Chapitre II - "Le grand jour"

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Je me réveillai brusquement, sorti de force de mon sommeil par un cauchemar étrange et insensé. Je m’étais vu petit, en train d’affronter un autre hybride pour protéger une fille. Son expression apeurée s’était gravée sur ma rétine, mais il m’était impossible d’y associer les traits d’un visage. Assis sur le bord de mon lit, la froideur intense du sol sur lequel reposaient mes pieds nus me ramena lentement à la réalité. En remarquant le bruit léger de sa respiration, mon corps laissa instinctivement échapper un soupir profond. Je me retournai pour la regarder, pour observer ce visage d’ange endormi avant qu’il ne redevienne un démon déchaîné. Quelques mèches de ses cheveux lui retombaient sur le visage, ondulant sous le souffle de sa respiration. Je me mis au défi de deviner lequel de mes T-shirts elle avait encore enfilé. Curieux, je décidai de vérifier par moi-même. - Si c’est le blanc à rayure, je gagne, sinon, je lui offre quelque chose à manger une fois qu’on sera sorti d’ici. - Doucement, de manière à ne pas la réveiller, je soulevai le drap. En apercevant l’objet de mon pari, je refermai rapidement la couverture. Malgré près de dix-huit années passées à me faire des blagues, il semblait qu’elle pût encore me surprendre… Je lui devais un repas en ville… Je me levai en déglutissant avec difficulté pour me diriger vers mon armoire.

Oria: “ Pervers… “

“ Parce qu’en plus tu ne dormais même pas… Tu peux parler, sérieusement, ce n’est pas moi qui viens dormir dans ton lit. “

Avant de lui laisser le temps de rétorquer, j'attrapai mon T-shirt blanc rayé et lui envoyai en plein visage.

“ Dépêche-toi de mettre ça et d’aller te préparer… “

Oria: “ Merci, mais tu peux te retourner tu sais, ça ne me gêne pas que tu me vois. “

“ Oui, sauf que moi ça me gène… Tsss, quel cas désespéré tu fais. Est-ce que tu as une idée de ce qu’il se passerait si quelqu’un te voyait comme ça dans ma ch...“

Coupé avant la fin de ma phrase, je sursautai par réflexe en sentant ses bras m’enlacer. La chaleur de son corps collé à mon dos se transféra de manière immédiate, me faisant comprendre qu’elle n’avait pas encore eu le temps de mettre le T-shirt que je lui avais envoyé. Je savais pertinemment que je n’aurais pas dû la laisser faire, mais je n’avais pas envie de l’en empêcher aujourd’hui. C’était un jour spécial, surtout pour elle. Un jour qu’elle attendait depuis bien trop longtemps.

“ Juste pour aujourd’hui, hein… “

Oria: “ On va enfin sortir… J’ai un peu peur de voir la réaction des gens quand il verront que nous sommes des hybrides, mais je suis impatiente. “

“ Tout ira bien, tant que tu m’écouteras en tout cas. “

Oria repartit dans sa chambre. Neuf heures quarante-cinq, encore quinze minutes avant notre rendez-vous en salle d’entraînement. Déjà entièrement préparé, je n’eus d’autre choix que d’attendre un peu. Je posai ma tête sur l’oreiller, en faisant lentement le vide dans mon esprit. Si je réfléchissais trop à tout ce qui pourrait se passer une fois dehors, si j’essayais d’anticiper les évènements, j’allais juste me donner mal au crâne… En réalité, le regard des autres ne me dérangeait absolument pas. Ils pouvaient bien dire, penser ou faire ce qu’ils voulaient, ça m’était bien égal. Ce qui m'inquiétait, c’était la réaction d’Oria face à tout ça. Je n’arrivais pas à l’imaginer rester de marbre face à des insultes ou des persécutions.

