Chapitre 6 - Mise en garde

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Lorsque James ouvrit la porte du supermarché, une clochette sonna au-dessus de sa tête. Le tintant continua de vibrer quelques instants après que tout le monde fut entré. Thomas découvrit un supermarché usé par le temps, dont les rayonnages en métal commençaient à rouiller. À la caisse, un jeune homme à la mine piteuse lisait un magazine posé sur le comptoir.


— On s’occupe des courses, dit Tracy. Alicia, emmène Thomas regarder les paires de lunettes de soleil pendant ce temps. On vous y retrouve dès qu’on a fini.


Après un léger hochement de tête de la part de Thomas, James et Tracy se dirigèrent dans les allées du supermarché.


— Viens. On va te trouver quelque chose.

Thomas ne se fit pas prier et suivit Alicia. Elle se posta devant un tourniquet où étaient rangés quelques paires de lunettes de soleil. À mesure qu’elle faisait pivoter le présentoir, elle inspectait chaque paire avec une certaine minutie. Son regard se fixa sur des lunettes aux verres rectangulaires de petites tailles, elle saisit la paire et la dirigea vers la tête de Thomas.

— Tiens, essaye ça, dit-elle en posant la paire sur son nez.


Alicia retira alors la sienne, en plia les branches et la suspendit sur le col de son tee-shirt, qui sous le poids avait légèrement agrandi son décolleté. Tandis que Thomas tentait de voir son visage à travers le minuscule miroir surplombant le tourniquet, Alicia, qui le regardait attentivement, fit la moue.

— Attends, je crois que je peux te trouver mieux, indiqua-t-elle en faisant défiler les différentes paires.


À nouveau, son regard se fixa sur l’une d’entre elles. Un léger sourire parcouru le visage d’Alicia, dont il n’arrivait pas à déchiffrer le sens.


— Essaye celle-là, je te parie qu’elle t’ira bien mieux, assura-t-elle tout en disposant elle-même la paire sur le visage de Thomas. Oui, là, ça me semble pas mal.


Thomas inspecta son allure face au miroir. Les larges verres cachaient une partie de son visage. Pour autant, la finesse des branches de la monture rendait cette paire toute sauf grossière.

Au même moment, Tracy et James arrivèrent, ce dernier poussant un caddie rempli de quelques provisions et d’un gros fut de bières.


— Prêt à partir ? demanda Tracy.

— Oui, je crois que le choix est fait, répondit Alicia.


Thomas acquiesça et toute la petite famille se dirigea vers la caisse, où le jeune homme continuait à lire son magazine. Lorsqu’il s’aperçut de l’arrivée de ses clients, il enleva le magazine avec hâte et se mit face à son ordinateur.

Après que James eut finit de déposer les achats sur le tapis de caisse, Thomas saisit les lunettes de soleil restées sur son visage.


— Met les avec le reste des courses, indiqua James.

— C’est gentil, mais je vais les payer moi-même, répondit Thomas. Mes parents m’ont justement donné de l’argent pour des achats comme ça.

— Allez, donne moi ça, rétorqua James. Considère ça comme un cadeau improvisé.


Thomas était gêné, il appréciait le geste mais ne voulait pas profiter de la gentillesse de sa famille d’accueil. Les gestes d’attention qu’il avait déjà reçu lui semblait bien assez.

Tracy paya, puis tout le monde se dirigea dehors. Thomas et Alicia se chargèrent de déposer les quelques sacs dans le coffre du 4x4, et James y mit l’imposant fut de bières sans aucune difficulté. Ils furent rejoint par Tracy, partie ranger le caddie, et tous s’installèrent dans la voiture.


