Chapitre IV - "Réalité"

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 Assis à une vieille table en bois au fond d’un petit bar, j’observai Oria prendre avec sa cuillère de grandes bouchées d’une énorme crème glacée garnie de fruits rouges frais et de chocolat. En la voyant manger, le souvenir du pari de ce matin me revint à l’esprit. Légèrement perturbé par les images que mon subconscient m’envoyait, je secouai la tête pour chasser toutes ces mauvaises pensées. La glace m’avait coûté 1.100 crédits, ce qui était le prix d’un repas complet, mais une promesse est une promesse. Elle avait mis sa tenue favorite ce jour-là. Composée d’une chemise blanche un peu longue, d’une jupe noire bordée d’une ligne claire et d’un gilet fin également noir, le tout venait s’équilibrer avec une touche de couleur rouge au niveau du haut de chacun de ses bras, où de petits bandeaux étaient attachés. Si celui de l’épaule gauche était bien serré, l’autre laissait une bande de tissu d’une vingtaine de centimètres flotter librement. Je ne voyais pas sous la table, mais je devinai qu’elle portât ses baskets noires surélevées au niveau du talon et ses collants préférés, en fibre réfléchissante sombre, remontant jusqu’au bas de la cuisse. Ses longs cheveux d’argent étaient ramenés en arrière et attachés de manière coiffés-décoiffés, leur laissant un volume et une liberté importants. Seule une épaisse mèche était restée à l’avant et venait couvrir le coté droit de son visage, juste au dessus de l’oeil.

Oria: “ Finalement, jusque-là on a pas trop eu d’ennuis. “

 Depuis que nous étions partis du centre, nous avions réussi à nous frayer un chemin parmi la foule sans trop de difficulté. Camouflés à l’intérieur de la masse, il était difficile d’être reconnus. J’avais demandé à Oria de baisser la tête pour éviter que l’on ne voit ses yeux, et j’avais fait de même. C’était là le seul et unique moyen de nous différencier d’un humain normal. Si de nombreuses couleurs naturelles d’iris avaient fait leur apparition depuis l’infection Yajuu chez les humains, tel que rose ou violet, la couleur jaune vif s’avérait être exclusive aux Hybrides. Cependant, malgré mes précautions…

 Quatre hommes poussèrent chacun leur tour la porte du bar où nous étions et prirent place à une table à droite de l’entrée. Oria qui venait de finir sa glace poussa un long soupir.

Oria: “ Tu penses comme moi ? “

“ Oui, je les ai remarqués depuis un bon moment. Il nous suivaient dans la foule tout à l’heure. Je ne pensais pas avoir des ennuis aussi tôt. “

Oria: “ Bon… Je les démonte et je reviens… “

Je posai ma main sur l’épaule d’Oria pour la faire s’asseoir. Rapidement, je jetai un oeil pour essayer d’analyser un peu plus la situation. Aucun d’entre eux ne faisaient moins d’un mètre quatre-vingt cinq et probablement pas moins de cent vingt kilos non plus. Trois d’entre eux avaient le crâne rasé et de multiples tatouages sur les bras. Le quatrième, qui semblait être le leader du groupe avait de longs cheveux blonds rejetés en arrière, une paire de lunettes de soleil au niveau du col de son débardeur gris et une cigarette à la bouche. Ils ricanaient tous ensemble et deux d’entre eux nous regardaient directement.

Oria: “ Tu sais très bien qu’ils ne nous laisseront pas sortir, autant leur montrer qu'ils ne font pas le poids, à force ils finiront bien par comprendre. “

“ C’est exactement ce qu’ils cherchent, si on commence à tabasser des gens dans des bars à peine une heure après notre sortie… Déjà que la réputation des Hybrides n'est pas terrible… “

Oria: “ Alors on fait quoi ? “

“ J’ai ma petite idée… Suis-moi en restant à ma gauche. Si ce que je pense est vrai, ils ne pourront pas y faire grand chose. “

 Je me levai lentement et me dirigeai vers la sortie du bar en faisant mine de ne pas les avoir vus. Oria emboitait le pas, collée à mon épaule. Au moment où nous dépassâmes leur table, le blondinet plaça son bras devant moi pour m’arrêter.

