Chapitre V - "L'Académie"

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 Nous restâmes figés devant le spectacle qui s’offrait à nous. L’intérieur de l’Académie ne ressemblait à rien que nous avions pu voir jusqu’ici, même dans nos livres de cours. L’espace entier à l’intérieur de la pyramide était creux et laissait place à une salle gigantesque illuminée de milles couleurs. Comme pour Central Spire, l’architecture était 'circulaire', avec au centre une sorte d’arène géante creusée dans le sol, entourée de gradins. Tout autour, au rez-de-chaussée, s’étendaient magasins, restaurant, salles de jeux ou encore salles de cinéma, et ce jusqu’à l’autre bout de la structure. Des dizaines d’élèves mangeaient devant les échoppes en discutant. D’autres poussaient de gros chariots remplis de munitions lourdes, et d’autres encore se baladaient en rigolant. Dans chaque angle du pentagone montaient de grands ascenseurs entièrement en verre, de forme sphérique, qui desservaient la dizaine d’étages du bâtiment. Chacun d’entre eux longeait le contour de l’Académie en un grand balcon lumineux. Vu d’en bas, je fis l’hypothèse que le premier étage devait servir de dépôt d’armes et de salles de cours. L’éclairage était apporté par les nombreux orbes attachés aux étages élevés par de longs filaments, ainsi que par les myriades de néons et affiches illuminées des magasins tout autour de nous. En comparaison à l’asphalte et au métal froid de l’extérieur, l’ambiance chaleureuse et luminescente de l’intérieur de l’Académie était bien plus confortante.

“ C’est magnifique… “

Oria: “ C’est notre nouvelle maison, Haru. “

Ses yeux étaient remplis d’étoiles. Ce n’était pas le simple reflet des lumières de la grande salle, mais bel et bien l’éclat pur et vibrant des yeux d’une jeune fille découvrant de nouvelles merveilles à chaque seconde depuis maintenant plus d’une heure. Mes yeux se détachèrent des siens pour se poser sur un guichet à quelques mètres de nous. Un homme au cheveux mi-longs et habillé en costume remplissait des papiers compliqués derrière une petite vitre sur laquelle on pouvait lire ‘Accueil’. C’était sans doute le meilleur endroit pour commencer notre visite de l’Académie. Je m’approchai du comptoir et haussai la voix.

“ Bonjour. Pourriez-vous nous indiquez l’emplacement du bureau de Mme Himura ? “

L’homme s’arrêta de remplir ses fiches et me dévisagea pendant quelques longues secondes, sans dire le moindre mot. Après avoir replongé son nez sur son travail, il me répondit enfin.

Homme de l’accueil: “ Prenez l’ascenseur jusqu’au premier étage. Tout est indiqué sur les panneaux situés dans les angles du bâtiment. “

Je le remerciai promptement avant de rejoindre ma soeur.

Oria: “ J’ai faim ! “

“ Quoi ? Après la glace que tu as avalée tout à l’heure... Comment est-ce que tu fais pour avoir encore avoir faim ? “

Oria: “ Regarde tous ces restaurants, qui n’aurait pas faim en voyant ça… “

“ Je te l’accorde, ils donnent tous envie. De toute manière on a du temps avant le rendez-vous, donc on a qu’à choisir un restaurant et commander un repas. “

Oria: “ Celui-là ! “

Oria pointa du doigt un restaurant plus petit que les autres, légèrement caché par la devanture d’un grand magasin de jeux vidéos. Une pancarte sur laquelle était dessiné un énorme bol de ramen coiffait le cadre de la porte. Contrairement aux autres établissements couverts de néons colorés, ce restaurant paraissait plus traditionnel.

