Prince de Coeur

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Quelques mois s'étaient écoulés. Les flocons de neige avaient fondu, laissant la place au doux réveil printanier : le soleil éclatant, le bourdonnement des abeilles, les premiers bourgeons éclosant et les fleurs épanouies, annonçant le renouveau de la vie.

C'est alors qu'Alexis entendit parler d'une annonce émanant du roi, résidant dans un château niché au cœur du bois de Brocélianda. Une ambiance de tristesse enveloppait le palais, car une malveillante sorcière avait dérobé la couronne du roi, ses précieux joyaux ainsi que tous ses trésors personnels. Elle les avait dissimulés au plus profond d'une grotte, protégée par un brasier imposant à son entrée, jaillissant sur plus de cinq mètres de hauteur. Nul n'avait réussi à s'approcher de cette grotte sans subir de graves brûlures.

Le roi avait annoncé qu’il donnerait la main de l’une de ses filles à celui qui lui permettrait de retrouver ses joyaux. En entendant cette nouvelle, Alexis en parla à son frère Louis.

— C’est l’occasion de montrer à maman que nous valons mieux que Pierre !

— Je n’ai aucune envie de rôtir devant une grotte, Alexis !

— Mais Louis ! Pense à toute la richesse qui nous attendrait si nous arrivions à rapporter ses trésors au roi. On serait riche et grâce à nous, maman nous aimerait davantage !

— L’argent ne fait pas le bonheur !

— C’est sûr ! Mais il y contribue fortement.

Nombreux sont ceux qui accoururent des quatre coins du monde de Britannia. Ils bravèrent les flammes pour ramener le trésor, car tous connaissaient les princesses. Elles étaient belles et très riches. Mais aucun ne put éteindre les flammes. Ceux qui essayèrent de les traverser y laissèrent leur vie sur le champ.

Alexis et Louis finirent par tenter leur chance. Ils furent trop effrayés en s’approchant de la grotte par l’immensité des flammes et l’ampleur du foyer.

— Et si je tentais ma chance ! osa Pierre, en écoutant le récit de leurs frères revenus chez leur mère.

— D’autres ont essayé avant toi ! Et cela fut toujours sans succès, s’agaça Alexis. Ne te rends pas ridicule ! Tu risques de mourir brûlé. C’est tout ce que tu vas gagner !

Pierre n’écouta pas son frère. De nouveau, il enfila ses bottes et partit au petit matin sans prévenir personne en direction de la grotte. Cependant, Alexis surveillait tous ses faits et gestes. Il réveilla Louis. Ensemble, discrètement, ils décidèrent de le suivre.

Lorsqu'il se retrouva face aux flammes, Pierre glissa un anneau à son doigt. C’était une récompense du roi du bois de Brocélianda qu'il avait gagnée en le délivrant de la Tour du dragon. Selon la légende, cet anneau magique protégeait son porteur, une opportunité que Pierre devait désormais mettre à l'épreuve. Il implora l'anneau de le préserver du feu alors qu'il traversait les flammes. Son souhait fut exaucé, et il franchit le brasier sans ressentir la moindre douleur. Voyant Pierre disparaître dans les flammes, ses frères le crurent mort et se précipitèrent pour annoncer la nouvelle à leur mère, Judith.

Une fois à l'intérieur de la grotte, Pierre s'empara du sac contenant la couronne du roi et le diadème des trois princesses. Le poids était si lourd qu'il demanda à nouveau à son anneau de le rendre plus léger, et réussit ainsi à le porter sur ses épaules sans effort. Avant de retourner chez lui, il se rendit au château et déposa le sac dans la cour, puis s'enfuit en courant. Le roi, ayant remarqué son geste, ordonna à son valet de vérifier ce que le jeune homme avait déposé, pensant qu'il s'agissait d'un plaisantin. Rapidement, il entendit son valet lui crier :

— Majesté ! Majesté !

Il était tellement essoufflé et surpris par sa découverte qu’il manqua de trébucher dans les escaliers du palais en venant à sa hauteur.

— Ce jeune homme vient de vous déposer votre couronne, le diadème de chacune de vos filles, vos tableaux, les plats d’or et d’argent…

— Comment ? s’écria le roi. Mais il faut le rattraper ! J’avais promis de marier l’une de mes filles à celui qui me rendrait toute ma fortune, enlevé par cette satanée sorcière.

En remettant sa couronne sur la tête, le roi fut ému. Encore plus quand il redonna à chacune de ses filles, leur diadème.

Dans le même instant, Pierre rentra chez lui. Il trouva sa mère en pleurs dans la cuisine. Que s’était-il passé durant son absence ?

— Pierre ! Tu es là, mon grand !

— De quoi ? Mais, comment est-ce possible ? s’emporta Alexis.

