Le mariage d'Elmyra

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Il y a bien longtemps, dans le village de Mélona, une jeune elfe répondant au nom d’Elmyra attirait l'attention de nombreux prétendants. Cependant, pour avoir l'opportunité de passer du temps en sa compagnie, les jeunes hommes devaient d'abord obtenir l'approbation de sa mère, surnommée Thaola la Riche. Celle-ci était réputée pour son avidité et les prétendants se devaient de lui offrir quelques présents en échange de l'autorisation de courtiser sa fille.

Thaola la Riche ne se souciait guère des tâches domestiques, laissant ces corvées à sa fille. Son loisir principal était la lecture. Lorsqu'elle estimait qu'un entretien entre un jeune homme et Elmyra avait duré suffisamment longtemps, elle n'hésitait pas à intervenir, prenant le prétendant par l'oreille pour le renvoyer chez lui. Dotée d'un caractère fort, on murmurait même qu'elle possédait dans ses veines quelques gouttes de sorcellerie. Mais était-ce vraiment le cas ? Cette question demeurait sans réponse pour tous.

Mais un matin, en renvoyant un jeune elfe de sa demeure, la mère d’Elmyra prononça avec assurance :

— Adieu, beau parleur ! Garde tes beaux yeux pour une autre demoiselle. Elmyra est promise au fiancé du bassin d’or. C’est-à-dire à celui qui offrira en dot à son mariage le bassin pratiquant l'alchimie.

— Où puis-je trouver ce bassin d’or ? demanda le jeune elfe.

— Tu le trouveras au château du Bois de Brocélianda ! Il te suffit de suivre ce chemin. Il te mènera droit à lui, ajouta-t-elle en désignant la route.

Sur ces paroles, Thaola la Riche ferma la porte de sa maison, laissant le jeune elfe seul.

Parfois, les courtisans préféraient retourner chez eux. D’autres s’aventuraient dans le Bois de Brocélianda, mais n’en revenaient jamais. Il y avait aussi ceux qui consultaient un sorcier. Celui-ci les envoyait à la recherche de la Rose d’Or, une rose magique leur permettant de se téléporter instantanément. Mais eux non plus ne revenaient jamais, laissant Elmyra s’ennuyer et se morfondre, craignant que sa mère ne la condamne à rester vieille fille.

Pourtant, un soir, un étranger arriva dans le village de Mélona. Il était sabotier, un métier transmis de génération en génération dans sa famille. Il venait de Camora. Son nom était Bastian, et il ignorait tout de sa mère. D’après son père, elle était amazone dans la forêt de Camora. Elle avait donné sa vie lors d’une bataille pour sauver sa tribu. Lorsque son père décéda, Bastian se retrouva orphelin sans autre héritage qu'un visage agréable à percevoir. Il quitta Camora pour parcourir le vaste monde de Britannia, refusant de se résigner pour une vie passée à fabriquer des sabots. À ses yeux, la vie valait bien plus que de simples efforts pour survivre.

Alors qu'il passait devant la demeure d'Elmyra, la jeune elfe était à sa fenêtre, rêvant du prince charmant qui la libérerait des griffes de sa mère. Le temps était radieux, les nuages flottaient dans le ciel et les oiseaux chantaient. Elle humait le parfum des fleurs, prêtes à accueillir de nouveaux visiteurs ailés pour produire un miel délicieux.

Épuisé par sa marche, Bastian fit une halte devant la maison d'Elmyra et la salua poliment. S'installant sur une pierre, il prit son repas et engagea la conversation avec la jeune fille. La mère d'Elmyra étant absente, ils purent discuter en toute liberté, sans aucun témoin. C'est ainsi que Bastian apprit le malheur de la jeune fille, contrainte de demeurer cloîtrée chez elle.

En l'examinant de plus près, il la trouva ravissante et sa voix était mélodieuse. En quittant Camora, il n'avait guère envisagé de trouver l'amour sur son chemin. Apparemment, Elmyra succomba à son charme et lui expliqua tout ce qu'il devait faire s'il souhaitait l'épouser.

— Prends cet anneau, lui dit-elle. Garde-le toujours avec toi. Il te permettra de revenir du château du Bois de Brocélianda, si tu t'y rends.

Bastian prit l'anneau et le glissa à son annulaire gauche. Au moment de partir, il se dirigea vers le Bois de Brocélianda. À la tombée de la nuit, il se confectionna un modeste lit de fougères et s'y endormit dessus jusqu'à l'aube.

Au réveil, il fut surpris de découvrir un magnifique oiseau bleu perché sur une branche au-dessus de lui. Il l'admira un instant, jamais il n'avait vu un tel spécimen. Puis, se levant, il décida de suivre le chemin qui s'offrait à lui. L'oiseau bleu s'envola en battant des ailes, l'incitant à le suivre. Intrigué, Bastian se lança sur une route qui semblait surgir de nulle part. Tout en suivant l'oiseau, il tailla une branche de houx pour en faire une croix. Bientôt, à travers les grands arbres, il aperçut non pas un château, mais un manoir.

