Chapitre 23 - Thanksgiving

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Arrivé devant la maison des Walker, qu’il considérait désormais comme la sienne, Thomas sortit de la voiture en même temps qu’Alicia et James. Il porta les sacs de course contenant les provisions pour le repas du soir, et les déposa près de la porte du cellier.


— Laisse les ici, indiqua Tracy, affairée à sortir quelques ustensiles de cuisine des placards.

— Comment puis-je t’aider ? demanda-t-il, curieux de participer à la préparation de ce repas dont il avait tant entendu parler.

— Tu peux t’occuper du pain qui est là, répondit-elle en désignant la boule de pain présente sur l’îlot central. Découpe des tranches avec le couteau juste à côté puis déchire chacun en quelques morceaux. Ça nous servira pour la farce.


Thomas s’exécuta aussitôt tandis qu’Alicia sortit un sachet de noix de l’un des sacs. La préparation de la farce prit quelques minutes. Pendant ce temps, James s’occupait à mijoter un pain de maïs et une purée de patates douces.

Thomas était heureux de partager la préparation de ce repas avec sa famille d’accueil. Il avait consacré beaucoup de temps aux études, afin de compenser ses légitimes lacunes et tenir le rythme de l’éducation locale, et appréciait de pouvoir souffler un peu et profiter de moments comme celui-ci, entourée de ceux qu’ils considéraient désormais comme sa seconde famille. Les craintes du début s’étaient maintenant envolées.


— Il ne reste plus qu’à attendre désormais, dit Tracy après avoir enfourné la dinde.

— Vu la taille de la bête il y en a pour quelque heures, renchérit James.

— Alicia, tu peux faire faire un tour de quartier à Thomas ? Si ça te dit bien évidemment, continua Tracy en regardant Thomas.


Alicia acquiesça, puis se dirigea à l’étage en compagnie de Thomas. Elle ouvrit la porte de sa chambre et il put découvrir la décoration de cette pièce qu’il n’avait encore jamais complètement vu. Les murs étaient peints d’un rose pêche, éclairé par endroits par les rayons du soleil qui donnaient à travers une grande fenêtre. La chambre d’Alicia était de taille similaire à la celle de Thomas, mais les meubles y étaient aménagés différemment. Thomas fut surpris de constater la présence de petit outils sur le bureau d’Alicia, placé sous la grande fenêtre. Il s’approcha pour confirmer l’étrangeté de la situation et vit Alicia se saisir d’une petite télécommande. Elle actionna alors un bouton, et un petit bruit métallique se fit entendre.

Thomas se tourna sur sa droite et aperçu les portes d’un grand placard s’ouvrir toutes seules, puis une grande tringle de penderie sortir du meuble. Il écarquilla les yeux, surpris par toute cette ingéniosité. Alicia prit une chemise sur le portant, la déposa sur son lit tout proche puis commença à enlever son t-shirt. Thomas retrouva ses esprits lorsqu’il vit le soutien-gorge de la jeune fille apparaître, il détourna aussitôt le regard et se mit dos à Alicia et son étrange placard. Il pouvait alors admirer le mur poinçonné de plusieurs photos punaisés. Il y vit Alicia, James et Tracy, le sourire aux lèvres, mais également d’autres personnes, adultes comme enfants, dont il n’avait aucune idée. Ses yeux fuirent ensuite vers un grand miroir et il croisa le regard amusé d’Alicia, en train de boutonner sa chemise.


— Désolé, s’excusa Thomas, je ne voulais pas…

— T’inquiètes pas, c’est moi, j’aurais dû te prévenir.


Thomas se retourna lentement puis fit face à Alicia.


— Il y a aussi cette option sur mon placard ? lui demanda-t-il.

— Non, c’est une conception maison, répondit-elle en brandissant la petite télécommande avec une certaine satisfaction.

— Attends, c’est toi qui a fait ça ?

— C’est l’un de mes nombreux secrets, sourit-elle.


