Mes très chers amis poètes, saints, navigateurs et héros

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« Bien, messieurs. Nous allons commencer, comme vous le savez, cette première leçon de statistiques. Je serai votre professeur pendant toute la durée du cours. Je sais que les premiers jours, vous aurez envie de faire connaissance avec moi, mais surtout, avec vos charmants et charmantes camarades de classe. Dommage pour vous, l'automne va arriver, ce qui veut dire que la température va aussi chuter. Donc les hormones... Bien. Revenons à nos moutons, nous allons passer de nombreuses, belles et longues journées de classe tous ensemble. Pour cette raison, vous savez que vous ne pouvez rien me cacher, que moi aussi, en une époque, désormais paléolithique, j'ai été un jeune et frêle étudiant comme vous, je voudrais que vous respectiez quelques règles de politesse faciles à retenir ; je ne suis pas quelqu'un de compliqué, je ne m'énerve pas si vous arrivez un peu en retard, je ne suis pas non plus intransigeant lorsque vous êtes fatigués et que vous ne travaillez pas ; mais il y a une chose que je n'aime vraiment pas. »

Baissant la tête pour se regarder en train de se tourner les pouces, il nous fait comprendre quelle est la chose qui lui fait horreur : les téléphones.

« Je reconnais ce regard, lorsque vous vous regardez entre les jambes. Les gars ! Vous n'avez rien de merveilleux à cet endroit. Je peux vous le garantir. Vous n'êtes pas Rocco Siffredi. On ne sait jamais que l'un d'entre vous soit hors catégorie... Ce dont je doute fortement. Donc, s'il vous plaît, abstenez-vous, au moins pendant le cours de statistiques, de trifouiller, farfouiller, bidouiller, tapoter ou faire quoi que ce soit avec votre téléphone ou autre engin assimilable à un téléphone. »

Ayant magistralement exposé ses conditions quant à l'utilisation des supports technologiques et autres tracasseries téléphoniques, son regard traverse la salle pour avoir l'approbation populaire de mettre en œuvre les mesures mises en place pour contrer la montée inquiétante de ces distractions pendant le cours de statistiques.

« Parfait ! Maintenant que nous nous sommes tout dit, du moins une grande partie, faisant de nous presque des amis intimes, j'ai une dernière chose à vous faire savoir avant de débuter la partie la plus intéressante d'aujourd'hui, c'est-à-dire, commencer la leçon, et cette dernière, toute petite chose, est, si possible, de ne pas trop faire de bruit pendant que je parle et, logiquement, d'écouter lorsque je parle, parce que c'est important. »

En plein milieu de son discours, monsieur le professeur s'éloigne de l'avant de la classe et longe le mur sur les côtés, à l'affût de quelque individu suspect.

« À mon époque, il y a bien des années de cela, c'était souvent dans le fond que ça suivait moins bien le cours. C'était là que se regroupaient, qui sait, les membres les moins intéressés, ceux avec la moins grande attention de la classe, ceux qui lisaient le journal, à mon époque... La Loge, comme je m'amuse parfois à l'appeler. Mes chers amis de la Loge. Comme je suis particulièrement affectionné à vous, il se pourrait, de temps en temps, que je fasse un petit tour par ici, par simple visite. »

La visite terminée, le professeur retourne à l'avant de la classe.

« Voilà ! Nous pouvons, enfin, entrer dans le vif du sujet. Les statistiques... certains d'entre vous détestent peut-être le sujet, tandis qu'une fraction différente de la classe les adore, la majorité est curieuse, les minoritaires en ont peur et les rebelles s'en moquent... Ceci dit... je vais m'adresser tout spécialement à cette portion de la classe, parmi vous, qui tient une place très importante dans mon cœur, plus que mes copains de la Loge, ceux avec qui je partage énormément de choses en commun.

Mes très chers amis poètes, saints, navigateurs et héros. Vous-mêmes qui avez tant souffert en mathématiques, vous qui préfériez les beautés du latin et du grec ancien, qui aviez une très grande sensibilité envers la poésie, qui avez appris par cœur tous les textes de Racine, Corneille, Molière... mais aussi les œuvres de Shakespeare, Pétrarque, Dante, Gœthe... ainsi que les récits épiques d'Homère, ces héros de la mythologie grecque...

Moi aussi j'ai fait une filière littéraire. Vous aussi vous pourrez y arriver, malgré votre immense sens du lyrisme et votre incorrigible romantisme. Donc, écrivez bien tous en gros, en gras, surligné, souligné, encadré deux fois, écrivez au stylo rose si vous voulez. Si vous êtes une fille, évidemment, si vous êtes un garçon et que vous écrivez au stylo rose... ça risque d'être un peu embarrassant pour vous. Quoique aujourd'hui on en voit de toutes les couleurs, ce qui ne veut pas dire que je traite d'homosexuels ceux qui écrivent au stylo rose, mais bon, moi, vous savez, je suis encore de la vieille école.

Assez digressé comme ça ! Ce qu'il faut que vous vous disiez dès maintenant, c'est ceci : les statistiques... tout ce que nous allons voir ensemble lors de nos séances de classe, vous suffira pour affronter sereinement la matière, jusqu'à la fin de votre vie ! Y compris mes très chers amis poètes, saints, navigateurs et héros. »

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