49. Comme un poisson dans l'eau

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Après cette belle victoire, j’ai envie de continuer ma route.
Je passe une nouvelle soirée accompagnée d’Aurore, qui me conseille d’aller à Mila. C’est la ville la plus au sud-est du petit continent. Située entre les deux embouchures sud du fleuve Neiss, elle ressemble un peu à Ryne, avec des grandes plages de sables fins. Un défi de compétences est prévu dans quinze jours, nous laissant largement le temps d’y descendre à pied. Il y a aussi une arène. Le champion est un ancien finaliste de la ligue de Tooraï, spécialisé en Pokémon de type sol.
Aurore veut y aller pour le défier, elle me propose de faire la route ensemble.
J’ai un moment d’hésitation, aimant me retrouver seule… Elle me fait craquer en me proposant des duels quotidiens pour améliorer nos techniques. Comme elle le dit judicieusement, rien ne vaut un combat pour progresser.

Aurore bouscule un peu mes habitudes, étant moins matinale et assidue aux échauffements quotidiens que moi. Je m’adapte néanmoins, parce que je sens de vrais progrès à travailler avec elle.
Pyro et Étincelle s’entendent et se stimulent très bien, rivalisant avec leurs flammes.
Floravol et Zippo ont pu reprendre leurs jeux aériens, se défiant en termes de légèreté et de précision en vol. Sweety et Nidorino, d’une nature douce tous les deux, travaillent leurs attaques au sol.
Je peux alors prendre plus de temps avec Sharki et développer notre lien. Comme la prochaine arène sera du type sol, j’aimerais le faire participer. S’il est toujours condescendant et malpoli parfois, j’arrive à le canaliser de plus en plus longtemps. Après l’échauffement commun, on travaille plus spécifiquement ses muscles, comme Pyro avant un défi de compétence. Nous revoyons chacune de ses attaques, améliorant leur précision avec mon bâton. Je lui fais découvrir le mouvement d’esquive de Pyro, mais il n’est pas très à l’aise sur la terre ferme, et préfère être offensif.
En fin de journée, je m’éloigne une heure ou deux avec Salamèche. Je le trouve maintenant sûr de lui, même un peu plus autonome et combattif. Il me signifie clairement qu’on va mettre en valeur sa Draco-rage. On commence à y réfléchir, travaillant uniquement cette attaque.

Je n’ai pas besoin de faire d’efforts avec Aurore, elle alimente beaucoup la conversation. Il arrive qu’elle me taquine sur mon côté secret et perfectionniste, mais elle ne fouine pas non plus de trop. Elle m’a posé quelques questions sur ma vie dans le Monde Primaire, qui me parait si loin après deux mois passés ici… Au bout de quelques jours, alors qu’elle insiste pour parler de mes parents, je change de sujet.
- Émile est resté à Ryne ?
À ma grande surprise, elle prend un air attendri et… un peu triste aussi.
- Il est mature, et aimerait déjà parler d’avenir.
Je ne sais pas quoi répondre.
- Mais pas moi… On est encore en contact, on verra ce que ça donnera !
Elle retrouve son enthousiasme habituel, et propose une bonne nuit de sommeil.
Mince, en voulant éviter d’être mal à l’aise, je lui ai renvoyé l’ascenseur… Je ne suis pas très douée avec les gens.

Ainsi passe une semaine.

Je suis réveillée par de l’eau sur le visage.
- Sharki, attends que je me réveille.
J’ouvre un œil, et m’aperçoit que Tiplouf dort encore.
- Sala sala !
Pyro par contre est debout, protégeant sa flamme de la pluie qui commence.
On se lève en quatrième vitesse, rangeant vite nos sacs de couchage avant qu’ils ne soient trempés. J’ai la chair de poule, il fait plus froid ce matin. On passe une veste, on se contente de quelques baies et on cherche un abri.
Exceptionnellement, Pyro va se mettre à l’abri dans sa Pokéball, le mauvais temps s’intensifiant. Je garde Sharki, que la pluie battante ne dérange pas.