Interloqué, Thomas ne dit plus un mot et se contenta de suivre Alicia qui descendit l’escalier. Au moment de sortir de la maison, James les interpella.


— Ne rentrez pas trop tard.

— Bien sûr papa, ne t’en fais pas, répondit Alicia avant de refermer la porte.


Désormais dehors, Thomas continua de suivre Alicia tout en inspectant les environs, ces rues qu’il n’avait pour l’instant arpenté uniquement à bord du bus scolaire et de la voiture de la famille Walker. Alicia n’était pas du genre à sortir beaucoup, à traîner avec des amis de longues heures durant à l’extérieur de la maison. Toute sa vie semblait tourner autour de sa famille, et il ne savait pas s’il en avait toujours été ainsi. Elle restait assez secrète et Thomas n’avait jusqu’alors pas eu le courage d’aborder le sujet depuis leur discussion à la suite de la première altercation avec Peter Johnson.

Alicia fit le tour du quartier à Thomas pendant quelques minutes, puis lui proposa d’aller se poser sur un banc dans le parc à proximité. Le quartier résidentiel où vivait la famille Walker n’offrait que peu de réjouissances et Thomas comprit, par cette longue marche à travers les rues et les pâtés de maisons, que rien n’invitait aux loisirs, hormis le parc vers lequel il se dirigeait. En entendant les cris d’enfants, Thomas comprit rapidement qu’ils étaient tout proches du parc. Il mit peu de temps avant d’apercevoir la structure d’une balançoire, puis une construction qui s’apparentait à un petit château en bois. À l’intérieur, les enfants couraient et rigolaient à plein poumon, ce qui contrastait avec l’humeur d’Alicia.


— Ça va ? demanda Thomas en s’asseyant sur l’un des bancs libres.

— Oui bien sûr, répondit Alicia même si son regard donnait l’impression d’un mensonge.

— Je peux te poser une question ?

— Vas-y, je t’écoute.

— Ça fait longtemps que tu es seule ?


Le regard d’Alicia se ferma encore plus qu’il ne l’était déjà.


— Comment ça « seule » ? s’étonna-t-elle.

— Tu m’as dit que tu n’avais pas d’amis au lycée, mais je ne t’ai pas non plus vu sortir en dehors des cours.

— Je te l’ai dit, je n’ai pas d’amis.


Thomas sentit au ton de cette réponse qu’il était sans doute trop indiscret.


— Mais j’avais une amie avant, reprit-elle. Il lui est arrivé un truc terrible il y a bientôt 2 ans, et depuis ce jour je ne l’ai plus jamais revu.


Gêné par cette déclaration, Thomas se confondit en excuses. Sa curiosité était allée trop loin, et il le regrettait désormais amèrement.


— C’est rien, c’est la vie, continua-t-elle tout en essuyant une larme qui coulait sur sa joue. J’ai jamais été entourée de beaucoup d’amis, j’ai jamais été la fille populaire, et c’est sans doute mieux comme ça. Dans la vie, il y a des choses qu’on ne choisit pas.


L’ambiance fut alors pesante pendant quelques dizaines de secondes et Thomas regrettait cette question indiscrète. Il n’avait pas eu l’intention de raviver des souvenirs douloureux pour Alicia, ni même de considérer sa situation actuelle comme anormale.


— Et sinon, depuis quand tu bricoles des placards high-tech ? demanda Thomas afin de détendre l’atmosphère.

— Depuis l’année dernière, quand je suis devenu asociable, répondit-elle avec un sourire. C’est mon père qui m’a donné envie de m’y mettre, ça m’occupe, et puis en plus c’est utile.


Thomas lui rendit son sourire, il était heureux de constater qu’elle n’était pas vexée.


— Et toi, c’est quoi toi ton talent caché ?

— Je n’irai pas jusqu’à parler de talent, mais j’écris des poèmes quand l’inspiration me vient, répondit-il.

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