La Tour du Dragon

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Il était une fois une veuve qui vivait avec ses trois garçons dans une ferme au pied des montagnes à l’est du bois de Brocélianda.

Alors que la neige commençait à tomber à gros flocons, Judith voulut cuire un pot-au-feu. Or, il n’y avait plus de bois pour alimenter son four.

Elle alla voir l’ainé de ses garçons et lui demanda d’aller ramasser quelques branches mortes dans le bois.

— Va, et ne sois pas en retard ! Je ne voudrais pas que tu te retrouves bloqué par la neige.

Alexis, qui lisait un ouvrage sur les aventures d’une certaine héroïne au nom de Justicia, n’avait aucune envie d’affronter le froid ou le vent glacial qui s’y trouvait dehors. Pourtant, il se leva pour faire plaisir à sa mère et sortit de la maison pour récupérer du bois.

Dehors, il marcha quelques mètres. Aveuglé par la neige, il chuta dans un trou immense. Enfoncé jusqu’au nombril, Alexis n’arrivait pas à s’extirper du fossé. Il s’acharna quand même comme un bœuf et finalement, sortit du trou, le souffle coupé. Épuisé par l’effort, il rentra chez sa mère en oubliant de rapporter du bois.

Les quelques buches qui demeuraient dans la ferme furent vite brûlées. Le cadet, Louis, s’en aperçut. Dehors, la neige continuait toujours de tomber. Malgré elle, il enfila des vêtements chauds et partit ramasser du bois.

Louis marcha d’un bon pas. En rapportant le bois, sur la route du retour, il aperçut une tour. Cela l’étonna. Il ne l’avait jamais remarquée auparavant. Il fit le tour de celle-ci pour trouver la porte, mais, quelle ne fut pas sa surprise ? La tour ne possédait aucune porte d’entrée. Comment était-ce possible ? Il refit le tour une nouvelle fois puis, en levant sa tête, il découvrit une lucarne juste au-dessous du toit. En regardant de plus près, il vit la tête d’un dragon crachant du feu vers le ciel.

Louis n’eut point peur. C’était un garçon courageux et rempli d’ambition. Le dragon l’aperçut. Il avait d’immenses yeux. D’une voix suppliante, il lui réclama :

— Hé, jeune homme ! S’il te plait, peux-tu venir à mon secours ? J’ai très soif et j’aimerais boire de l’eau ! Il y a une fontaine près d’ici.

— Vous parlez de la fontaine de Jouvence ? La princesse du bois de Brocélianda l’a mise hors service. Vous ne le savez pas ?

— Elle l’est pour tous ceux qui ne la connaissent pas ! Mais si tu t’y rends, tu trouveras une cruche près de celle-ci. Moi, je suis enfermé dans cette tour depuis longtemps et je ne peux pas en sortir tant que je n’aurais pas bu une goutte de la fontaine.

Louis tenta de réfléchir quelques secondes. Cette histoire avec cette fontaine était étrange. Devrais-je me méfier de lui ? songea-t-il.

— Et, qu’est-ce que je gagne en vous offrant de l’eau alors que vous avez l’air de ne cracher que du feu ?

— Oh, malheureux ! Comme tu le vois, je suis un dragon qui a été fait prisonnier injustement. Rassure-toi, je ne te ferai aucun mal. Je te demande juste un peu de charité à mon égard.

— Un peu de charité ? Avez-vous vu le temps qu’il fait ? Je suis désolé, mais je me dois de rentrer chez moi, car ma maison refroidit en attendant. Vous pouvez toujours vous réchauffer avec vos flammes, vous !

Louis reprit sa route. Soudain, il se prit les pieds dans une racine cachée par la neige. Il jura. Quelques mètres plus loin, il tomba dans un buisson de ronces qui le piqua aux mains, au visage, mais aussi aux genoux.

Tant bien que mal, il se releva. La douleur était si forte, qu’il retourna chez lui en oubliant son sac rempli de bois, pour aller se réfugier dans les bras de sa pauvre mère.

— Mais, que s’est-il passé ? demanda Judith.

— Je suis tombé sur un chasseur du temps dans le bois, affirma-t-il pour ne pas l’inquiéter. Il n’a pas voulu que je ramasse la moindre branche, mentit-il. Je suis désolé, maman.

— Qu’allons-nous devenir ? se lamenta la pauvre femme. Sans bois et sans nourriture, nous ne passerons pas cette période glaciale ! Quelle misère !

En écoutant sa mère, Pierre, le plus jeune des trois garçons, se leva. Il annonça :

— C’est à mon tour d’y aller, Maman. J’espère avoir plus de chance que mes frères. Je ferai tout pour te rapporter le bois qui te revient de droit pour te réchauffer.