Après une heure à ce rythme, nous sommes trempées jusqu’aux os. J’espère que mon sac est étanche.
- On ne devrait plus être loin !
- Loin de quoi ? Mila est encore à trois jours de marche.
- Je sais, mais une communauté vit par ici.
Une communauté ? Je fais confiance à Aurore, et la suit, continuant à longer le bras du fleuve Neiss.
Quelques minutes plus tard, mon amie pointe du doigt droit devant elle. Je plisse les yeux, devinant des formes sur le bord du fleuve. On s’y dirige, presque en courant.
Des maisons, plutôt simples et petites, sont serrées les unes contre les autres, sur quelques dizaines de mètres, le long du fleuve. Certaines d’entre elles possèdent un ponton, gagnant directement le fleuve.
On trouve à se réfugier sous le porche du plus gros embarcadère, où sont amassés quelques bateaux.
On enlève nos vestes, alourdies, et prenons le temps d’observer les alentours.
- C’est bien eux, la communauté nomade du fleuve Neiss.
- Nomade ?
- Oui, ils se déplacent selon les saisons et les crues du fleuve. Ils le connaissent par cœur, et vivent en harmonie avec lui. Tiens, regarde !
Je suis de nouveau son doigt, vers le fleuve. Un homme, torse nu, fait des signes vers le fleuve.
- Tu crois que quelqu’un est dans l’eau ?!
Alors que je m’apprête à courir vers lui, Aurore me retient.
- Non, observe bien.
L’homme, dans la vingtaine, n’exprime aucune inquiétude. Plutôt de la détermination. Le courant est fort, que cherche-t-il à faire…
Je remarque alors seulement le Pokémon plus en avant, les pieds dans l’eau. Une Aquali de belle taille attend quelque chose.
Son dresseur lui fait un signe, un instant avant que des remous violents arrivent sur eux !
Le Pokémon canidé, bleu comme l’eau du fleuve, fait un petit bond et utilise Onde boréale… gelant sur place la petite vague !
- Tiiiiplouuuf !
Impressionné, Sharki court vers eux.
- Attends-moi !
Sans prendre le temps de passer ma veste, de toute façon inutile, je le rejoins.
- Bien joué ma belle !
- Quali.
- Ti ti tiplouf !
- Tiens, salut petit !
Mon Pokémon n’a pas aimé ce surnom, et se positionne à côté d’Aquali. Lorsqu’une autre vaguelette arrive, il envoie ses Bulles d’eau… avec peu d’effet, si ce n’est qu’il est recouvert de boue, charriée par le fleuve en crue.
- Sharki, ça va ? Ne dérange pas ces gens !
- Il est motivé ton Tiplouf. Mais vous êtes trempés ! Venez.

Nous retrouvons Aurore sous le porche où nous l’avons laissée. L’homme s’appelle Ronan, et nous invite à entrer. C’est lui qui possède la maison reliée à l’embarcadère, où il vit avec sa mère, cheffe de la communauté. Cette femme est impressionnante, les cheveux poivre et sel, des yeux bleus très profonds et d’un calme charismatique. Elle est entourée d’un Croaporal, qui dégage la même aura qu’elle, et d’un Obalie qui s’amuse à rouler dans toute la maison.
Devant la tempête, ils nous offrent le logis et le couvert. Nous acceptons avec grand plaisir, Aurore créant rapidement une bonne ambiance. Elle a vraiment le contact facile.

Nous partagerons une chambre toutes les deux. On prend le temps d’étendre nos affaires, et j’invite Pyro à venir. Une fois que nous sommes installés à table, la discussion reprend de plus belle.
Au bout de quelques minutes, je sens des frissons me parcourir le corps. J’espère que je ne serai pas malade. Mon Pokémon feu l’a senti. Il s’approche de moi, augmente la chaleur de sa flamme et la place entre nous deux.
Merci mon Pyro.
- Vous semblez avoir un lien étroit avec vos Pokémon.
La cheffe, Madame Obani, qui avait peu ouvert la bouche jusque-là, nous regarde avec insistance. Quel regard, j’ai l’impression qu’elle me perce à jour !
- Lyn est incroyable avec ses Pokémons ! Peut-être avez-vous constaté son lien avec son Salamèche, aux défis de Ryn et Nuxo ?
La conversation va bon train sur nos parcours de dresseuses.

