Chapitre 25 : La Zonëa

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Un nombre incalculable d'Elementaris traversaient la place centrale et se pressaient vers le côté sud de Thorlann. Sans hésitation, je suivis Kacelia qui se glissa dans l’immense groupe dont l’enthousiasme si palpable me permit de passer inaperçu. Envahi par la joie qu’ils ressentaient, les effets de ma discussion avec Eonia disparurent. Des enfants tiraient les bras de leurs parents pour accélérer le pas, tout en secouant des cloches au son assourdissant. Des adultes portaient des foulards bleus ou rouges autour de leurs bras ou encore de leur front, selon l’équipe qu’ils supportaient sans doute. Je vis aussi quelques banderoles bleues avec ce qui ressemblait à un frelon dessiné dessus.

« Je suis certain qu’Alatorn saisira la balle avant Tenëma ! s’exclama alors un Elementaris à ma gauche d’une voix enchantée.

— Tu rêves ! riposta son voisin aux yeux couleur charbon. Tenëma est peut-être moins bon dans sa maîtrise de l’air mais il est bien plus habile qu’Alatorn. Et puis, n’oublie pas qu’avec Daisyatïs dans son équipe, il a un sérieux avantage ! Elle défend probablement mieux que quiconque ses coéquipiers et…

— Et Kalya n’en fera qu’une bouchée, l’interrompit une Elementaris qui devait être sa femme. Elle est sans aucun doute la plus prometteuse des guerrières de sa génération.

— Tu dis ça uniquement parce que Neïlis, sa mère, est ton amie… »

J’eus juste le temps voir sa femme lui tirer l’oreille avant que la foule ne nous sépare. Mais je restai troublé par ce que je venais d’entendre.

« Ta sœur joue au Dænami ? questionnai-je à Kacelia.

— Je pensais que tu le savais déjà ! s’étonna-t-elle. Elysion et elle le pratiquent depuis des années ! »

Je soupirai. Je ne pouvais pas croire qu’ils n’avaient pas trouvé le temps de m’en parler alors pourquoi diable ne pas me l’annoncer ?

« Je suppose que ma sœur voulait te surprendre, me répondit mon amie après le lui avoir demandé. Tu sais, pour t’impressionner et te prouver que notre peuple est plus impressionnant que le tien.

— Prétentieuse… maugréai-je.

— Heureusement que ce n’est pas de famille, ricana sa sœur. »

Pour être franc, je n’avais pas pensé que Kalya et Elysion puissent pratiquer ce sport. Mais je n'étais pas tellement surpris d’apprendre qu’ils pratiquaient l’unique sport de leur cité : ils avaient tous deux des caractères de sportif et maîtrisaient un élément, la seule obligation pour participer. Sans oublier que Kalya adorait la compétition et la combativité, cela mon postérieur l’avait appris à ses dépens. Malgré tout, j’étais agacé qu’ils ne m’aient pas mis au courant plus tôt.

Je me retrouvai à présent à côté d’un vieil Elementaris à la démarche gauche. Il était accompagné par un enfant, plus jeune que Kacelia, qui contenait mal son excitation à l’idée d’assister au match.

« Tu sais qui est mon joueur préféré, grand-père ? s’extasia le jeune garçon en sautillant tout en avançant. C’est Thorn ! Il est tellement fort et sa maîtrise de la terre est quasi parfaite ! Taliyah ne pourra rien contre lui !

— Je te crois, Eowarden, rit son parent. »

Moi-même, je souris. Les prunelles foncées du jeune Elementaris croisèrent alors les miennes et, comprenant probablement que je l’avais entendu, il rougit et décida de rester silencieux durant la suite du trajet.

Je reportai mon attention sur Kacelia :

« Tout le monde aime le Dænami ici ?

— Une grande partie, me répondit-elle en hochant la tête. Mais certains trouvent que c’est barbare. Je ne suis pas d’accord, ce sport est d’une beauté inégalable tant dans ses stratégies que dans ses actions.

— J’ai hâte de voir ça. Mais où se passe la…

La fin de ma phrase se perdit. Nous venions d’atteindre le haut d’une colline et, face à nous, une forme tout aussi étrange que la Tour des Cieux perçait le plafond des arbres. Éclairé par les derniers rayons du soleil, je crus d’abord que ma vue était abusée avant d’admettre que ce n’était pas le cas.

« Un nid… murmurai-je, stupéfait.

Zonëa dans ma langue, me glissa Kacelia. Impressionnant, pas vrai ? »

Je ne pouvais pas la contredire. La Zonëa était si semblable à un nid que je m’attendais à voir un oiseau géant atterrir pour s’y nicher. En plissant les yeux, je découvris que c’étaient, non pas des brindilles, mais des arbres qui formaient cette impressionnante structure. Leurs branches atteignaient des longueurs spectaculaires et s’étendaient sur le côté pour s’enlacer à celles de leurs voisins. Et comme pour suivre leur exemple, les troncs aussi étaient penchés, comme tordus, et se reliaient les uns aux autres. Des arbres dont les bras, longs de plusieurs dizaines de mètres, s’entre-mêlaient par dizaines pour former une paroi plus impénétrable qu’une muraille de ronce. Tout cela formait un complexe immense capable, sans aucun doute, d’accueillir plusieurs milliers d’individus.

