jours de campagne m'a obligé à me retirer dignement de la course au ministère des conflits et de la guerre, le chef de parti m'a alors proposé de me rabattre sur le ministère de la cité.

Je pense sincèrement avoir toutes les qualités requises, mes pouvoirs actuels me permettront aisément de garantir la puissance et la gloire de la cité. Je vais pouvoir développer la culture, l'agriculture, l'éducation et le commerce.

Un vaste programme qui me laisse pourtant indifférente, je voulais la stratégie, la guerre et une armée loyale et prête à tout.

Ainsi soit-il, le peuple a parlé.

Le vin m'enivre, la fête me lasse, je rejoins mes quartiers suivie d'une meute de servantes dévouées.

Après une nuit sans sommeil, ou malgré mon assurance cette prise de poste n'a cessé de trotter dans ma tête, j'y suis, et l'anxiété à laissé la place à l'énervement.

Il est temps l'heure de mon discours. Je l'ai travaillé durant une grande partie de la nuit, quel dommage qu'il n'intéresse personne. Mes conseillers à peine arrivés se sont jetés sur le buffet.

A présent, il est temps de s'y mettre, quelques heures plus tard, la tournure change.

Non, non et non, je hurle et sens qu'il ne manque pas grand chose pour qu'un éclair dévastateur s'abatte sur mon 1er conseiller, chargé de la construction. Il m'indique que les finances contraintes de la cité nous oblige à stopper tout investissement immobilier. Première claque pour moi, si ce ministère ne m'enchante guère, je pensais toutefois pouvoir m'engager dans des projets permettant d'améliorer la vie des habitants. Ce ne sera pas le cas, mon prédécesseur n'ayant pas maîtrisé le budget.

Après avoir consulté tour à tour mes 6 conseillers d"infortune, je crains que mon rôle ne soit minime, chacune de mes propositions a été recalée, unanimement, même si par crainte des conséquences, il m'a été rappelée à plusieurs reprises que le choix final me revient.

Les jours passent, rien ne s'améliore, mes décisions sont de plus en plus contestées, lassée j'espace la fréquence des Conseils ministériels, à quoi bon, quitte à avoir les mains liées et ne décider de rien, autant que je mette mon temps à profit à d'autres tâches, plus personnelles dirons nous. Promenade, peinture, couture, il m'arrive même d'aller dans la salle de service uniquement pour discuter avec le petit personnel.

Les mois passent, et je n'ai pris aucune mesure, je ne programme même plus de réunion, je m'ennuie tellement que je passe mon temps à m'apprêter. La cité va mal, elle se dégrade et est en proie à des incivilités quotidiennes, là encore, il est d’usage que je demande l’entraide du Dieux de l’intérieur, chargé notamment de faire régner l’ordre de quelconque manière qui soit.

Le taux de criminalité n'a jamais été aussi important, le peuple est mécontent, la cité se transforme en un camp ou les militaires sillonnent les pavés à toute heure du jour et de la nuit pour faire régner l'ordre.

Les années passent, bientôt arrive la fin de mon mandat, un mandat fade et inutile. Qui aura coûté plus qu'il n'aura rapporté. Aujourd'hui je suis convoquée par le grand chef, nous allons établir ensemble mon bilan.

L'entretien a lieu au dernier étage de la tour des Dieux, de là haut la cité est minuscule, cette vision pleine de hauteur masque un peu la misère.

Après une heure d'échange, ce Dieu le plus gradé me signifie qu'il ne reconduit pas ma candidature.

Quelle surprise!

J'indique alors mon souhait quant à l'obtention d'un ministère plus intéressant, il rejette en bloc ma suggestion et me répond qu'il n'est pas nécessaire que je postule à nouveau au sein du conseil.

Après toutes ces années perdues en errance dans un système que je ne comprendrais jamais, je me vois courtoisement conseiller de rentrer chez moi et de ne pas faire de vague.

Mon sentiment de colère s'anime, il est si violent que je sens ma puissance bouillir en moi, mais je continue sans broncher d'écouter la liste de mes erreurs et de mon inaction. Tous les reproches me sont faits, une liste interminable, je ne m'attendais pas à cela.

La posture de mon corps transpire la défiance, jusqu'au coup de grâce, la réflexion de trop qui déclenche un éclair d'un doré magnifique que j'oriente avec violence au coeur de la cité bondée d'habitants. Il n'y aura que très peu de survivants je le sais.

Je le regrette déjà, mais fallait pas me prendre pour une potiche.