* * *


Les maisons défilaient sous le regard admiratif de Thomas. Il voyait enfin de ses propres yeux un pan caractéristique de la vie américaine. Si en France, les maisons sont quasiment toutes clôturés par une haie ou un simple grillage, il n’en était pas le cas aux États-Unis. À mesure que la voiture s’engageait dans le quartier, Thomas ressentait le charme de ces rues grandes ouvertes et pouvait sentir une douce odeur d’herbe coupée à travers la vitre abaissée. Les maisons n’étaient pas particulièrement luxueuses et se ressemblaient toutes plus ou moins, cependant les rues étaient bien entretenues et la végétation très présente. Dans ce décor qui semblait sortir tout droit du série, Thomas aperçu un groupe d’enfants jouer au ballon. Plus loin, des jeunes filles s’adonnaient à une bataille de pistolets à eau, et une grand-mère s’occupait avec beaucoup de soin des plantes de son jardin.


Quelques minutes après ce spectacle, la voiture ralentit et s’engouffra dans une allée en sens unique. Une épaisse forêt se dressait quelques dizaines de mètres plus loin, juste derrière ce qui ressemblait à un grand rond point sans terre-plein central, comme si la construction du quartier n’était pas allée à son terme. Très vite, James tourna à droite et arrêta la voiture devant une grande porte de garage aussi blanche que celle-ci.


— On est arrivé, dit-il. Thomas, bienvenue dans ta nouvelle maison.


Alors que tout le monde sortit de la voiture et se dirigea vers le coffre, Thomas prit un instant pour contempler la maison qui lui faisait face. Comme toutes les autres, elle n’était pas particulièrement jolie, mais pas moche non plus, tout comme elle n’était pas défraichie mais ne semblait pas récente pour autant. La maison des Walker était en somme une maison des plus banales, et absolument pas une villa au bord de l’eau comme l’avait justement indiqué Alicia.


— Thomas, viens m’aider s’il te plait.


Thomas ne se fit pas prier et rejoignit James à l’arrière du véhicule.

— Les filles sont parties déposer les courses à l’intérieur. Je vais avoir besoin de toi pour amener ce fut de bière dans le garage.

— Pas de problème.


Alors, James actionna l’un des boutons de la minuscule télécommande qu’il avait en main. Un léger crissement de métal se fit entendre tandis que la porte du garage commença à se lever. Thomas empoigna l’une des anses du fut de bières et James en fit de même de l’autre côté. Ils levèrent l’imposant objet sur les quelques mètres qui les séparaient de l’intérieur du garage. Malgré toute la force que Thomas mettait dans l’exercice, le fut penchait très significativement du côté de James, signe que celui-ci était en train de faire la majeure partie du travail. Après avoir posé le fut par terre et libéré sa main gauche, Thomas commença à inspecter le garage du regard. Comme le 4x4, l’intérieur de celui-ci était impeccable. Un petit établi prenait place au fond, accolé de compartiments de rangement de différentes tailles.


Soudain, Thomas fut surpris par James qui lui tenait fermement les épaules. Celui-ci le regarda droit dans les yeux et lui dit :


— Je suis désolé d’avoir à utiliser ce stratagème mais il fallait que je te parle sans que les filles soient au courant

— Ok, répondit timidement Thomas

— Je ne te ferai pas la leçon sur les règles à adopter dans cette maison, Tracy s’en chargera sûrement de toute façon. Mais je voulais te parler seul à seul pour te dire quelque chose de tout aussi important.


Thomas commençait à être nerveux. James adoptait maintenant un ton sérieux qui, additionné à sa carrure massive, le rendait quelque peu mal à l’aise.


— Tu sera nourri, logé et blanchi. Nous t’accueillons à bras ouverts sous notre toit, et nous sommes heureux de te compter parmi nous. Désormais, tu fais partie de notre famille.


À ces mots chaleureux, Thomas se sentit légèrement plus détendu.


— C’est pourquoi tu dois considérer Alicia comme ta soeur. Je te demande donc de veiller sur elle. Comme un grand frère, insista-t-il.


Thomas avait du mal à comprendre pourquoi James évoquait Alicia, et s’il s’agissait d’un conseil ou d’une réprimande.


— Thomas, je peux te faire confiance ?


Thomas sortit de ses pensées et acquiesça timidement de la tête.


— Désolé de te faire subir ça d’entrée de jeu, mais je suis un père protecteur, on ne se refait pas. Et j’ai horreur des garçons qui tournent autour de ma fille.

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