Juste-le-Bon et les sept fées

7 minutes de lecture

Il y a bien longtemps, dans les temps anciens où les contes et les légendes s'entremêlaient, un royaume autrefois paisible, celui de Morgata, se trouvait plongé dans l'ombre menaçante des gobelins. Le roi de ce royaume, autrefois prospère, observait avec inquiétude les nuages sombres qui s'amoncelaient à l'horizon. Depuis les remparts de son château, il contemplait ses chevaliers s'entraîner dans la cour, une cour emplie de gravité alors que la menace gobeline planait au-dessus de leurs têtes.

Un jour, alors qu'il scrutait l'horizon avec une anxiété palpable, le roi murmura à voix basse : « Ô Saint-Père de Britannia, si seulement ma femme pouvait me donner un fils... Un fils qui pourrait apporter la lumière dans ces temps sombres. Un fils que je nommerais Juste-le-Bon, pour incarner la justice et la droiture que notre royaume mérite. »

Neuf mois passèrent, et le destin du roi fut scellé dans un acte de bravoure alors qu'il défendait son royaume contre les gobelins. Cette même nuit, sa reine mit au monde un fils, Juste-le-Bon, un enfant destiné à porter sur ses épaules le poids des espoirs de tout un royaume.

Un an plus tard, dans un acte désespéré pour mettre fin aux hostilités, la reine épousa le roi des gobelins. Le nouveau Roi content de sa victoire et de sa nouvelle conquête, possédait un miroir magique.

— Miroir, mon doux miroir, dit-il. Dis-moi, qui est le plus juste du royaume ?

Et le miroir répondait toujours :

— Mais, c’est vous Majesté.

Au fil des années, Juste-le-Bon grandit, imprégné des valeurs de justice et de compassion que lui avait transmises son défunt père. Pendant ce temps, le miroir magique du roi gobelin commença à révéler une vérité troublante : Juste-le-Bon était l'incarnation vivante de la justice, bien plus que son beau-père ne l'avait jamais été.

Irrité par cette révélation, le roi gobelin se tourna vers une sorcière sombre, cherchant un moyen de se débarrasser de son rival. Un jour, alors que Juste-le-Bon et son amie Blanche se promenaient dans la forêt, ils furent attaqués par la sorcière, déguisée en ours. Mais Juste-le-Bon, courageux et déterminé, protégea Blanche des griffes de la bête, prêtant peu d'attention à ses propres blessures dans l'action. Il tomba dans un ravin en sombrant dans l'inconscience. Blanche voulut le secourir mais la sorcière arriva trop rapidement à ses côtés en l’accusant :

— Vous avez tué le Prince du royaume de Morgata !

— Mais non ! C’est faux !

— Si, je vous ai vu ! Le roi me connait et vous condamnera à mort !

— Je vous en supplie, laissez-moi la vie sauve ! déclara la jeune femme.

Elle n’avait nul besoin de la supplier. La sorcière voulait seulement se débarrasser d’elle. Alors, elle la transforma en une petite souris sans défense. Puis, elle revint au château pour annoncer au roi, la terrible nouvelle. La reine, en apprenant la perte de son seul et unique enfant, mourut de chagrin.

Juste-le-Bon se réveilla au beau milieu de la nuit, enserré dans un écheveau d'épines qui pénétraient cruellement sa peau. Dans l'obscurité oppressante, il sentit une lueur étincelante se matérialiser devant ses yeux fatigués.

— Bonjour, je suis une fée des montagnes de Morgata. Laisse-moi t'extirper de cet embarras, murmura la voix douce de cette créature alors qu'elle agitait sa baguette magique.

D'un geste fluide, elle fit disparaître les épines qui emprisonnaient Juste-le-Bon, lui procurant un soulagement instantané.

Reconnaissant, le jeune homme s'inclina devant la fée.

— Que puis-je faire pour te remercier ? Tu as été si généreuse envers moi ! s'exclama-t-il.

La fée sourit, ses yeux brillant d'une lueur malicieuse.

— Saurais-tu remettre en état la charpente d'une maison ? demanda-t-elle. Notre magie ne suffit pas à la rendre suffisamment robuste, et chaque coup de vent menace de l'emporter.

Sans hésiter, Juste-le-Bon acquiesça.

— Bien sûr ! Je ferai de mon mieux pour vous aider.

Accompagné de la fée, il s'enfonça dans la forêt sombre jusqu'à une petite clairière où se dressait une modeste maison dépourvue de toit. À leur arrivée, six autres fées émergèrent des ombres et se présentèrent à lui. Juste-le-Bon leur narra son histoire avec gratitude, partageant les défis qu'il avait surmontés et les épreuves qui l'attendaient.

À la fin de son récit, les sept fées échangèrent un regard chargé de préoccupation.

— Sois prudent ! mirent-elles en garde d'une voix harmonieuse. Jusqu'à présent, aucun ours n'avait été repéré dans cette forêt. Il semble que quelqu'un t'en veuille vraiment.

En effet, le roi des gobelins qui croyait s’être débarrassé de son beau-fils interrogea une nouvelle fois son miroir. Sa déception fut immense et sa colère redoubla lorsqu’il apprit par celui-ci :

— Juste-le-Bon qui réside chez les sept fées est mille fois plus juste que vous !