D’un bref mouvement de tête, je regardai mon réveil. C’était enfin l’heure. J’enfilai rapidement mon gilet avant de foncer vers la salle d’entraînement. Notre père nous avait parlé d’un test final pour tester nos capacités, mais je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Je poussai lentement la porte double de la salle qui grinça en s’ouvrant. Par réflexe, je plaçai mon bras de manière à protéger mes yeux de l’intense lumière qui inondait la pièce. La salle d’entraînement était immense. D’une cinquantaine de mètres de diamètre avec une hauteur d’au moins autant, l’imposant dôme était recouvert d’une matière métallique réfléchissante qui avait pour capacité, en plus d’être extrêmement résistante, de pouvoir changer de forme pour simuler différentes structures pour les mises en situation. De multiples spots puissants éclairaient l’ensemble, donnant l’impression que les murs et le sol se confondaient en un espace immaculé infini. Oria se trouvait au centre et agitait ses bras pour attirer mon attention. Je lui fis signe de la main pour lui montrer que je l’avais vue, mais comme réponse, elle pointa du doigt la cabine à partir de laquelle on gérait les simulations. En regardant bien, j’arrivai à percevoir la silhouette de mon père à l’intérieur de celle-ci. Oria semblait vouloir me dire d’y aller. Sans trop y réfléchir, je m'exécutai et rentrai dans la cabine où mon père m'attendait avec le même air strict qu’à son habitude.

Tensei: “ Salut. Tu arrives juste à temps. Je préfère te prévenir à l’avance, Oria sera la seule à effectuer ce test.. Enfin… En fait, c’est plus une démonstration qu’un test. Je veux te montrer ce dont elle est capable pour que tu réalises les raisons pour lesquelles je pense qu’il n’y a plus d’espoir. “

“ Tes méthodes ne me plaisent vraiment pas, je te l’ai déjà dit… Bref, qu’est-ce que tu comptes lui faire faire ? “

Tensei: “ Elle va affronter une Reine de classe 5. “

Stupéfait par sa réponse aberrante, je restai bouche bée pendant quelque secondes avant de pouvoir répondre.

“ C’est de la folie… Elle est forte, mais un classe 5 ? Et une Reine par dessus tout… Même Oria n’en sera pas capable. Il y a un fossé énorme entre un classe 4 et un classe 5. “

Tensei: “ Regarde-la, est-ce vraiment l’impression qu’elle renvoie ? Tu n’as pas été corrompu au même point qu’elle… Cela fait bien longtemps qu’elle n’est plus humaine… J'ai vu une multitude d'Hybrides au cours de ma vie, mais je n'en ai jamais vu dégager autant de Chromion... “

Je me retournai pour regarder à travers l’épaisse vitre de la cabine… Je ne l’avais jamais vue comme ça… Tout son corps était entouré d’une large aura, d’un orange profond et intense. Les lumières de la salle désormais éteintes, l’éclat de ses yeux perçait l’obscurité avec insistance. Les muscles de tout son corps s’étaient contractés à leur maximum, forçant ses doigts, semblables à des griffes, à se crisper. Ses cheveux, soulevés par l’énergie qui émanait de son corps, ressemblaient à des flammes ardentes dont sa combativité en serait le comburant. Dans ma tête, les derniers mots de mon père résonnaient et heurtaient mon crâne comme des marteaux. - Elle n’est plus humaine - Malgré la vision glaçante du monstre qui se tenait au milieu de cette pièce, je n’arrivais toujours pas à m’y résoudre. Notre père ne voyait pas son sourire, il ne voyait pas sa grâce, il ne voyait pas son visage endormi, il ne voyait pas sa détermination, il ne voyait pas son amour. Il ne la voyait pas comme elle était. Il ne pouvait que voir cette masse noire emplie d’énergie destructrice, ressemblant bien plus aux monstres qu’il avait toute sa vie chercher à combattre plutôt qu’à sa propre fille...

Tensei: “ Début de la simulation. “

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