2 - Break on Through

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The gate is straight

Deep and wide

Break on through to the other side

The Doors, Break on Through

   Au Moyen-Age et longtemps après, les villes étaient entourées de hauts remparts défensifs. Des fortifications trouées de solides portes en chêne massif bien gardées. De herses de fer. De ponts ou passerelles prêts à être relevés en cas de danger. Il fallait montrer patte blanche pour y pénétrer. On franchissait une frontière. Personne n’entrait incognito, sans se présenter au préalable. C’était d’ailleurs le premier sens du mot porte. Un passage. Une ouverture pratiquée par le soc de la charrue qui traçait les sillons du futur emplacement des murailles et se relevait aux endroits où se trouveraient les entrées. Et les sorties.


   Rôle protecteur, défensif, militaire. Puis commercial et fiscal avec les douanes. Moyen de contrôler les flux de population entrant et sortant. Carrefour d’échanges et filtre. Zone de transition. Lieu dédié à certaines activités définies. Accueil en fanfare de vainqueurs ou de souverains. Fêtes. Marchés. Exécutions. Lieu où étaient aussi repoussés tous les indésirables. Aux portes de la ville étaient contenus les chiens enragés, les loups. Ou encore la peste. Enfin, en se transformant en emblèmes de la ville qu’elles doivent magnifier, elles deviennent de plus en plus belles. Elles symbolisaient l’identité du monde clos aux perspectives scénographiées que le voyageur, l’étranger, s’apprêtait à découvrir. Son prestige. Son histoire. Sa mémoire.


   Aujourd’hui ces portes ont disparu. Comme les frontières des villes devenues floues. Et avec elles cette impression de vivre une sorte de rite de passage initiatique. Un seuil entre le connu et l’inconnu. Entre l’ombre et la lumière.


   Une porte est faite pour être franchie. C’est une invitation à un voyage. Elle s’ouvre sur un mystère.


   Jim Morrison, dans sa mélancolie cosmique, avait rêvé de traverser les portes de la perception dont parlait William Blake, pour passer de l’autre côté. « If the doors of perception were cleansed, every thing would appear to man as it is, infinite. » Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l'homme telle qu'elle est : infinie. Lors de sa quête hallucinée pour y arriver, il a tenté les chemins les plus vertigineux. Peut-être pour rencontrer une forme de sagesse au bout de sa folie. Pour briser le monde des apparences. Mais il a été foudroyé en plein vol. Consumé.


   On cherche toujours à ouvrir des portes, se dit Thomas.


   Les portes des villes ont disparu depuis longtemps. Mais les gares les ont remplacées, pense-t-il. Lieu de contrôle des arrivées et des départs comme pendant l’Occupation. Lieu de séparation pour les familles ou les amoureux. Elles font prendre conscience de la viscosité de cet espace entre l’extérieur et l’intérieur de la ville. Les voyageurs ont parcouru des kilomètres dans une bulle d’entre-deux. Avec d’autres inconnus, ils ont créé des relations particulières, presque intimes. Manger, dormir, ronfler, respirer, transpirer ensemble dans une atmosphère confinée, ça tisse des liens. On se confie plus facilement à quelqu’un que l’on ne reverra jamais. Mais des liens éphémères qui se distendent plus l’on s’approche de la fin du voyage.


   Thomas savoure par anticipation le moment où le train ralentira puis s’arrêtera à Nantes. La griserie des arrivées. Quand tout devient possible. Il sait qu’il deviendra alors quelqu’un d’autre. Un voyageur. Un inconnu dans la ville.

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