Sans perdre un instant, il décida d'éliminer lui-même son beau-fils. Il se dirigea vers la maison des sept fées, ignorant leur absence car elles étaient parties aider des nains dans le village de Dirum. Pendant ce temps, Juste-le-Bon s'affairait sur le toit de la maison, réparant la charpente avec diligence, ignorant les ténèbres qui s'approchaient furtivement.

Sous le déguisement d'un humble bucheron, avec des mots doux et des promesses trompeuses, il tendit au jeune prince une bouteille de jus de pomme empoisonné, dissimulant habilement sa véritable intention derrière un masque de bienveillance.

— Prends, jeune homme, dit-il d'une voix mielleuse. Ce jus de pomme te redonnera des forces pour terminer cette charpente.

Méfiant, Juste-le-bon lui demanda de partir. Le bucheron rétorqua :

— N’aie pas peur, voyons ! Je souhaite juste un peu de compagnie. Ce bon jus de pomme arrive des vallées de Camora. Regarde, je vais même en boire devant toi, si cela peut te rassurer. Et si tu le désires, après je viendrai t'aider dans ta tâche. Entre Britanniens, il est important de s'entraider.

Innocemment, Juste-le-Bon accepta la bouteille et but quelques gorgées du liquide empoisonné. Un frisson parcourut son corps alors que le poison se répandait dans ses veines, le plongeant dans un sommeil profond dont il ne se réveillera pas sans trouver l'amour. Mais comment le pourra-t-il en restant endormi ?

Ainsi, dans l'ombre de la forêt, le destin de Juste-le-Bon bascula sous le coup de la trahison et de la tromperie. Le roi des gobelins célébra enfin sa victoire personnelle. Il s'était enfin débarassé de son seul rival. Il retrouva son apparence et retourna par l’intermédiaire d’un portail magique dans son royaume. Lorsqu’il posa la question à son miroir, celui-ci lui répondit :

— Vous êtes le plus juste du royaume, Majesté !

Le soir venu, les fées découvrirent le corps inerte de Juste-le-Bon. Elles le veillèrent avec tendresse, gardant espoir qu'un jour il se réveillerait. Elles pleurèrent plusieurs jours et se décidèrent à lui construire un formidable cercueil de verre pour pouvoir continuer à admirer sa juste valeur.

Le jeune homme était si beau qu’on aurait pu croire qu’il dormait. Les fées gravèrent en lettre d’or « Juste-le-bon » sur le cercueil de verre. Elles le déposèrent au cœur de la forêt en le veillant à tour de rôle aux côtés des animaux.

Des mois passèrent, érodant lentement le voile de tristesse qui enveloppait le cercueil de verre où reposait Juste-le-Bon. Un jour, une petite souris égarée vint gratter timidement à la surface du verre. Les fées, maîtres du langage des animaux, perçurent son appel silencieux à l'aide et agirent rapidement. D'un geste habile, l'une d'elles brisa le sortilège qui retenait Blanche captive dans sa forme de rongeur, la libérant ainsi de son emprisonnement magique.

Reconnaissante envers les fées pour leur acte de générosité, Blanche demanda timidement la permission d'embrasser le jeune homme allongé dans le cercueil de verre. Les fées, étonnées par cette requête, interrogèrent Blanche sur sa relation avec Juste-le-Bon.

— Vous le connaissez ? s'étonnèrent-elles.

— Oui, je le connais. Il s'appelle Juste-le-Bon, répondit Blanche avec émotion. Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais osé lui avouer mes sentiments.

Intriguées, les fées interrogèrent Blanche sur son identité et sa situation.

— Comment vous appelez-vous ? demandèrent-elles.

— Je m'appelle Blanche. Juste-le-Bon ignore que je suis une princesse d'un petit royaume. J'ai toujours désiré être aimée pour ce que je suis et non pour mon titre.

Les fées exprimèrent leur inquiétude quant à l'absence prolongée de Blanche de son royaume.

— Votre royaume doit s'inquiéter de votre absence, remarquèrent-elles.

— Non, loin de là, répondit Blanche avec un sourire tendre. Mon père m'a ordonné de revenir lorsque j'aurai trouvé la main de mon prince charmant. Et il est là, en cet instant, devant moi.

Les fées restèrent silencieuses, absorbant les paroles de Blanche avec émerveillement. Cependant, leur étonnement se transforma en stupéfaction lorsque Blanche embrassa Juste-le-Bon et que celui-ci s'éveilla soudain de son sommeil magique.

— Où suis-je ? demanda-t-il, désorienté par son réveil.

— Je vais tout t'expliquer, mon amour, répondit Blanche avec douceur.

Juste-le-Bon, surpris par les mots de Blanche, posa la question qui brûlait sur ses lèvres :

— Ce n'est donc plus un rêve. Tu m'aimes ?

Blanche sourit, ses yeux pétillant d'affection.

— Seul un baiser pouvait rompre ce sort. En te réveillant, tu m'as affirmé que les sentiments que je ressens à ton égard sont réciproques.

Et c'est ainsi, mes chers amis, que Juste-le-Bon et Blanche, unis par un amour aussi puissant que magique, s'unirent dans le mariage. Malgré les ténèbres qui avaient jadis assombri leur chemin, ils trouvèrent la lumière et la félicité dans les bras l'un de l'autre. Et tandis que le roi des gobelins fuyait devant la justice du nouveau prince de Morgata, les décennies suivantes furent bercées par la quiétude et la joie, même si dans l'ombre, un gobelin malveillant guettait l'opportunité de se venger.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Ludovic Kerzic ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0