Chapitre 23

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  • Tu penses que c’est encore vivant ? demanda Tower en ouvrant son sac.

Jean-Paul haussa les sourcils en s’apprêtant à entendre une réponse qu’il jugeait déjà totalement irréaliste et farfelue.

  • Oui, je le crains… lâcha Yvan.

Voilà ! Et voilà ! Encore un truc qu’il fallait refuser d’analyser afin de ne pas perdre la raison. Anne et Tower acquiescèrent comme si c’était naturel.

Le légionnaire prit deux battes de base-ball et les tendit à Jean-Paul et Anne. Pour lui il sortit deux poings américains qu’il passa en grognant des imprécations. Yvan hocha la tête. Ils étaient prêts.

  • Tu sais tout de même que tu as vraiment l’air ridicule avec ta cagoule ? jeta Anne sans regarder Yvan.

Elle inspecta la porte et actionna les quatre molettes qui la verrouillaient.

  • Les codes étaient sur le bureau… Ce qui veut dire qu’au moins un des paras a survécu.

La porte chuinta en s’ouvrant. Pas la moindre odeur. Après avoir bloqué le sas avec un bureau, lampes à la main, ils s’avancèrent dans un long tunnel bordé de cellules ouvertes. Ils marchaient lentement, regardant le sol, le plafond, les murs afin de ne pas tomber dans un piège. La maçonnerie laissa bientôt place à de la roche naturelle dans laquelle était taillé un escalier. La descente se fit rapidement.

  • Il y a des grottes sous Sète. On en connait quelques-unes. Celle-ci ne me parle pas, précisa Jean-Paul d’une voix basse et avec un léger trémolo qui trahissait son angoisse.

Ils débouchèrent dans une petite caverne. Allongés grotesquement sur la dernière marche deux cadavres portaient encore l’uniforme des Diables Verts, les fameux paras allemands. Yvan les enjamba et posa les pieds sur le sol qui craqua. Il tendit sa lampe.

Des os, petits, grands, partout… Il y en avait partout… Il sut aussitôt que c’étaient les victimes dont il avait libéré les âmes. Ils se retrouvèrent tous les quatre de front. Tower fit claquer la culasse du FG42 qu’il venait de ramasser avec son chargeur plein. En parfait état de marche malgré le temps.

  • On ne sait jamais, fit-il.

Yvan leva une main. Au fond, une grande masse informe était allongée contre la paroi. La lumière avait du mal à faire reculer les ténèbres.

  • Nous y voilà. Ne vous laissez pas berner. Cette chose est vivante. Vu le nombre de squelettes, elle a dû s’en nourrir. Elle doit pouvoir ralentir son métabolisme pour survivre. Nous sommes ses premières proies depuis les années 1940…

Yvan s’avança en enlevant sa cagoule et ses gants. A peine eut-il fait quelques pas que les squelettes se mirent à bouger.

  • On s’en occupe ! beugla Tower en se décalant afin d’éloigner sa ligne de mire de ses amis.

Six Fallschirmjägers se dressaient, armes à la main. Derrière eux, les deux autres allemands bougèrent à leur tour. D’ici quelques instants, ils seraient submergés par les ennemis.

  • Camerone ! hurla Tower en sulfatant les nazis avec le calibre 7.92, au coup par coup.

L’aboiement sec de la FG42 réduisit en poussière les têtes des paras. Il vida le chargeur de vingt cartouches en se rapprochant. D’autres revenants l’agrippèrent aux jambes. Il grimaça de douleur quand sa cheville cassée se retrouva prisonnière d’une solide poigne squelettique. L’arme vide lui servit de massue. Il se mit à jouer des poings, éclatant les os.

Jean-Paul s’était retourné d’un bloc, levant les yeux au ciel. Les deux Diables Verts cherchaient des armes.

  • Pecaïré… Ce n’est plus de mon âge tout cela…

Il fit un pas en avant et, d’une torsion des épaules, fracassa les crânes à coups de batte de baseball. Anne faisait elle aussi le ménage en essayant de ne pas trop s’éloigner d’Yvan qui continuait sa progression vers la créature.

C’était un cocon qui ressemblait presque à de la pierre. L’humanoïde s’était mis à l’abri à l’intérieur, attendant son heure. Des fissures parcouraient déjà la forme. Yvan n'arriverait pas à temps. Les squelettes se relevaient trop vite et barraient le passage. Malgré toute sa détermination il ne put empêcher les servants de l’abomination de le plaquer au sol, le retenant fermement. Yvan ne se débattait pas. Cela aurait dû inquiéter l’engeance terrifiante qui venait de se dresser de toute sa hauteur. La voir en photographie était une chose. La contempler en face, en était une autre. Jean-Paul se retourna lentement quand le sol trembla sous les pas du monstre contre-nature. Il ouvrit la bouche. Ses lèvres fines se desséchèrent immédiatement. Les jointures de ses mains blanchirent autour de son arme. Il recula, monta une marche, puis une autre et dans un silence horrifié il se mit à courir vers la surface, son esprit refusant de périr en ces lieux immondes.

Tower analysa froidement la situation. Yvan était perdu. La bête serait sur lui en une enjambée. Il ne restait qu’une seule solution. Agrippant les grenades aux ceintures pourries des nazis il se précipita vers l’hybride, prêt à dégoupiller les explosifs. Une bonne explosion, rien de tel pour balayer un problème. Sa cheville lui arracha un cri de souffrance qui lui donna encore plus de courage.

Anne ne put voir la scène. Un macchabé en blouse blanche la tenait en joue avec un luger. Elle vit son propre reflet dans les lunettes rondes posées sur un visage momifié aux orbites vides, aussi ténébreuses que la Mort. Elle n’entendit la détonation qu’une fois que la balle lui transperça l’épaule gauche. Elle tourna sur elle-même, profitant du mouvement et, les yeux fermés, asséna un coup de batte, comme pour un home-run. La tête du scientifique explosa en poussière. Anne s’effondra, inconsciente.

Yvan vit la chose fondre sur lui. Elle mesurait plus de trois mètres. Ses écailles ne brillaient pas, rendues ternes par le manque d’humidité. L’odeur de poisson en putréfaction envahissait tout. La main palmée, légèrement gluante attrapa la tête du médium. L’aberration se délecta du contact de la peau de l’humain. Enfin de l’humidité. Elle commença à aspirer l’eau, son regard étrange, nuage d’encre indicible, exprimait une extase désirée depuis une éternité.

Un rire étouffé d’Yvan vint troubler cette jouissance. Sa main commença à la démanger… Elle regarda et une terreur sans nom s’empara d’elle. Désespérée elle voulut lâcher sa proie qui venait de s’accrocher à elle avec ses mains. Yvan laissa le Mal le quitter. Une aura mauve dévora en quelques instants l’ennemi qui hurla comme un enfant humain jusqu’au dernier instant.

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