— Quelqu’un nous a volé ta mère. Je suis certain que ce sont ces maudites sorcières de la côte. Regarde ce qu’elles ont fait d’elle.

Il ôta sa cape et Americk ne reconnut pas sa mère dans cette silhouette désarticulée et maculée de boue. Les yeux écarquillés, il essayait de comprendre ce qui arrivait. Il aurait voulu dire à son père qu’il se trompait, que sa mère était bien plus jolie mais il sentait qu’il devait rester muet et obéir à son père. Il retint les larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues potelées. Son père le déposa sur le sol et recouvrit enfin le visage blême, crispé par l’ultime douleur de son épouse.

— On doit aider son âme à rejoindre le Seigneur.

— Elle n’est pas déjà près de lui ?

— Pas encore, mais si nous prions avec ferveur cette nuit, au lever du jour, elle aura accompli sa route sans encombre.

Le jeune garçon n’était pas certain de comprendre ce que son père lui expliquait, mais il obéit et s’agenouilla lui aussi les deux mains jointes en signe de prière.

La froideur du sol semblait monter à travers ses jambes malgré sa culotte de laine et monter le long de son échine. Il fut vite frigorifié mais n’osa pas se plaindre de peur de déplaire à son père.

— Quel est donc ce chemin que ma mère doit parcourir ?

Au petit matin, il se réveilla allongé sur un banc de la sacristie. Une sœur rondelette et souriante veillait sur son sommeil en égrenant un chapelet.

Americk entendait les lamento qui emplissaient la cathédrale. Ainsi, il n’avait pas rêvé.

Il espérait seulement ne pas avoir trahi sa mère en s’endormant plutôt dans la nuit sans s’en rendre compte.