La trahison

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Loria galopa vers le lac, à travers la prairie bordant le marécage. Ce dernier existait depuis que l’on avait dévié les cours d’eau qui alimentaient le lac. Les troupeaux de vaches grasses, disséminées dans la grande étendue herbeuse parsemée de crocus, la regardaient passer en ruminant paisiblement. A la hâte, elle attacha sa jument à un arbre et s’assit sur la pierre humide et froide. Sur sa surface rugueuse et moussue aucun nom n’était visible, juste le dessin de deux mains enlacées et une inscription « Ici et pour toujours ». La première fois qu’elle l’avait découverte, des mois auparavant, elle avait été émue par le témoignage d’amour de ses deux inconnus. Elle savait que les pierres de serment recelaient une puissante et ancienne magie. Un couple, dont l’amour était interdit, pouvait faire le choix de quitter cette vie pour être unis dans la prochaine. En se sacrifiant ainsi sur une de ces pierres, ils avaient l’assurance de renaître et de connaître un amour éternel. Elle-même n’en avait pas eu le courage quand Romuald lui avait demandé de mourir à ses côtés, ensemble. Elle s’était enfuie en courant et ne l’avait jamais revu avant le jour de son exécution. La peine qu’elle avait emprisonnée toutes ces années pouvait enfin trouver un exutoire. Loria s’était alors agenouillée et elle avait pleuré toutes les larmes de son corps, s’en avoir peur d’être entendue ou même surprise. Elle avait ressenti alors une grande source d’amour qui l’avait enveloppé, comme un cocon moelleux. Depuis, elle n’avait de cesse de retourner là-bas et de sentir la présence de Romuald ou du moins ce qu’elle pensait être lui. Chaque fois qu’elle s’agenouillait sur cette pierre, elle entendait une voix féminine lui murmurer :

— Bienvenue Loria, fille de l’amour. Nous sommes heureux de t’accueillir. Rejoins-nous et tu connaîtras la paix.

A chacun de ses départs elle était déchirée, comme si elle y laissait la meilleure part d’elle-même.

Chap 2

 

La trahison

 

Ania vérifia dans sa bourse de cuir brun qu’elle ait bien emporté les grosses billes qu’elle avait pris soin d’acheter le mois précédent, pour une occasion telle que celle-là.

Elle attendit que la Duchesse se soit suffisamment éloignée pour se diriger à son tour vers les écuries. Pendant que le jeune palefrenier installait la selle, elle flatta l’animal en lui caressant l’encolure. Ses naseaux dilatés humaient son parfum de chèvrefeuille. Un fois calée sur la selle, il serra la sangle et l’aida à ajuster les étriers.

— Merci Borlane. Je serai de retour avant la fin d’après-midi. Je vais au marché chercher des calots chez ce marchand ambulant qui vient de l’Entreterre. Il a toutes sortes d’objets en verre, as-tu déjà vu son étal ?

— Non ma Demoiselle, mais si ce n’est pas trop vous demander, j’aurai plaisir à les voir avant que vous ne les donniez au Duc.

— Bien sûr. A tout à l’heure Borlane.

Elle emprunta la porte Est de la citadelle. Elle voulait être certaine que les gardes corroboreraient les dires de Borlane quand le Conseiller mènerait son enquête.

Ania aurait ainsi à parcourir un long crochet pour récupérer la route du lac, mais cela laissera le temps à la Duchesse de profiter de la douceur du printemps.

Un peu plus tard, elle trouva cette dernière agenouillée sur la pierre comme elle l’avait prévu. Sans se soucier d’être remarquée, elle s’approcha d’elle.

Surprise d’entendre des pas, Loria se retourna brusquement. Constatant que c’était sa fidèle suivante, elle s’essuya les yeux et lui sourit.

— Quelque chose ne va pas Ania ?

— Non, ma Dame. Elle se tourna alors vers l’Oracle qui flottait près de la pierre. Cette dernière s’adressa à elle :

— Ania, l’heure est venue d’accomplir ce qui doit l’être. Nous prendrons soin d’elle comme si elle était notre enfant.

— Tu les entends ? demanda la Duchesse en voyant sa suivant les yeux perdus dans le vide.

— Oui, ma Dame.

— Oh, Ania, moi qui croyais devenir folle en trouvant du réconfort sur une pierre abandonnée.

Ania vint s’assoir à côté d’elle.

— Séchez vos larmes Duchesse. Vous n’êtes pas folle, loin de là. Je vous ai apporté à boire.

— Merci. Après avoir versé tant de larmes, j’ai l’impression d’être plus asséché que le lac lui même.

Se saisissant de la gourde qu’Ania lui tendait, elle but goulûment la boisson sucrée et légèrement amère.

Presque aussitôt, elle porta sa main à sa gorge et s’écroula par terre. Les yeux révulsés, elle était secouée de spasmes. Enfin, son corps finit par se détendre et son cœur s’arrêta de battre.

Ania s’en assura en posant les doigts le long de son cou pour sentir son pouls.

— Je vous demande pardon Duchesse, déclara-t-elle en lui caressant doucement la joue du revers de la main.

Ania prit soin de récupérer sa gourde en s’assurant que personne ne traînait dans les parages.

 

Quand Ania rejoignit les écuries un peu plus tard, Borlane l’attendait devant les box. Il prit les rennes et tint la jument pendant que la cavalière descendait de cheval.

— Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ma Demoiselle ?

— Oui, regarde. Elle lui mit dans la main les petites sphères colorées et aussitôt ses yeux se mirent à briller.

— Elles sont magnifiques.

— Cela te ferait plaisir d’en avoir une ?

Les yeux écarquillés de surprise, le jeune palefrenier hocha la tête.

— Tiens. J’ai pensé que pour te remercier des bons soins que tu dispenses à mon cheval, je pouvais t’en offrir une. Mais c’est un secret entre nous, d’accord ?

— Oui ma Demoiselle, mais je ne fais que mon travail. Je n’ai nul besoin de récompense pour cela.

— Je sais Borlane, mais cela me fait plaisir de te voir sourire ainsi. Je dois te laisser maintenant, je souhaite me rendre dans les appartements du Duc avant qu’il ne descende pour le repas.

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