Chapitre 22 - Une délicate attention

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Thomas sortit un cahier de son sac à dos et le posa sur la table devant lui. Il prit un crayon et ouvrit son livre de mathématiques, lorsqu’il sentit une vibration sur sa cuisse gauche. Il mit la main dans sa poche et en sortit son téléphone. Un court message s’afficha sur son écran d’accueil : « Salut, c’est Lara. On peut se voir tout de suite à … ». Il appuya sur la notification et découvrit avec surprise que Lara demandait à le voir à l'endroit même où il se trouvait déjà. Il répondit par un court « Ok, j’y suis. » puis se remit dans ses révisions. Le calcul qu’il avait sous les yeux lui causait une petite migraine, et cette parenthèse inattendue lui ferait sans doute le plus grand bien.

Lara arriva quelques minutes plus tard dans la bibliothèque, le regard alerte à la recherche de Thomas. Son sac à l’épaule, elle déambulait dans les allées sans pour autant trouver celui qu’elle était curieuse de voir. Elle accéléra le pas lorsqu’elle le découvrit enfin, assis à l’une des tables au milieu de la pièce.

— Salut ! s’exclama Lara avant de s’asseoir en face de Thomas.

— Salut, répondit-il. Tu voulais me voir ?

— Ouais, je voulais discuter. Désolé de ne pas t’avoir donné de nouvelles avant, j’ai un planning très chargé.

— C’est ce que j’ai compris. Tu…

— Alors comme ça tu es français ? coupa-t-elle.

— Euh, ouais c’est ça.

— Je crois bien que c’est la première fois que je vois un français dans ce lycée, dit-elle, tout sourire. C’est toi qui a choisi de venir ici ?

— En fait, mon lycée envoie des élèves à l’étranger pour la première fois cette année, et j’ai été désigné pour venir ici. J’ai pas vraiment choisi la destination.

Thomas remarqua que Lara faisait une moue bizarre.

— Mais je suis très content d’être ici, sourit-il.

— C’est la première fois que tu voyages ?

— Ouais c’est la première fois, même si c’est pas aussi reposant que je le pensais.

— Tes parents doivent te manquer, non ?

— Un peu, forcément, mais ma famille d’accueil est cool donc ça facilite les choses. Et toi tu…

— Tu travailles sur quoi là ?

— Euh, le prochain devoir de maths, j’ai un peu de mal avec le dernier problème.

— Attends moi, je vais aller chercher quelque chose qui pourra peut-être t’aider, dit-elle en s’éclipsant.

Au moment où elle disparut entre deux rayonnages, Thomas reprit ses esprits, embués par cette rencontre aussi inattendue que mystérieuse. Lara était une jeune fille très curieuse et bavarde, à tel point qu’il ne put lui retourner une seule question. Pourquoi s’intéressait-elle à lui ? Il n’était pas populaire, certainement pas le plus beau garçon du lycée, ni le plus intelligent. Sa vie était loin d’être trépidante, et la seule chose qui sortait de l’ordinaire, c’était sa présence ici, au lycée Harvey Benjamin. Hormis cela, sa vie était des plus banales.

Quelques minutes plus tard, il l’aperçut revenir au loin, portant dans ses deux mains les instruments de ce qu’il pourrait très vite considérer comme un cauchemar. À mesure qu’elle avançait dans sa direction, ça ne faisait plus de doutes, elle tenait deux grands verres remplis de glaces pilées et d’un liquide marron qu’il ne connaissait que trop bien. Thomas accueillit le retour de Lara avec une certaine crainte, se demandant qu’elles étaient ses réelles intentions.

— Tiens, dit-elle en lui tendant l’un des verres. Je ne savais pas quels goûts tu aimerais alors je suis restée sur un classique.

— Oh, merci, répondit Thomas, surpris par cette délicate attention.

— Je sais que la première fois ne t’as pas trop réussi, mais je me dit qu’il faut combattre le mal par le mal. Et puis, c’est un peu grâce à cette boisson qu’on s’est rencontré.

Lara prit l’une des pailles qu’elles tenaient au bout de ses doigts et vint l’enfoncer dans l’amoncellement de glace pillée de son verre.

— Rien de mieux qu’un peu de distraction pour rendre les devoirs plus amusant, dit-elle après avoir siroté une petite gorgée.

— Je crois que j’en avais besoin, ce devoir me sort pas les yeux.

— Fais voir, je peux peut-être t’aider.

À l’approche de Lara, Thomas décala légèrement sa chaise vers la droite pour laisser un peu de place à la jeune fille. Elle resta debout, son verre dans la main gauche, puis pointa du doigt sur le livre de mathématiques l’exercice que Thomas tentait en vain de résoudre.

— Tu vois ce chiffre là ? demanda-t-elle.

Elle se pencha légèrement pour appuyer son argumentaire et sa tête se retrouva à quelques centimètres seulement du visage de Thomas. Son doux parfum humait l’air et enivrait Thomas qui ne voyait alors plus qu’un doigt danser sur la page de son livre, faisant fi des explications de la jeune fille sans s’en rendre compte. Celle-ci fut encore plus proche lorsqu’elle tourna la tête en direction de Thomas, ce qu’il fit de même instinctivement. Il put alors plonger son regard dans les yeux magnifiquement bleus de la jeune fille et le temps qui passa ensuite lui sembla durer des heures. De fins traits blancs dans ses iris formaient un vortex hypnotisant, sur lequel il resta fixé, occultant tout à l’extérieur, jusqu’à ce que l’écoute de son prénom vint le tirer de ses pensées.

— Il s’appelle Thomas, et il m’aide pour un devoir.

— Il est français, sur quoi il peut bien t’aider ? demanda une voix grave.

Thomas cligna des yeux à plusieurs reprises comme pour se tirer d’un longue sieste et remarqua alors que cette voix appartenait à une personne qui commençait à devenir malheureusement bien familière. Peter se tenait face à lui, accompagné des deux comparses masculins de sa bande.

— Les maths c’est universel, ça ne change pas d’un pays à un autre, répondit Alicia. Il faut que je réussisse cet exam, et puis c’est pas toi qui m’aiderait de toute façon.

— Viens avec nous, tu réviseras plus tard. L’exam n’est que dans un mois.

— Ouais j’arrive, partez devant, dit-elle aux trois garçons.

Lara prit son verre dans une main et son sac dans l’autre, puis tendit à un regard à Thomas.

— Désolé, il faut que j’y aille, on discutera plus tard, s’excusa-t-elle. Je t’envoie un sms quand je suis dispo.

— Ok, salut, répondit Thomas avec un geste de la main, tandis que la jeune fille s’éloignait.

Il resta là, seul face à son cahier et son livre de mathématiques, toujours aussi perdu dans son problème mais avec désormais à ses côtés un granité bien frais. Jamais il n’aurait imaginé rencontre plus surprenante et soudaine que celle qu’il venait de vivre, avec une personne qu’il ne connaissait guère plus. Définitivement, elle fit à Thomas l’effet d’une bourrasque, arrivant et repartant tout aussi brusquement, en laissant sa tête en vrac, rempli de sentiments qui s’entrechoquaient.

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