« C'est étrange », pensa-t-il. « Cette demeure ne figure sur aucune carte de Britannia. Je pensais qu'il y avait un château par ici. Peut-être est-ce celui-ci. En tout cas, je ne l'imaginais pas du tout ainsi. »

Bastian s'avança, mais fut frappé de terreur en voyant que certains murs du manoir mesuraient au moins cent pieds de haut. La porte étincelait sous les rayons du soleil. Avant d'atteindre la cour de cette demeure sinistre, il aperçut un nain noir au-dessus du portail. Doté d'un seul œil au milieu du front et d'un second derrière la tête, ce nain hideux tenait une lance dans sa main. Bastian, prenant son courage à deux mains, continua son avancée vers l'entrée du château, à deux cents mètres de là. En approchant du nain, la lance de celui-ci s'allongea si soudainement que Bastian faillit en être transpercé. Heureusement, il avait tendu en avant son bras armé de sa petite croix de houx sculptée quelques heures auparavant, pour se protéger.

Le nain noir demeurait immobile, mais sa lance bloquait désormais le passage de Bastian. Toujours accompagné de son bel oiseau bleu, Bastian commença à chanter quelques cantiques en l'honneur du Triskelisme, la religion répandue dans les contrées de Britannia. L'oiseau bleu siffla et agita ses ailes, incitant Bastian à poursuivre. Décidant d'interpréter une chanson issue de la vallée des fées, « D'un bout du monde à l'autre », Bastian remarqua que le nain noir semblait apprécier cette mélodie.

Après quelques minutes, le nain se mit à danser, ravissant Bastian qui répéta la chanson à plusieurs reprises. Le jeune homme, voyant le nain s'amuser, saisit alors la lance qui était tombée à ses pieds. Menaçant le nain de sa lance, celui-ci, effrayé, perdit pied et chuta du mur où il se trouvait.

S'approchant du petit être, Bastian réalisa qu'il était mort. Il découvrit également un trousseau de clefs accroché à sa ceinture noire, comprenant qu'elles devaient ouvrir le portail du manoir. Utilisant une des clefs, il pénétra dans la cour. Celle-ci était négligée, envahie par les mauvaises herbes. Mais le plus terrifiant restait l’hydre attaché au milieu de la cour. L’hydre est un dragon qui possède trois têtes. Celui-ci crachait d'immenses flammes. Il gardait les ossements des prétendants d'Elmyra. Comment atteindre le bassin d'or avec cette créature menaçante ?

Malgré la lance du nain, Bastian la trouva trop lourde pour être utilisée. Puis, une idée lui vint. Il offrit une galette au dragon pour le distraire, puis, récupérant le bout pointu de la lance cassée, il l'enveloppa dans la deuxième moitié de la galette. Présentant la gourmandise au dragon, il lança l'arme dans l'une de ses gueules. Les yeux du monstre s'illuminèrent et des flammes surgirent. Effrayé, Bastian se réfugia derrière les remparts du manoir.

L'agonie du dragon attira des corbeaux. Le lendemain, le dragon était mort. Bastian, bravant ses peurs, accéda au manoir et trouva le bassin d'or, mais l'oiseau bleu lui indiqua de partir. S'enfuyant avec le trésor, Bastian pleura de joie sur le chemin du retour. Quand il se retourna pour regarder le manoir, il ne restait plus qu'un tas de cendres.

Le bel oiseau bleu l’aida à retrouver son chemin. Il le quitta lorsqu’il reconnut la maison d’Elmyra. Il tapa à la porte de Thaola la riche et quand elle lui fit face, Bastian déclara :

— Voici le bassin d’or, comme dot pour le mariage de votre fille. Désormais, tenez votre promesse et donnez-la-moi pour que je puisse l’épouser.

— Thaola la riche n’hésita pas un seul instant. Elle saisit le bassin d’or et lui donna sa fille en annonçant :

— Prends là et épouse là ! Je ne reviendrai pas sur ma décision !

Et c’est ainsi, mes chers amis, que l'orphelin du paisible village de Camora unit sa destinée à celle de la belle Elmyra de Thaola la Riche. Les habitants de Mélona et de Camora se rassemblèrent pour une fête de mariage qui s'étendit sur trois jours. Quant à Thaola la Riche, malgré ses efforts à remplir son bassin d'or de pièces de toutes sortes, cela ne changea rien. Déçue et affligée d'avoir été dupée, elle succomba à son chagrin, laissant ainsi à sa fille et à son gendre l'immense fortune qu'elle avait accumulée avec avidité.

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