Après manger, l’échange s’est transformé, Ronan nous parle de l’histoire de son peuple.
Ils arpentent le fleuve Neiss depuis des générations, vivant de petits travaux. Ils entretiennent pour les villes et les régions les cours d’eau, les barrages, les niches écologiques.
Aurore est émerveillée et pose plein de questions, sur des lieux qu’elle connait.
Je trouve cette harmonie apaisante, les hommes et les Pokémons ont trouvé un beau terrain d’entente.
- Dis-moi Tiplouf, souhaites-tu t’entraîner avec Zéphir ?
Aquali a levé les oreilles en attendant son nom. Tiplouf saute sur ses pattes et se dirige vers la porte.
Devant la motivation de mon Pokémon, je me lève aussi. Ronan me prête un k-way confortable et chaud. Je vois Pyro hésiter à venir.
- Fais comme tu le sens.
Je ne veux pas le forcer à venir sous la pluie. Mon amie rétorque :
- Tu peux rester si tu veux !
Elle est déjà repartie dans les histoires de cette communauté avec madame Obani. Elle offre à Pyro un moment confortable.

Ronan, Zéphir, Sharki et moi affrontons à nouveau la pluie et le vent.
- Montrez-nous les attaques que vous maitrisez !
Sharki gonfle son poitrail et leur fait une démonstration de Bulles d’eau, Furie et Picpic. Zéphir utilise son attaque Hydrocanon, contrant des vagues. Quelle puissance ! Piqué au vif, Sharki ne ménage pas ces efforts.
Après de nombreux essais, ses Bulles d’eau se sont densifiées et renvoient des petits remous.
- Génial Sharki !
Il vient taper sa nageoire dans ma main.
- Bien, et si on rentrait ?
- Tiiiii ?!
Il n’a jamais envie de s’arrêter, ça me fait sourire. Mais j’écoute le conseil de Ronan.
Je remarque alors seulement Pyro ! Sous le porche, il fait ses mouvements musculaires, défiant les nuages du regard. S’il ne s’est pas exposé directement à la pluie, il est tout de même mouillé à cause du vent.

Dans la maison, Aurore et Madame Obani sont toujours en grande discussion, tout en préparant le dîner.
En essuyant Salamèche, j’entends la fin d’une légende sur Kyogre. Ce Pokémon géant marin, a forcément un lien particulier avec le peuple du fleuve. Un de leur ancêtre l’aurait rencontrer, alors qu’un barrage allait céder, près de Mila. Ensemble, ils ont sauvé toute une ville d’un tsunami. Pour le remercier, l’ancêtre s’est engagé à protéger les systèmes marins de Tooraï. Promesse que Ronan continue de perpétuer.

Dans la soirée, nous mangeons une soupe d’algues, agrémentée de croutons de pain, réconfortante.
Alors qu’on sent tous la fatigue, Sharki s’impatiente devant la porte extérieure.
- Sharki, il est tard.
Nullement convaincu, il s’apprête à ouvrir.
- Le tempête va durer encore plusieurs heures les enfants. Peut-être même quelques jours. Dormons, ça peut attendre demain.
Son regard fait le tour de la pièce, s’attardant sur Tiplouf.
Sans râler, il revient vers moi ! Je ne l’ai jamais vu écouter ainsi. Madame Obani a une autorité certaine.

Une fois couchée, mes paupières se ferment rapidement. Malgré ce qu’il voulait montrer, Sharki dort déjà. Pyro regarde par la fenêtre, pensif.
- Je suis super contente d’avoir rencontré ces gens !
- Oui… Et Sharki va pouvoir progresser.
- Ahhh, tu ne penses vraiment qu’à t’entraîner ! Enfin, profitons de ce bon lit, nous verrons ce que nous pourrons faire demain !
- Oui…
Je me sens sombrer dans un profond sommeil.

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