Chapitre 19 - Le début de tous les possibles

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Une nouvelle semaine débutait pour Thomas, qu’il espérait être totalement différente de celle passée. Il gardait un mauvais souvenir des événements de ces derniers jours, qui l’avaient refroidi, au sens propre comme au sens figuré, et confronté à la dure loi du lycée. Par chance, Thomas n’avait pas croisé Peter et sa bande depuis l’incident du soda à la glace pilée, mais il n’avait pas non plus revu sa bienfaitrice, et n’avait donc pas eu l’occasion de la remercier plus longuement pour son geste. Il n’avait pas souhaité en informer Alicia, par peur de lui causer plus de soucis et de la couvrir d’une culpabilité infondée. Il n’en avait pas non plus parlé à ses parents lors de son dernier appel, et avait simplement feint d’avoir passé une excellente semaine.

Il était désormais l’heure pour lui de se rendre en salle B22 pour son cours d’Art de la communication. Il arriva en avance comme à son habitude, alors que seulement deux élèves étaient déjà présents, et vint s’asseoir à la place qu’il s’était auto-attribué, au premier rang. Quelques minutes plus tard, la salle se remplit et M. Spillman arriva.


— Bonjour jeunes gens, s’exclama-t-il.


Il mit sa veste sur le dos de sa chaise et posa sa serviette sur son bureau.


— Pendant nos deux premières séances, je vous ai parlé du programme de l’année, et on a vaguement évoqué quelques points, dit-il en déambulant entre les tables.


Thomas appréciait la mine décontractée de ce professeur, il transpirait la passion et l’envie de transmettre. Il n’était certainement plus très loin de l’âge de la retraite, avait sans doute donné d’innombrables heures de cours, mais il restait toujours aussi enjoué, comme si le temps n’avait pas d’emprise sur sa joie d’enseigner.


— Aujourd’hui, il est désormais temps que je vous parle du projet sur lequel votre évaluation sera principalement fondée. Vous aurez tout au long de l’année des petits exercices pour évaluer différents points du court mais la majeure partie de votre évaluation réside dans ce projet, et vu le temps que je vous laisse pour le réaliser, je préfère vous signaler d’entrée que je place la barre très haute.


Il sortit son étui à craie de son sac, en prit une, puis commença à écrire au tableau.


— Cette année, votre mission sera d’écrire un discours sur l’un ou l’une de vos camarades de ce cours, de la forme de votre choix. Ça peut-être une tirade, une allocution, une sérénade, peu importe.


Thomas restait les yeux figés sur les trois mots que M. Spillman venait d’écrire au tableau : Discours. En. Duo. Il était nouveau et Alicia ne faisait pas partie de ce cours, deux handicaps avec lesquels il allait devoir conjuguer.


— Deux précisions importantes, indiqua M. Spillman. Il s’agit d’un travail individuel, mais vous devez vous associer avec l’un ou l’une de vos camarades, et donc votre écrit portera sur cette personne tandis que celle-ci écrira sur vous. De même, afin de pimenter un peu tout ça, vous aurez le droit de mentir pendant votre discours. Mais vous aurez bien évidemment aussi le droit de dire la vérité. À la fin de celui-ci, la classe votera pour désigner si c’est un mensonge ou une pure vérité.


M. Spillman écrivit alors le chiffre 2 au tableau.


— Et si vous arrivez à berner la majorité de la classe, je rajouterai deux points supplémentaires à votre note, continua-t-il. Je compte sur la classe pour se porter juge en cas de litige, vous vous connaissez de toute façon bien mieux que je ne vous connais.


Des chuchotements commencèrent à se faire entendre dans la salle, tandis que Thomas restait figé aux mots inscrits sur le tableau. Discours. En. Duo. Il s’inquiétait déjà de ce qu’il allait bien pouvoir dire, et à propos de qui.


— Soyez créatifs, impressionnez-nous et profitez de ces longs mois pour produire quelque chose d’anthologie.


* * *


La sonnerie retentit dans la salle de classe, signifiant la fin du cours.


— Commencez d’ores et déjà à réfléchir à votre discours, dit M. Spillman à un public qui n’était plus tout à fait captif.


Comme tous les autres élèves, Thomas rangea ses affaires dans son sac et quitta sa table en direction de la sortie.


— Thomas ? l’interpella M. Spillman.

— Oui monsieur, répondit Thomas en restant sur le pas de la porte.

— Je me doute bien que l’exercice que je demande ne sera pas facile pour toi, comme pour les autres élèves étrangers de cette classe. Tu es français, c’est ça ? demanda-t-il tout en marchant vers lui.

— Oui c’est bien ça.

— Tu as du temps pour trouver une personne avec qui t’associer. N’hésite pas à demander aux autres nouveaux élèves comme toi, je suis persuadé que tu trouveras quelqu’un.

— Merci monsieur, je vais y réfléchir, le remercia Thomas tout en quittant la salle de classe.


Thomas marcha en direction de l’escalier dix mètres plus loin, afin d’assister à son prochain cours, lorsqu’il sentit une main lui tapoter l’épaule droite. Il se retourna et vit avec surprise sa bienfaitrice se tenir devant lui.


— Salut !

— Salut, répondit-il timidement.

— Thomas, c’est ça ?

— Oui, et tu t’appelles com…

— J’ai besoin de te parler d’un truc, coupa-t-elle. Tu peux me passer ton téléphone s’il te plait ?


Thomas s’exécuta et tendit le téléphone à la jeune fille. Pendant qu’elle tapotait dessus, il la regarda. Elle était habillée d’un chemisier à fleur et d’un jean taille haute jusqu’au nombril, et portait sur la tête une paire de lunettes de soleil aux verres ronds.


— Merci, dit-elle tout sourire, en redonnant son téléphone à Thomas. J’ai un planning assez chargé en ce moment, donc je t’envoie un sms quand je suis dispo.

— Euh, ok, répondit-il. Tu sais, je, je voulais te…

— Salut, termina la jeune fille en saluant Thomas d’un geste de la main.


Il resta figé par cette conversation aussi rapide qu’imprévue. Il venait de revoir sa bienfaitrice, mais n’avait eu le temps de la remercier, ni même de lui demander son prénom. Et voilà qu’elle avait quelque chose à lui dire. Était-ce à cause de Peter ? Avait-t-elle parlé de lui ? Que pouvait-elle bien vouloir lui dire qui semblait si urgent, et nécessitait de lui emprunter son téléphone pour quelques secondes ? Ces questions lui restaient en tête, et il ne trouvait aucune réponse.

Il déverrouilla son téléphone, mis en veille après quelques secondes d’inactivité, et toucha une icône verte représentant un combiné. Il consulta son répertoire et s’aperçut que désormais, un nouveau contact apparaissait à la lettre « L ». Un numéro nouvellement enregistré, au nom de Lara.

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