Pierre, à son tour, revêtit ses bottes et des vêtements chauds avant de se munir d'un grand sac et de s'aventurer dans le bois de Brocélianda. La neige tombait drue, encore plus dense que celle que Louis et Alexis avaient affrontée.

Alors qu'il envisageait de rentrer chez lui, Pierre remarqua la haute tour, tout aussi étonné que son frère. Bien qu'il fût familier avec le bois de Brocélianda, il n'avait jamais remarqué cette étrange structure, absente dans toutes les cartes de Britannia.

Soudain, une lucarne s'ouvrit, et à sa grande stupeur, la tête d'un dragon en surgit.

— Hé, mon garçon ! S’il te plait, viens à mon secours. Je suis enfermé dans cette haute tour et je ne peux pas sortir d’ici.

— À ce que je vois, il n’y a aucune porte pour venir vous rejoindre. On vous a jeté un sort ? osa Pierre.

— Oui, on peut dire ça.

— Que puis-je faire pour vous aider ?

— Il y a une fontaine à deux pas d’ici. Tu y trouveras une cruche près d’elle. Remplie là. Et viens me l’apporter. Je meurs de soif.

— J’en ai pour une minute, s’enquit le jeune homme.

Avec gentillesse, Pierre alla chercher de l’eau à la fontaine. Il ne se posa aucune question à l’égard du dragon. Pierre était le préféré des trois pour Judith. Contrairement au prénom qu’il porte, il possédait une main sur le cœur avec tous ceux qui croisaient sa route.

En revenant avec l’eau, le dragon lança une corde. Pierre attacha la cruche à celle-ci. Avec mille précautions, le dragon remonta l’eau jusqu’à lui. Il remercia Pierre chaleureusement et retourna dans sa tour.

— Pauvre dragon ! Je n’aimerais pas être enfermé comme lui dans une tour si haute, dit Pierre à haute voix.

Il prit son sac. Puis, il se remit en marche afin de retrouver sa mère et ses deux frères. Mais soudain, au bout de quelques minutes, il entendit une voix.

— Pierre ! Pierre !

Le jeune homme avait beau se retourner, il ne voyait personne. En regardant au loin, il s’aperçut que la tour avec le dragon emprisonné n’était plus là. Brutalement, une voix se fit entendre dans son dos.

— N’aie pas peur, Pierre ! Je suis le roi du bois de Brocélianda.

Effectivement, le jeune homme faisait face à un homme plus âgé que lui, portant l’apparence d’un souverain. Il le laissa continuer sur sa lancée.

— Il y a bien longtemps, une sorcière m’a fait prisonnier dans une haute tour où je devais porter l’apparence d’un dragon. Tu as déjoué son sortilège en m’apportant de l’eau. Grâce à toi, j’ai retrouvé ma liberté. C’est pourquoi, pour te récompenser, je te donne cet anneau.

Pierre prit l’anneau avec délicatesse et l’enferma dans une petite bourse en cuir que lui offrit le roi.

— Ce n’est pas une bague ordinaire, mon garçon, continua le souverain. Elle est magique et pourra exaucer chacun de tes souhaits.

— Majesté, je vous remercie de cette gratitude.

Sur ces derniers mots, le roi disparut comme un fantôme. Était-ce un enchanteur ? Il l’ignorait.

— Mince, j’ai oublié de lui demander son nom, se dit Pierre.

Le jeune homme voulut reprendre son sac et quelle surprise ! Celui-ci vint se placer sur son épaule avec la légèreté d’un papillon. Judith fut très heureuse de le voir revenir avec autant de bois et de brindilles.

— Merci, mon garçon ! Il peut faire froid, ce n’est plus grave. Grâce à toi, nous aurons de quoi pour nous chauffer.

Judith rajouta quelques buches dans la cheminée et très vite, la bonne odeur du pot au feu cuisant dans le four, se répandit dans la ferme.

Alexis et Louis regardèrent leur frère. Comment avait-il pu réussir là où ils avaient échoué ?

— Maman a toujours préféré Pierre, entama Alexis à l’égard de Louis. Pourtant, il n’a pas l’air plus fort que nous. Qu’a-t-il de si particulier pour réussir tout ce qu’elle nous demande ?

— D’après maman, un cœur.

— Un cœur ? Parce que nous n’en avons pas, nous ?

— Si. Mais le sien est peut-être plus grand que le nôtre, avoua Louis.

— Je suis sûr qu’il doit utiliser une sorte d’enchantement contre nous alors que maman a horreur de ça !

— Arrête, Alexis. Tu délires ! Pierre n’est pas un sorcier. C’est notre frère !

— Et alors ? Rien n’a pu l’empêcher d’en croiser un, un jour, dans notre dos. Il a pu être formé par lui.

— Ou devenir sa victime en agissant pour lui sans le vouloir, ajouta Louis.

— Victime ou pas. Nous allons devoir le surveiller de près !

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