Ils burent leurs thés assez rapidement. Rogers songea à un prétexte quelconque pour prendre congé de ce qui ressemblait apparement à une farce organisée à son encontre, mais n'en trouva aucun de valide. Au cours de leurs brefs échanges durant cette pause, il chercha la présence d'une caméra dissimulée quelque part dans la pièce qui scrutait la moindre de ses expressions pendant que Sanders essayait de le convaincre. Peut-être que ce dernier, quoiqu'il ait fait maintes fois appelle à ses services pour les cas de ce genre, avait eues une soudaine envie de se payer sa tronche, entre amis quoi. Qui sait, allez savoir. Détends toi Derky, ce n'était qu'une blague... Dans tous les cas, ce dernier lui proposa, ainsi qu'à Zarckov, de l’accompagner au labo où la disparition avait eu lieu.

En route, Sanders leur fit un compte-rendu du malaise qui régnait dans la firme depuis que tout ça - l'extraordinaire disparition - s'était produit, et sur le comportement étrange du principal concerné, Alexis Gaver, au cour des derniers jours dans la firme avant sa disparition.

Ce dernier était le programmeur en chef de la section étude, et bossait sur les capacités évolutif d'un système auto-reproductible virtuel. Il avait réussi à mettre au point un algorithme révolutionnaire qui boostait les performances de leur moteur de jeu actuel, offrant ainsi à leur IA une capacité d'autonomie suffisante pour s'auto-gérer elle-même. Ce fut grace à cela qu'ils se lancèrent dans des investissements matériels plus conséquents afin d'adapter les patterns d'algorithmes qu'ils utilisaient alors jusque là, à ce nouveau schéma. Sanders avoua qu'il avait, à ce moment-là, sentit arriver de bonnes choses pour sa boite, ainsi que pour son statut de leadership dans le domaine de la réalité virtuelle.

D'après le témoignage de ses collègues de travail, les jours suivant sa découverte, Gaver était sorti complètement désorienté d'un module d'immersion qui avait été adapté pour les exigences poussées de son algorithme. A ce moment-là, son visage était en proie à toutes sortes d'émotions contradictoires et son regard était devenu inquiétant. Et voilà ce qu'il dit à tous ceux qui se trouvait dans la pièce : "La voilà maintenant capable de répliquer d'une manière absolument incroyable notre propre mondes".

Par la suite, il aurait commencé à perdre de plus en plus pied au point que son assistant - un stagiaire - fut découvert bâillonné, pieds et mains liés dans un placard à balais. Le jeune homme, une fois libérré de ses liens, aurait raconté qu'il avait été assommé par derrière pendant qu'il bossait. D'après lui, il ne pouvait s'agir que de Gaver avec lequel il se trouvait ce jour-là, et auquel il avait, à mainte reprise, senti son regard dérangeant se posait sur lui.

Sanders marqua un arrêt à quelques mètres de l’ascenseur et se tourna vers lui.

— Alexis était quelqu'un de peu bavard en temp normal. À en croire ceux qui eurent affaire à lui, il était comme un enfant découvrant quelque chose d'exceptionnel en partie lié à l'utilisation de son algorithme par l'I.A.

Sanders fit une pause, inspira, puis reprit :

— Il aurait fini par avouer aux oreilles attentives - ses collègues l'évitaient de plus en plus durant cette période - qu'il avait trouvé le moyen d’accéder à travers la création de l'IA, à des lieux dont la probabilité d'existence était le sujet de toutes sortes de théories sur la toile. Des lieux... ou des mondes parallèles selon ses dires.

— Des mondes parallèles, rien que ça. S'écria Roger. Sérieusement ?

— Telle que je vous le dis, monsieur Derky ! Et toujours d'’après ses collègues, il leur aurait confié être capable de prouver que c'était là depuis l'aube des temps. Je vous laisse imaginez les répercussions sur la réputation de CORTEXs si ce genre d'affaire s'ébruitait.

— Au niveau réputation, ça n'a pas l'air d'être le top en ce moment, en ce qui vous concerne.

— On fait le nécessaire pour que cette histoire n'aille pas plus loin qu'elle ne le devrait. Ce gars a divulgé des informations alors que son contrat stipulait la confidentialité total de ses activités parmi nous. Il devra rendre compte de ses actes. Je n'ai rien d'autre à dire dessus.

— Ouais, mais on est bien au courant que...

Il percu un crispement presque imperceptible en Sanders.

— On en a déjà parlé. Vous faites votre job sans poser de question jusqu'à qu'on sache à quoi s'en tenir.

Ce dernier reprit son monologue sur Gaver.

— Donc, en ce qui concerne notre affaire, Alexis se serait délibérément isolé de son entourage. Il se serait livré à un rituel allant du labo à son domicile, n’adressant la parole qu’à quelques rares employés qui croisaient son chemin. Toujours selon son assistant, la seule fois où ils le virent sortir de son mutisme, ce fut pour demander à ce qu'on l'aide à calibrer un casque de sa conception. Ensuite, il se serait enfermé dans son labo pour le restant de la journés ainsi que les jours qui suivirent.

— Quel genre de casque ? Roger paraîssait absorbé par ses pieds tout en disant cela. Quelque chose l'ennuyait.

— Sans importance pour le moment. Je vous en direz plus, plus tard.

Leur conversation continua dans l'ascenseur. Robert remarqua quelque chose d'étrange pendant qu'ils descendaient en direction du labo du développeur. Un contat qui se faufilait de manière pernicieuse dans ses pensées alors qu'il n’entendait déjà plus les paroles de Sanders et de Zarckov parlant entre eux. Seul ce détail insolite, voir impossible, captait maintenant toute son attention. Il ne comprenait pas comment cela fusse possible.

Ce n'était pas au sujet du cas de Gaver, mais de ses chaussures ainsi que celles de Sanders ou de Zarckov sur le sol du couloir jusqu'à celui carrelé de l'ascenseur. Le bruit de leurs pas étaient comme étouffé, voir absent par moment.