Chapitre 1 : La quête de Denis

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Prologue

Six-cents ans après la nuit des larmes l’Empire de Stanislas ainsi que son maître étaient à leur apogée. Ce dernier avait eu, avec sa femme l’impératrice Elena, quatre enfants : les princes Nikolaj, Vlad et Konstantin ainsi que la princesse Maria. Dépourvu d’ennemis à ses frontières, l’Empereur avait lancé de nombreuses expéditions vers le désert sans fin et par-delà les grands océans afin de découvrir de nouvelles terres avec des résultats mitigés jusqu’ici.

Dans le même temps Stanislas remplaça petit à petit le culte traditionnel par le culte impérial et s’autoproclama « Avatar de Valass ». Ce coup supplémentaire porté à la religion des vampires couplé avec des impôts toujours plus élevés levés au nom de ses expéditions provoquèrent de nombreux soulèvements connus sous le nom de « guerres des ducs ». Mal coordonnés entre eux et sans cesse surpassés par les armées de l’Empereur, aucun seigneur ne parvint à réellement menacer le pouvoir en place et bientôt les plus grands fiefs n’étaient plus aux mains des grandes maisons de jadis mais des plus proches soutiens de Stanislas et de sa famille.

Enfin les humains étaient constamment surveillés et leur population maintenue au niveau d’un vampire pour quinze hommes par d’incessants massacres. C’est dans ce climat de terreur que s’ouvrit l’ultime chapitre de la Guerre des Sangs.

Adrian

3 Novembre de l’an 5774 après la guerre des sangs

Un an jour pour jour que le seigneur Lev est mort. Aujourd’hui Denis achève son deuil et nous allons enfin pouvoir accomplir notre destinée. Aujourd’hui commence le récit de notre quête et de l’accomplissement du vœu des deux dieux ! Nous partirons donc vers l’est avec mes sœurs Agnessa et Roksana ainsi que Denis, le dernier dhampire et l’élu de Valass et Himka. Pendant ce temps Edvard restera à Tikmar pour protéger les hommes restants. Nous ne comptions d’ailleurs pas en emmener à cause de leur faiblesse et des dangers qu’un tel voyage comportait mais Thibault et Guy n’ont rien voulu entendre… Comment pourrait-on leur refuser de prendre part à leur propre délivrance ? Le premier est né ici et est un fervent adepte de la vraie foi. Le second quant à lui s’est réfugié chez nous il y a huit ans suite à l’une des innombrables purges secouant sans cesse l’Empire. Himka a dû le guider car nous devons être le seul fief à ne jamais commettre pareil acte de barbarie. Nous nous efforçons même de cacher aux contrôleurs impériaux, lorsqu’ils daignent venir jusqu’ici, l’ampleur de la population humaine, avec de plus en plus de difficulté ceci-dit. Mieux que quiconque il connait donc la haine des vampires à l’égard de ceux de sa race et il est de loin le plus impliqué dans les plans visant à libérer ses semblables, jusqu’ici sans succès…

Pendant longtemps le baron Lev avait cru voire dans les guerres des ducs une occasion de recréer une armée d’hommes mais tant l’Empereur que ses opposants refusaient et les conflits ne duraient jamais assez longtemps pour que les seigneurs renégats n’aient le temps de changer d’avis. Le père de Denis persista malgré tout dans cette voix, pourtant condamnée à l’échec… Il n’avait de toute évidence pas digéré son échec lors de la grande guerre d’unification et il était persuadé que la création d’une armée d’humains entrainés était le préalable à tout projet. Plus il vieillissait et plus il était têtu. L’âge avançant il refusait éperdument d’entendre parler d’autres solutions et, si son cœur était indubitablement empli de bonté, son esprit s’affaissait avec le temps. Son suicide après plus de mille ans de vie fut ainsi une peine à mon cœur mais un réconfort pour tous ceux qui vénéraient Valass et Himka. Heureusement qu’il ne parvint pas à en vivre deux mille comme il se l’était promis tant de fois sans quoi Denis serait mort avant lui et notre quête aurait disparu avec le décès du dernier dhampire.

Je ne peux néanmoins que rendre grâce à son souvenir. Sans lui j’aurai partagé le destin de tant d’orphelins de guerre et serai probablement rentré dans les ordres au service d’une version dénaturée du Dieu vampire ou, pire, j’aurai pu intégrer le culte impérial afin d’asseoir encore davantage la position de Stanislas en tant que prétendu avatar de Valass. Lui, le traître qui dupa les hommes qui l’avaient servi…

En cela Lev fut mon père presque comme il était celui de Denis et je considère ce dernier ainsi que tous les autres vampires recueillis enfants ici comme mes frères. Naturellement nous n’aurons pas le même rôle à jouer dans la réconciliation des races mais si je dois mourir pour que son destin s’accomplisse je n’hésiterai pas !