“ Tu as toujours adoré la nourriture japonaise… Ça me va, allons-y. “

Je suivis Oria qui gambadait jusqu’à la vieille porte en bois de ce restaurant qui se démarquait par sa simplicité. Au moment où elle entra, le haut de la porte heurta une petite clochette qui tintilla dans un écho aigu. L’intérieur ne payait pas de mine, mais dégageait une aura particulière de bien-être. L’ensemble de l’espace ne comportait que deux tables de quatre personnes et un long bar où s’alignaient cinq chaises hautes. Un volet jauni recouvrait l’unique fenêtre, empêchant les lumières colorées de s’introduire en ce lieu de paix. À la place, un grand lampion illuminait la pièce d’une chaude lueur orangée. Une femme plutôt agée, aux traits asiatiques, nous salua chaleureusement à notre arrivée. Ses cheveux grisonnants coiffés en chignon, ses habits typiques et les traits marqués de son visage lui donnait un air sage, presque mystique. Une seule cliente était assise au bout du bar. La jeune fille, ayant visiblement à peine notre âge, se retourna en nous observant avec de grands yeux. Elle aspira les nouilles qui lui chatouillaient le menton et contre toute attente, nous lança un grand sourire avant de revenir à son repas. Surpris, je regardai Oria comme pour vérifier que je n’avais pas rêvé, mais elle n’y avait pas prêté attention, bien trop occupée à lorgner la liste sur le menu au dessus du bar.

Patronne: “ Vous êtes nouveaux ? Je ne vous ai jamais vu ici. “

Oria: “ On commence aujourd’hui. On a rendez-vous avec Mme Himura à 15H. “

Patronne: “ Vous connaissez Sonia ? Elle a pour habitude de manger ici assez régulièrement. Alors, qu’est-ce que vous prendrez ? “

Le ton amical de la commerçante me mit du baume au coeur. Il y avait donc des gens qui ne se préoccupaient pas de notre condition. Depuis notre sortie du centre, elles étaient, elle et la fille à coté de nous, les seules à avoir échangé un regard avec nous. Je ne me serais jamais imaginé en train de parler ouvertement avec qui que ce soit avant quelques jours au minimum.

Oria: “ Qu’est-ce que prend Mme Himura quand elle vient. “

Patronne: “ Sonia prend toujours le même repas. Un bol “Spécialité Maison” et une chope d’Happōshu. “

“ Qu’est-ce que c’est ? C’est alcoolisé ? “

Patronne: “ Très peu. C’est une bière que je fabrique moi-même. Il ne devrait pas y avoir plus de 3% d’alcool. “

“ Bon, ça te va, Oria ? “

Elle acquiesça d’un grand signe de la tête.

“ Et bien deux “Spécialité Maison” et deux chopes de votre bière artisanale. “

Patronne: “ C’est parti. “

La commande faite, elle s’éclipsa dans la cuisine pour tout préparer. Rapidement, la salle fut emplie d’une odeur épicée alléchante. Une vingtaine de minutes plus tard, nous nous trouvions devant un immense bol de vingt-cinq centimètres de diamètre remplie d’une soupe orangée et de nouilles, coiffées d’un oeuf coupé en deux, de trois généreuses tranches de poulet frit et d’un narutomaki. Après avoir souhaité un bon appétit à ma soeur, je pris une bouchée de ce mets fumant. C’était un véritable délice… J’appréciai chaque bouchée, les unes après les autres, découvrant avec plaisir les joies d’un repas préparé par une vrai cuisinière. C’était incomparable aux repas à réchauffer du centre, qui bien que nutritifs, avaient un goût fade et une consistance pâteuse.

Oria: “ Ch’est trop bon. “

Oria semblait apprécier ce repas autant que moi, si ce n’est plus. Pendant les longues minutes qui nous ont été nécessaires afin de finir ce copieux repas, nous avions eu le temps de discuter un peu avec la gérante. Elle s’appelait Yae et était originaire du Japon. En voyage en Allemagne avec son mari pendant le début de l’infection, elle n’avait pas pu retourner chez elle et avait dû se débrouiller avec le peu de connaissance des langues occidentales qu’elle avait. Elle avait rencontré Sonia Himura, la future Ryoushi légendaire après que son mari se soit fait infecter par un Yajuu. Cette dernière lui avait sauvé la vie et l’avait emmenée à New Haven. Elle y avait ouvert ce petit restaurant et depuis les onze dernières années, elle mettait au service de ceux qui fréquentait son établissement son excellente cuisine.

Yae: “ Bon assez parlé de moi, qu’est-ce qui vous emmène ici ? D’habitude les jeunes intègrent l’académie vers l’âge de quatorze ans… “

“ Nous avons suivi un entraînement à Central Spire. Mme Himura était notre professeure, elle ne vous a pas parlé de nous. “

Yae: “ Ohhh, vous savez, Mme Himura est une amie en or mais elle ne s’est jamais beaucoup confiée à qui que ce soit. Je suppose que M. Akami vous a gardés le temps que vous contrôliez vos pouvoirs… D’ailleurs, en parlant de ça, vous pouvez venir ici sans crainte, je connais bien les clients et je sais que personne ici ne vous jugera. “

Oria était ravie. Un aussi bon repas et un lieu où elle serait acceptée représentaient bien plus qu’elle aurait pu espérer.