— Pouvez-vous m’expliquer ce qu’il se passe, ici ? lâcha Pierre.

— Tes frères m’ont affirmé qu’ils t’ont vu mourir en te jetant dans les flammes de la grotte où l’on peut retrouver tous les trésors du roi.

— Parce qu’ils me surveillent ? S’étonna Pierre.

— Non, on s’inquiétait juste pour toi, s’enquit Louis.

— Ses flammes n’étaient qu’une illusion. J’ai pu rapporter au roi tous ces valeureux objets.

— Comment ? Mais tu es fou ! On aurait pu s’en servir pour les revendre ! s’emporta Alexis.

— Pour finir décapiter en place publique ! Ah, mon pauvre Alexis ! Ton avarice finira par te perdre !

Pendant qu’ils discutaient et retrouvaient ses proches, le roi du château du bois de Brocélianda envoya des serviteurs, chargés de retrouver le jeune homme ayant déposé le sac. On frappa à la porte de chaque maison, des chalets, des chaumières, des fermes, des autres palais. Enfin, on arriva dans la ferme de Judith. Le serviteur reconnut Pierre et lui ordonna de se rendre avec lui au château, dans un beau carrosse portant les armures du roi.

— Je peux venir ! osa Alexis.

— Vous n’êtes pas le jeune homme au sac ! rétorqua le serviteur. Donc, non.

Dégoûté, Alexis vit son frère partir et se laissa envahir par la jalousie. Arrivé au château, le roi accueillit Pierre dans ses bras et lui déclara :

— Fiston ! Grâce à toi, ce château a retrouvé sa joie de vivre ! Je t’invite à t’y reposer et te désaltérer. Ce soir, nous organiserons en ton honneur un bal et je te laisserai choisir la main de l’une de mes filles.

En rencontrant les princesses, Pierre tomba amoureux de la plus jeune des trois qui se nommait Gianna. En se retrouvant seul, dans sa chambre, il chuchota à sa bague :

— J’aimerais que cette jeune fille tombe amoureuse de moi.

Brusquement, le souverain qu’il avait délivré de la Tour du Dragon, apparut dans son dos pour lui dire :

— Pierre ! Tu devrais savoir que l’amour ne se commande pas !

— Majesté ! Je suis heureux de vous retrouver. La dernière fois que je vous avais vu, j’avais oublié de vous demander votre nom.

— Le nom d’une personne importe peu, Pierre. Ce qui compte avant tout est son cœur. La dernière fois, je t’ai offert un anneau réalisant tous les souhaits que tu désirerais. J’ai observé que tu en as fais bon usage. Aujourd’hui, je vais devoir te le reprendre, car tu es arrivé là où je souhaitais que tu sois.

— Comment ça ?

— Tu n’as pas besoin de cet anneau pour que la Princesse Gianna t’aime, car c’est déjà le cas.

— Comment pouvez-vous en être certain ?

— En vérité, je ne suis pas le roi du bois de Brocélianda. Un autre que moi joue parfaitement ce rôle. Je suis plutôt un enchanteur qui utilise la magie avant tout pour le bien. Pierre, tu m’as offert ma liberté qui pour moi, n’a pas de prix. Aujourd’hui, fais-moi confiance, va à ce bal, épouse la princesse Gianna, fais-lui de beaux enfants et soyez heureux jusqu’à la fin de vos jours tout en restant à l’écoute des pauvres gens.

— Je vous fais confiance.

— Bien, mon garçon. Bon, ce n’est pas tout, mais je vais avoir besoin de ton anneau. J’ai une vieille querelle avec une sorcière à régler. Une sorcière qui ne reprendra pas les joyeux trésors de ce château.

Pierre restitua l'anneau à l'enchanteur. Le soir venu, il se rendit au bal en son honneur. Là, il prit la main de la princesse Gianna et l'invita à danser. Avant de se retirer pour la nuit, la princesse lui offrit un doux baiser sur les lèvres. Fidèle à sa promesse, le roi permit aux jeunes amoureux de se marier une semaine plus tard. Cet événement réchauffa le cœur d'Alexis et Louis, qui tombèrent à leur tour amoureux des deux autres princesses. Judith, la mère de Pierre, était aux anges et exprima sa gratitude envers le souverain pour sa bonté.

Ainsi se termine mon récit, mes chers amis. Vous comprendrez que Pierre et Gianna vécurent heureux et eurent deux enfants merveilleux, un garçon et une fille, qui apportèrent la joie à tous. Judith, la mère de Pierre, quitta sa ferme pour s'installer auprès du roi. Malgré le confort que lui offrait cette nouvelle vie, son amour maternel pour son plus jeune fils resta inchangé. Elle en était convaincue : Pierre était devenu un Prince de cœur, un rôle qui lui convenait parfaitement.

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