9bis. Chacun son mal

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Comme tous les jours depuis la fin du collège, mon réveil sonne à 7h30 tapante.
J'étais déjà réveillé de toute façon, anticipant mon entraînement du jour.
J'ai eu un peu de mal à m'endormir, sans doute à cause de la dernière idée de ma sœur... Lisa a proposé à Lyn, une nouvelle dresseuse arrivée du Monde Primaire, de dormir chez nous.

Ça fait maintenant plusieurs mois que Lisa n'a pas été malade. À cause de ses rechutes fréquentes, ma sœur a manqué souvent l'école et a peu d'amis. Je suis rassuré de la voir enthousiaste pour l'avenir.

Lyn, la nouvelle arrivée, se défend bien en combat Pokémon. J'ai pu en juger, il y a quelques jours. Après avoir battu ma sœur jumelle et son Évoli, je me suis aussi incliné face à elle. Machoc, ayant pourtant peu de défaites à son actif, n'a pas pu battre le Salamèche de ma nouvelle rivale. Sa façon de combattre m'a intrigué, je ne saurais pas dire pourquoi. La défaite n'est pas agréable, mais face à elle ça m'a donné envie de travailler encore plus !
Et je me sens à l'aise avec elle, plus qu'avec les autres filles de notre âge. Peut-être parce que, contrairement aux autres, elle ne parle pas d'elle et se donne à fond dans le dressage de Pokémon.
Hier, elle a gagné son premier badge, me devançant de nouveau. Il faut que je progresse.

Un petit coup dans les côtes me sort de ses pensées. Machoc s'impatiente.

Après un petit-déjeuner copieux, je passe un survêtement et je me dirige vers le salon. Maman, qui part avec Clémentine, ma petite sœur, pour la maternelle, me souhaite une bonne journée.

Lisa descend, seule, quand je m'apprête à sortir.
- Tu as vu le temps qu'il fait ? Tu veux quand même t'entraîner ?
- Évidemment, la pluie ne m'empêche pas de bosser.
- Fais attention à toi.
Depuis qu'elle va mieux, elle se montre toujours très prévenante avec moi. Ça a tendance à m'irriter. Quand elle allait mal, je l'ai aidé comme j'ai pu, c'est normal. Je n'attends pas quelle me couve en retour.

Je saisis mon autre pokéball, et appelle mon taciturne Arko a nous rejoindre.
Par la baie vitrée de notre salon, je sors dans le jardin familial. La pluie tombe doucement, mais il ne fait pas froid. Ça ira très bien. Je ferme la porte fenêtre et commence mes échauffements.

Sur les conseils télévisés d'un ancien champion d'arène, je travaille nos attaques avec mes Pokémons. J'aime sentir mes muscles se tendre, envoyer mon poing, que Arko et Machoc esquivent la plupart du temps.

Après plusieurs minutes, nous sommes lancés pour la journée.
L'ouverture brutale de la porte fenêtre me fait sursauter. Je me retourne, les poings toujours armés.
- Lyn s'est évanouie !
Un électrochoc me saisit, parcourt tout mon corps, des pieds à la tête. L'image de Lisa, en pleine crise d'asthme, étouffant, qu'on amène à l'hôpital pour la cinquième fois de l'année, ressort des profondeurs de mes souvenirs.
J'agis sans réfléchir. Trempé, j'entre dans le salon et court vers la cuisine. Lyn, en pyjama, est allongée au sol. Son Salamèche est terrorisé de la voir ainsi, l'Évoli de Lisa frotte son museau sur le visage de Lyn.

J'entends la voix de maman, qui m'expliquait quand j'avais à peine plus de 5 ans :
- Mon courageux garçon, je vais te demander quelque chose qu'on demande à des grands normalement. Si je ne suis pas là, et que ta sœur ne se sent pas bien, il faut que tu restes calme. Tu la mets assise et tu lui dis de respirer calmement. Tu m'appelles et tu restes près d'elle, tu la rassures.

- Lisa, appelle maman !
- Oui !
Allez, reste calme.