Yae: “ Cela doit être si difficile d’être un hybride de nos jours… “

Je me sentais apaisé, mais cette sensation fut de courte durée. Je sursautai en entendant le bruit sec des deux baguettes qui venaient de tomber sur le plancher. La fille qui avait fini son repas s’était levée de sa chaise brusquement, laissant tomber ses baguettes au passage. Bien que je fusse convaincu qu’elle avait à peu près notre âge, elle était plutôt petite. En descendant de la hauteur de la chaise, ses longs cheveux noirs décrivirent une ample courbe avant de se poser sur ses épaules. Elle portait un robe courte sombre dont le bas était bordé d’une ligne verte pomme, le même vert qui illuminait ses iris. Elle nous pointa de l’index de sa main droite, vêtue d’une mitaine similaire à la mienne, et sa voix claire brisa le silence qui s’était installé.

???: “ Vous êtes des hybrides ? “

La question me surprit un peu. J’avais présumé qu’elle s’en était déjà rendu compte puisque nous nous étions regardés directement.

???: “ C’est trop cool ! Vous êtes les premiers hybrides que je rencontre. Vous avez des pouvoirs et tout ? Comme dans les rumeurs ? Y en a qui disent que vous pouvez tuer des classes 3 à mains nues sans aucun effort ! “

“ C’est si rare que ça ? “

???: “ Je pense que vous êtes les premiers à rejoindre l’académie. Les hybrides que j’ai vus à la télé étaient gavés de sédatifs pour éviter qu’ils perdent le contrôle. Vous prenez pas de médicaments vous ? “

“ Non, je n’avais jamais entendu parler de ce genre d’histoire… “

Anna: “ Au fait, moi c’est Anna. Si vous voulez je pourrai vous emmener faire un tour dans la cité académique. J’ai un peu de temps libre. “

“ Non, non, ça ira, on aura le temps de s’y habituer, pas besoin de te déranger. Moi c’est Haru, et elle c’est ma soeur Oria. “

Oria: “ Salut. “

Anna: “ Bon ben je vais rejoindre mon équipe. Passez nous voir à l’occasion, on s’entraîne en salle de simulation demain après-midi. “

“ On y pensera… “

Elle s’éclipsa en un éclair. Pour quelqu’un qui avait ‘un peu de temps libre’, elle paraissait bien pressée. À moins qu’elle ne fût juste hyperactive, ce qui ne m'aurait guère étonné.

Yae: “ Vous voyez, vous réussirez à vous faire une place ici avec le temps. Certain sont déjà prêts à vous accepter. “

“ J’espère… Bien, on va visiter un peu avant notre rendez-vous, combien je vous dois ? “

Vu la quantité et la qualité du repas, je m’attendais à un prix d’au moins mille crédits… Ce qui revenait à cher si on était amenés à y manger régulièrement.

Yae: “ Ça fera 740 crédits s’il-vous-plaît. “

“ C’est tout ? Décidément, je comprends pourquoi Mme Himura apprécie ce restaurant… Je vais aussi payer pour ma soeur si vous voulez bien. “

Yae: “ C’est 740 crédits pour vous deux réunis. “

“ Quoi ? “

A ce prix là, cela devenait de la folie pure. Les 740 crédits ne pouvaient probablement qu’à peine couvrir le prix des ingrédients. La vieille dame me regardait en souriant.

Yae: “ Toutes les charges me sont payées par l’Académie. Je me fais juste le bénéfice nécessaire pour me nourrir. Je n’ai rien besoin de plus que le visage ravi de mes clients pour me satisfaire. “

Je poussai un long soupir en entrant la somme de 1000 crédit sur ma carte.

“ Considérons donc ça comme un pourboire. Avec la promesse de revenir, c’est le moins que je puisse faire au vu de la qualité du repas dont vous nous avez fait profiter. “

Yae: “ Je vous remercie. “

“ À plus tard. “

Oria: “ À bientôt ! “

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