???: “ Tu vas où comme ça ? Fais pas l’idiot gamin, tu sais très bien pourquoi on est là… “

Cependant, un simple humain, aussi musclé soit il, ne pourrait posséder tout au plus qu’une vingtaine de pourcents de la force d’un Hybride, et son bras fut dégagé par mon torse comme un branche d’arbuste lors d’une promenade en forêt. Fortement irrité par le fait d’être ignoré, il se leva et sortit une arme de l’arrière de son jean en m’ordonnant de m'arrêter. Le pistolet qu'il pointait sur moi était un Glock 17, une arme à puissance de feu modérée. Cependant, à cette distance, une seule balle pouvait être mortelle. Il beuglait en agitant son jouet dont les mouvements produisaient de légers cliquetis. Mais je n’écoutais pas, concentré sur ses gestes plutôt que sur sa voix. J’avais fait passer Oria devant moi, mais j’étais persuadé qu’il ne tirerait pas. Je sortis du bar et m’engageai dans la rue en marchant comme si de rien était. Même si je ne le regardai pas, je devinai que l’homme encore à l’intérieur devait bouillir de rage vis à vis de mon comportement désinvolte. Cela me fit sourire.

Oria: “ Pourquoi il n’a rien fait ? “

“ C’est bien ce que je pensais… Ils savaient que nous ne connaissions pas la ville et il a tenté un coup de bluff. Cependant, ça fait longtemps que j’observe New Haven à partir des fenêtres du centre. Regarde sur le toit, à 10 heures. “

Oria: “ Il y a une personne… C’est qui ? Un de leurs informateurs ? “

“ Non, bien au contraire. C’est un membre de l’Académie chargé de surveiller la ville. Je les ai vus opérer, ils sont équipés de snipers, et ils n’hésitent pas à tirer… “

Oria: “ Il voulait qu’on déclenche une bagarre pour que l’on se fasse tirer dessus par les gardes ? “

“ Exactement, mais c’est aussi pour ça qu’il ne pouvait rien faire. Tant que l’on reste à proximité de ces gardes, personne ne pourra nous faire plus que des menaces. “

Oria: “ Ça devrait nous simplifier la tâche. Mais au final, pourquoi il nous traquent comme ça… Je veux dire, c’est pas comme si ça leur changeait la vie qu’on soit des Hybrides. “

“ Je pense que ce sont des chasseurs de primes. Ils doivent êtres payés par des gens que les Hybrides dérangent d’une manière ou d’une autre. “

Oria: “ Au moins à l’Académie on aura pas ce genre de problèmes… “

“ Non, mais le regard des autres ne sera pas beaucoup mieux qu'ici. “

 Pour éviter toute complication comme celle de toute à l’heure, nous décidâmes d’aller directement à l’Académie. Devant l’immense bâtiment, Oria ne pût s’empêcher de s’exclamer de surprise. Si il n’avait rien à voir en terme de hauteur avec Central Spire du haut de ses ‘petits’ soixante mètres, il était franchement impressionnant de par la place qu’il occupait. L’Académie prenait la forme d’une immense pyramide à base pentagonale dont chaque côté devait mesurer une centaine de mètres. De cette pyramide émergeaient de nombreuses ‘tiges’ métalliques verticales qui supportaient un disque d’une dizaine de mètres supplémentaires et d’une surface quasi-équivalente à la base de la structure. L’ensemble formait une forme proche de celle d’un sablier un peu déformé. Le tout était constitué d’un métal foncé entrecoupé de très nombreuses lignes lumineuses bleu ciel, correspondant au réseau d’énergie Chromion. Nous nous approchâmes de ce que nous supposions être l’entrée, un long couloir de quatre mètres de large dont le bout était trop lumineux pour y distinguer quoique ce soit. Oria me regarda avec hésitation, puis fit le premier pas dans le couloir. Nous avançâmes rapidement, curieux à l'idée de découvrir ce qui nous attendait au niveau de l’aveuglante lumière. Arrivés à la moitié du couloir, nous croisâmes deux élèves de l’Académie qui s’arrêtèrent de parler et baissèrent la tête en passant à coté de nous. Oria se tourna vers moi avec une expression triste, elle était inquiète que tout le monde nous rejette. Je lui pris la main pour lui faire comprendre qu’elle ne serait pas seule, quoiqu’il arrive. Elle souria, puis elle se mit à courir en m’emmenant avec elle et nous atteignîmes rapidement la fin du tunnel.

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