L'étrange module

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— Monsieur Derky ! Tout va bien ?
Roger se tourna vers Zarckov, un demi sourire feint.
— Oui, pourquoi ? Mise à part lutter contre des éléments qui menaçaient sa raison, tout va bien. L'effet pieds silencieux se dissipait tandis qu'ils se rendaient, à travers les couloirs d'un étage situé dans le sous-sol, vers la section étude et recherche ou Gaver travaillait avant de disparaître.

Une fois sur place, il retrouva le décor qu'il avait arpenté de nombreuses fois au cours de ses activitées précédentes. Des armoires murales électriques affichaient une batterie de clignotants qui s'allumaient et s'éteignaient de manière désordonnées. A quelques mètres d'eux, au centre de l'atelier, se trouvait une rangée constitué de quatre modules d'immersion. Roger remarqua que trois d’entre eux étaient occupés par des personnes endormis, apparement en phase de test. Le quatrième module était vide, et maintenu en position verticale par deux bras métallique articulé. Il semblait différent des autres.

— Vous continuez vos tests malgré tout ça ! s'étonna t-il.

— Je n'ai pas le choix, répondit le patron de la boite, mal à l'aise. On a besoin de connaître le seuil de dangerosité des capacités de l'IA afin de reporter la date de lancement du jeu. Vous savez... dans le cas ou un potentiel risque sur la santé mental des joueurs était établi.

— C’est celui de votre gars ? Continua Rogers en désignant le module vide.

Sanders lui fit signe de le suivre. — Venez voir de plus près afin de vous faire une idée.

Roger hésita, scrutant l'objet avec méfiance.

— Qu'est-ce qu'il a de si particulier ?

— Voyez par vous-même.

Il s'approcha de la capsule vitrée, longiligne, élaborée pour une personne adulte. Des câbles de toutes sortes sortaient du module, en direction de connections murals. Au plus près, il discerna, posé sur la partie tête d'un support matelassé, un casque avec des sangles crâniennes, doté de chaque côté de deux électrodes de forme circulaire. Un arc électrique crépitait silencieusement entre les deux.

— Vous en pensez quoi, monsieur Derky ?

Zarckov s'adressait à lui depuis l'entrée.

— Ce gars avait l'air de savoir ce qu'il faisait, lui répondit -il.

— Bien vu, répliqua Sanders en se rapprochant de lui. Comme vous pouvait le constater, c'est un module différent qui nous sert pour des tests régulier. Les éventuelles améliorations sur celui-ci seront, par la suite, installées sur les autres graduellement. De toute évidence, Gavert se l'est approprié sans qu’aucun de nous ne s’en aperçoive.

— On dirait bien. Que faut-il en conclure ? reprit Roger, l’air soucieux.

— Vous dire que tout ça est complètement délirant, et c’est le cas, ne nous aidera pas. Sanders hésita un instant avant de continuer.

— La situation est plus compliquée que cela.

— Vous croyez vraiment qu'il a disparu en se dématérialisant dans ce module ? Rétorqua Roger, incrédule. On parle bien d'un corps d'homme, de matière, vivant dans une réalité bien réelle ! Dites-moi si je me trompe.

Sanders et Zarckov semblaient s'être figés dans l'instant. La sensation étrange ressenti dans l’ascenseur se manifestait de nouveau. Cette fois-ci, il ne s’agissait plus du bruit de ses pieds dans le sol, mais du son sortant de sa bouche, qui se diluait dans le vide. L'avaient-ils entendu ?

— Arretons ce petit jeu, vous voulez bien ! se dit-il à lui-même, priant que cette affreuse sensation disparaisse. Vous comptez me faire croire que ce… machin permet de passer dans une autre dimension !

Sanders et Zarckov se réanimèrent en même temps.

— Monsieur Derky, la science ne cesse de démontrer que notre réalité ne semble pas aussi consistante qu’on le croit. Elle se compose de particules d’énergie qui s’assemblent et se désassemblent en permanence sous l’action de différentes forces qui modifient ses vibrations…

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, reprit Roger, quelque peu tendu.

— Ces particules peuvent-être de nature mécanique, magnétique, électrique ainsi que thermique. Ou venant de l’homme si celui-ci s’est suffisamment entraîné.

— Qu’insinuez-vous par suffisamment entraîné ? Le discours de Zarckov le mettait mal à l’aise. Il se sentit de nouveau nauséeux, comme dans le taxi.

— L’homo sapiens peut franchir les ouvertures donnant sur d’autres lieux en exerçant son mental à accepter ce fait comme naturel. Connaissez-vous les neutrinos, monsieur Derky ?

— Pas du tout, mais continuez.

— Ce sont des particules de masse nulle dénuées de charge électrique qui ont été détectées récemment par nos scientifiques. Ils se sont rendu compte que celles-ci traversaient la matière dense sans aucune entrave particulière.

Zarckov cessa de parler pour l’observer un instant, puis reprit.

— Pour faire court, monsieur Derky, poursuivit-il afin de conclure, si nous n’avons pas conscience de ces autres réalités, c’est dû au fait que notre mental n’est pas entraîné à les voir, si vous saisissez ce que je veux dire. Et pour nous éviter de perdre du temps, nous pensons que même si cela semble incroyable, il se trouve pourtant que l’un des ingénieurs de CORTEX y est parvenu. Comment s’y est-il pris ? Personne ici n’en a aucune idée. Voilà tout ce que l’on sait pour le moment.

Roger resta sans rien dire, considérant tour à tour Sanders et Zarckov, puis la petite étincelle qui grésillait entre les deux électrodes du casque. Une image se superposa à l’arc électrique. Une image où il voyait Cheveux-gras l’observer à travers un rétroviseur.

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