- Si ta sœur ne te répond pas, tu m'appelles et tu l'allonges sur le côté.

Avec l'aide de Pyro, qui est sorti de sa torpeur, j'allonge Lyn sur le côté. Elle est brûlante, transpire et respire fort. Elle, si forte et déterminée pendant les combats Pokémons, parait fragile.

Une fois maman, revenue, je prends conscience de mon état de tension.
Lyn a ouvert les yeux et bu un peu d'eau. Notre médecin de famille, passera dans la matinée.
Maman a trouvé dans les affaires de Lyn sa carte de dresseuse, elle a appelé le Professeur Manour. Lyn est arrivée depuis deux semaines, et ne lui a pas parlé de problèmes de santé. La spécialiste des Pokémons suspecte le mal des mondes, une sorte de grippe qui touche ceux qui arrivent du Monde Primaire.
- En tant que maman, je me demande comment elle arrive à gérer ça toute seule...
Je n'y avais pas pensé, c'est vrai qu'elle est arrivée seule. Elle nous a dit hier soir être orpheline. Je n'entends pas la réponse du Professeur, mais je vois maman porter la main devant sa bouche, les yeux embués.
- Maman ?
Lisa a remarqué aussi son geste. Maman nous fait signe de faire silence.
- Je vois... Oui, nous prendrons soin d'elle. ... C'est normal... Oui, je vous tiendrai au courant.
Une fois raccrochée, elle nous regarde avec un mélange d'émotions que je ne comprends pas.
- Lyn est vraiment seule, hein ?
Ma sœur semble avoir compris quelque chose que je n'ai pas saisi.
- Oui... Mes enfants, Lyn aura besoin de soutien dans l'avenir.
Je me demande bien de quoi elle parle.

Je passe la matinée dans un état second. Je pensais être devenu fort, ne plus me laisser distraire par les histoires des autres.
Lisa est venue me remercier, pour avoir gérer la situation efficacement. Elle plaint Lyn, seule.
- " Je ne crois pas qu'elle ait envie qu'on la plaigne. "
Surprise, ma sœur acquiesce et n'en parle plus avant que le médecin arrive.
Ce dernier confirme le diagnostic, c'est le mal des mondes. Ça passe généralement rapidement, il suffit de se reposer et de bien boire.

En fin de matinée, maman est revenue avec Clémentine. Elles vont voir comment va Lyn. Appuyé au mur dans le couloir, j'écoute.
- Elle se réveille.
Le ton rassurant de maman emplit la chambre de Lisa.
- Ça va Lyn ?! Tu t'es évanouie d'un coup en te levant après le petit-déjeuner ! Du coup j'ai vite appelé David et maman, on t'a rallongé et...
- Calmes-toi Lisa.
Face à la maladie, ma sœur perd son sang-froid. Maman a pris un ton doux mais ferme.
- Oh oui pardon. Je vais chercher de l'eau.

Elle passe devant moi en courant.
- Ça va mieux ?
Maman utilise le même ton que quand elle parlait à Lisa, pendant ses crises.
- Oui merci.
La voix de Lyn est éraillée, elle doit être un peu dans le gaz.
- Ne force pas. Je me suis permise de regarder ta carte de dresseuse et d'appeler le Professeur Manour. Elle m'a expliqué ce qu'il t'arrive. Ce n'est pas grave.

Maman lui explique le Mal des mondes.
- D'accord. Désolée pour le dérangement, je vais vite me remettre.
- Prends le temps qu'il te faut, on a de la place et ça fait plaisir à tout le monde que tu sois là.
Ma petite sœur, la voix pleine de sanglots, confirme :
- Il faut pas être malade, Salamèche il a besoin de toi !
Après quelques secondes, Lyn répond d'une voix plus claire et déterminée :
- Oui ! Je vais guérir pour Pyro !

Décidemment, cette fille est impressionnante.
Déterminé à ne pas la laisser me dépasser par Lyn, à la combattre à nouveau et à gagner, je passe le reste de la journée à travailler.

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