Adieu

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Chap 2

 

Les embruns venaient déposer sur sa chevelure rousse des gouttelettes qui scintillaient à la lumière de la lune. Le clapotis des vagues la calmait apportant un peu de baume sur son cœur déchiré. Les yeux perdus sur l’horizon, les jambes repliées sous sa poitrine qui se soulevait doucement, elle lui paraissait si fragile et si pleine de vie à la fois. LLorgue ne voulait pas la sortir de sa rêverie mais l’envie de l’embrasser était trop forte pour y résister. Il s’approcha doucement et s’agenouilla derrière elle, la prenant dans ses bras. Enfouissant son visage dans son cou, il s’imprégna de son odeur suave et légèrement salée. Il déposa dans sa main un coquelicot, sa fleur préférée.

— Ania, où étais-tu ma douce ? Cela fait des jours que je te cherche.

Elle haussa les épaules.

— Je suis là, c’est tout ce qui importe, non ?

Ne tenant pas compte de son ton froid, il se leva d’un bond et s’accroupit devant elle pour lui faire face.

— J’ai demandé à mon père si je pouvais prendre ta main. Il a dit oui. Oh ! Ania mon amour, plus rien désormais ne s’oppose à ce que l’on vive enfin ensemble. Finis les rendez-vous furtifs au clair de lune, envolés les baisers tronqués, qu’en dis-tu ? Il lui souleva doucement le menton. Tu pleures ?

Elle sauta dans ses bras et éclata en sanglots. Il la berça longuement attendant qu’elle reprenne son souffle. Elle finit par se calmer et, hoquetant, elle lui répondit :

— Quoi qu’il arrive je serais tienne. Tu m’entends ? Dans mon cœur je suis ta femme, et ce depuis que tu m’as soignée comme un petit oiseau blessé sur le bord de la route. Tu te rappelles ? Le jour où je suis tombée de la charrette du meunier ?

Malgré lui, il sourit en se rappelant ce moment.

— Oui, tu devais avoir tout au plus six ans à l’époque.

Son sourire était ce qui l’avait conquise au prime abord. Elle prit une de ses mains et la baisa tendrement.

— Elles ont toujours été si douces et pourtant si puissantes.

— Alors épouse-moi Ania. Que les cieux soient témoins de notre amour. Prononçons nos vœux ce soir et marions-nous dès que possible.

— Llorgue, je dois suivre la futur duchesse de Burvald. Nous partons dès demain à l’aube accompagnées par la garde personnelle du duc. Le capitaine qui la commande est dit-on d’une rigidité édifiante. Il ne tolérera nul retard. Ce départ matinal a déjà causé bien des émois. Les préparatifs devront être terminés cette nuit et les domestiques n’auront pas le temps de se reposer. Le Baron a eu beau lui demander de retarder notre périple, le capitaine s’est montré intraitable. Il veut être en Entreterre avant la nuit. Il dit qu’il se méfie et que nos campagnes ne sont pas sûres à la tombée du jour.

Sous le coup de la surprise, Llorgue était sonné, incapable de dire quoi que ce soit. Après quelques minutes il demanda :

— Tu étais avec elle ces derniers jours ?

—    Elle qui ?

—    La duchesse voyons !

— Non, j’ai fait sa connaissance à la hâte ce matin. Elle semble, elle aussi, sous le coup de la surprise et tous les préparatifs du départ paraissaient occuper ses pensées. Elle est encore si jeune elle aussi. Je doute qu’elle soit plus de deux ans mon aînée. J’ai été touchée qu’elle s’excuse de ne pas me consacrer plus de temps. Elle m’a assurée que nous aurons le loisir de faire plus ample connaissance durant notre périple, puisque nous voyagerons ensemble dans son carrosse. Le capitaine lui a expliqué qu’il faudra moins d’une semaine pour arriver aux confins de Witerheim.

Hébété, Llorgue s’allongea à côté d’elle. Les yeux dans les étoiles, il réfléchissait à un moyen de retenir sa fiancée. C’était un grand honneur d’avoir été choisie comme suivante. Il comprenait qu’elle n’était guère en mesure de refuser. Toutefois, elle ne semblait nullement chagrinée de le quitter et cela le blessait profondément. Au contraire, elle se montrait si excitée à l’idée de cette nouvelle vie qui eut la certitude qu’il la perdrait s’il n’obtenait pas d’elle au moins la promesse de se revoir prochainement. Il éprouva de surcroît une pointe de jalousie à l’idée qu’elle découvre de nouvelles contrées sans lui.

Le va-et-vient langoureux des vagues sur la plage et le léger tintement des galets qui s’entrechoquent à leurs passages les bercèrent quelques instants. Llorgue se tourna sur le côté et prit dans la main un de ces petits cailloux ronds. Se laissera-t-il lui aussi être façonné par les événements en les subissant ?

— Je pourrais te rejoindre, le duc Willem a peut-être besoin d’un autre scribe. Après tout, je suis plutôt doué, non ?

— Peut-être, répondit-elle sans conviction.

— Rien ne m’oblige à lui dévoiler mes origines. Mon Maître me fera sûrement une lettre de recommandation.

Se redressant brusquement, il se tourna vers elle, le visage tourmenté.

Pour ne pas à fondre en larmes de nouveau et compliquer davantage encore leurs adieux, elle baissa la tête. Contempler ses grands yeux bruns, élargis par la peur de la perdre, était un supplice.

— Ania, je t’en prie. Ne pars pas en me privant de l’espoir de te revoir bientôt.

Elle prit le courage de lui donner un triste sourire. Expirant longuement, elle hésita longuement avant de lui répondre :

— D’accord. Elle se leva d’un bond et lui tendit la main pour l’aider à se relever. Viens. Je dois finir de préparer mes malles avant demain.

Llorgue se mit debout sans peine et la tira doucement vers lui. Il l’embrassa longuement avec fougue et passion. Elle ferma les yeux pour savourer ce dernier moment avec lui. A contrecœur, elle finit par se détacher de lui avant que son ardeur ne les pousse plus loin. Il était désespéré de l’imaginer partir si loin de lui. Depuis plus de dix ans, il veillait sur elle et ne voyait pas d’autre avenir qu’à ses côtés.

—  Ania, donne-moi une mèche de cheveux pour que je porte une partie de toi près de moi.

Elle recula imperceptiblement devant une telle requête. Il lui était toutefois impossible de refuser sans éveiller ses soupçons. A contre cœur, elle souleva ses cheveux pour qu’il prenne une mèche cachée près de sa nuque.

Llorgue sortit son petit couteau et coupa une de ses boucles. Telle une précieuse relique, il l’enferma dans son poing. Il voulait être sûr de ne pas perdre un seul de ses cheveux sur le chemin du retour.

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