Néanmoins avec le décès du baron s’est ouvert un nouveau chapitre de notre combat. Nous nous préparons désormais à partir vers l’est dans le désert sans fin. Non pas sans raison d’ailleurs. Denis le premier a découvert cette piste dans les rouleaux d’Anatoli, ce vampire que Lev prenait pour un fou au service d’une foi pervertie. Mon frère eut au contraire une toute autre interprétation de ses rêves dérangés. Il était convaincu que c’était réellement Valass qui lui parlait ; que par quelque hasard son cœur entrait davantage en résonnance avec les restes d’âmes de notre Dieu et que ce dernier s’en servit pour communiquer avec lui. Seul son esprit corrompu par des siècles de mensonges l’empêcha de comprendre les messages qui lui étaient adressés mais, grâce à Valass, il écrivit ses visions ce qui nous permit de les interpréter à la lumière de la vraie foi. Or dans l’une de ses dernières apparitions, Anatoli rédigea ceci :

« Sous le ciel mordoré au sud du désert sans fin, entre deux dunes mouvantes au-dessus desquelles le soleil, à son zénith, provoque une fumée comme issue du tréfond des enfers, se trouvait d’insondables cavernes. Dans ces dernières je pouvais apercevoir des plaines de roches et des vallées de cendres grandes comme des nations le tout arpenté par des monstres issus d’époques oubliées pour le plus grand bien des vampires. Valass me transportait alors et, tel un avertissement sur le destin des damnés, me forçait à parcourir ces vastes étendues impropres à la vie elle-même et néanmoins parcourues d’ombres dont les seuls sons qui en émanaient étaient d’ignobles gémissements qui semblaient pourtant se répondre entre eux comme s’il s’agissait là d’une langue intelligible. »

Denis et nous-mêmes sommes persuadés qu’il s’agît là d’une invitation à se rendre sur place mais qu’Anatoli, dans la perversion de son esprit, n’y a vu qu’une mise en garde. Pourquoi Valass donnerait de telles indications si ce n’était pour qu’on s’y rende ? Nul avertissement n’était nécessaire pour un endroit où personne n’aurait mis les pieds sans raison.

Ces dernières année l’Empire s’est échiné à parcourir les océans en quête de nouvelles terres mais a très vite abandonné l’exploration du désert. Trop vite à notre avis. Demains nous partirons en quête de ce que Valass, par l’intermédiaire d’Anatoli, a voulu que l’on trouve.

Hugues

Qui eut cru que ce navire renfermerait pareil secret ? L’intuition de ma maîtresse est toujours très affutée. Après seize ans de service je pensais que rien ne pourrait plus me surprendre et pourtant jamais je n’aurai imaginé pareille révélation !

Le « Léviathan » n’a pas été facile d’accès. Heureusement que la nuit tous les chats sont gris ! Attendre que le soleil se couche et que les vampires sortent, en trouver un isolé, le tuer, se vêtir de ses atours, monter à bord, se faire saluer par des hommes incapables de reconnaître qui se cachait sous ces habits et trop effrayés pour oser dévisager un seigneur, saluer le plus naturellement du monde le noble qui gardait la chambre du capitaine, le prendre par surprise et l’assassiner puis fouiller les appartements. Deux vampires en une seule nuit, ce n’est pas si mal.

Un peu d’entraînement, une lame enduite de noire-veine et l’effet de surprise : voilà tout ce qu’il faut pour se débarrasser des maîtres de ce monde. Leur orgueil et leur puissance leur ont fait abandonner toute méfiance. Pour le plus grand malheur de ces deux-là.

Notre Dame nous a bien éduqués mes frères et moi. D’aussi loin que je me souvienne elle était là, à nous regarder nous entraîner lorsque nous étions enfants. Elle supervisait dans l’ombre nos anciens qui nous initiaient à l’art de la lecture, de l’écriture, de la filature, du vol et du meurtre. Jamais ni moi ni quiconque ne put apercevoir son visage distinctement et nul ne connaît son nom. Evidente précaution en cas de capture de l’un des nôtres. Pourtant, malgré l’ignorance dans laquelle nous sommes, chacun lui est fidèle. Il suffit de voir notre train de vie comparé à celui des autres humains. Nous sommes logés, bien nourris, en relative sécurité et jouissons d’un confort inimaginable pour la majeure partie de nos congénères. Au contraire, nos semblables vivent dans la peur permanente et leurs enfants sont régulièrement exterminés. Nous ne pouvons qu’être reconnaissant à notre protectrice pour tous ces bienfaits qui nous préservent des malheurs inerrants à notre espèce. Les services que nous lui rendons ne sont qu’un juste retour des choses.

Jamais je n’oublierai mes dix ans et ma première mission. Un simple larcin à l’époque qui fut suivi par beaucoup d’autres, de plus en plus dangereux avec le temps. Désormais rares sont les mois sans que Charles ne me contacte. Lui seul a l’honneur de côtoyer notre maîtresse mais je ne désespère pas d’un jour remplacer mon maître à ce poste. Cette missive devrait m’y aider. Et puis, avec un peu de chance, Geneviève ne sera pas en mission…

Jusqu’ici nous avons été malheureux dans nos tentatives d’offrir un enfant à notre Dame mais nous ne désespérons pas d’un jour y arriver. En fait lorsque je vois ma dulcinée c’est par zèle que nous couchons ensemble ! J’espère que j’aurai vite l’occasion de me remettre à la tâche. Au moins devrai-je pouvoir profiter des quelques pièces que je recevrai pour manger et boire tout mon saoul ! D’ici là je dois me dépêcher de rejoindre l’antre des loups, là où mes frères et sœurs de la capitale et moi vivons en attendant de nouvelles occasions de servir notre maîtresse et bienfaitrice. Ce sera l’affaire de trois semaines si la chance est avec moi.

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