Immobile, alors que les Elementaris nous dépassaient sans s’arrêter, mon cerveau essayait de comprendre comment ce lieu pouvait être naturel.

« Lorsque nous avons inventé ce sport, m’expliqua Kacelia, le souci était de trouver un endroit où nous ne risquions pas d’effrayer les animaux ou de blesser la forêt par mégarde. Cela semblait impossible et, pourtant, Thorlann a répondu à notre souhait en nous offrant la Zonëa. En l’espace de quelques semaines, toute la végétation a changé dans cette zone : les animaux ont déserté le périmètre et les arbres sont devenus si épais et résistants qu’ils pouvaient faire face aux plus grosses intempéries et même au feu. Et comme tu l’as probablement déjà remarqué, ils se sont courbés pour prendre ces formes particulières dans le but de former une barrière avec un intérieur isolé où nos pouvoirs peuvent être libéré sans risque.

— C’est incroyable, balbutiai-je.

— Je suis d’accord, approuva la jeune Elementaris. Nous pouvons manier les éléments mais modifier leur composition, cela nous est impossible. Nous n’aurions pas pu créer cet endroit. Alors si tu penses que nos pouvoirs résultent de la magie, moi je trouve que c’est ce genre de miracle qui devrait porter ce nom. (Elle m’offrit encore quelques secondes avant de prendre ma main et de me tirer en avant) Allez Peter ! Nous devons y aller ! »

Je la suivis avec excitation en direction du nid et descendis la colline à grande foulée. Plus nous nous approchions, plus je me rendais compte que j’avais mal jugé la taille de la Zonëa. Elle grandissait à vue d’œil, plus encore que mes estimations. De plus, le vacarme de la foule ne faisait que croître. Je pouvais ressentir leur excitation à l’approche de la compétition.

La foule s’engouffrait dans la seule ouverture laissée par les végétaux et, lorsque ce fut enfin à notre tour de passer, nous débouchâmes au cœur du nid. Je savais que le terrain se trouvait au centre mais la masse d’Elementaris m’empêchait de voir à quoi il ressemblait. Cependant, mon regard fut aussitôt capté par les larges estrades de bois qui flottaient dans les airs à des dizaines de mètre de haut sans raison apparente. Certaines se trouvaient plus bas, et d’autres encore plus haut. Et le plus incroyable c’est qu’elles se déplaçaient à vitesse régulière, faisant des tours autour du terrain.

Celles à ma gauche étaient colorées en bleu et celles à ma droite en rouge.

« Où allons-nous exactement ? hurlai-je au creux de l’oreille de mon amie. »

Elle me désigna une partie tribune dans la deuxième rangée la plus haute, coloré de blanc comme neige contrairement aux autres. Sans poser de question, j’acquiesçai de la tête et nous progressâmes en tâchant de ne pas nous laisser emporter par la foule. Heureusement, nous n’eûmes pas besoin de jouer des épaules pour nous frayer un chemin, la plupart des Elementaris sentaient ma présence malgré l’exaltation général et s'écartaient subitement. Quelques-uns me dévisagèrent mais la plupart m’ignorèrent, trop occupé à débattre sur des pronostics ou à chercher des places. J’en entendis même parier une semaine de nettoyage de fumier !

Une fois en dessous du gradins blanc désigné par Kacelia, je cherchai un moyen de le rejoindre. Je ne me pensais pas capable de bondir aussi haut, il devait se trouver à une bonne trentaine de mètres. Sauf en volant, je ne voyais pas comment le rejoindre.

« Comment allons-nous monter ? demandai-je à ma jeune amie.

— Quelqu’un devrait s’en charger… Tiens regarde ! »

À quelques pas de nous, la terre se soulevait pour porter un groupe de huit Elementaris. Puis, comme un ascenseur au ralenti, la terre s’éleva jusqu’à rejoindre la plateforme de l’estrade au troisième étage où les supporters purent rejoindre leur place. La terre redescendit et se relogea à son ancienne place comme si elle n’en avait jamais bougé.

« Les Gardiens de la terre, devinai-je.

— Et ceux de l’air, compléta Kacelia. Sans ces derniers, les Waléoa Galiena ne pourraient pas extraire une telle masse de terre hors de la gravité. Même si tu ne l’as pas vu, l’air la poussait par dessous pour lui permettre d’atteindre une telle hauteur. Je crois que, sans cela, ils ne peuvent pas faire flotter la terre à plus de deux mètres. »

Maintenant qu’elle le disait, il me semblait que Talane me l’avait brièvement expliqué plus tôt dans la journée. À mes yeux, l’utilisation de deux éléments pour réaliser une même action était stupéfiante. Cela démontrait encore une fois l’harmonie magique présente chez les Elementaris de tous types. Serais-je un jour capable de faire de même ?

Soudain, je sentis la terre trembler juste sous mes pieds. Un instant surpris, et quelque peu effrayé, j’esquissai un mouvement de recul mais Kacelia me retint fermement par la main.

« C’est à notre tour, ne bouge pas ! »

Je me détendis en remarquant son sourire en coin et laissai les Waléoas faire leur travail. Lentement mais sûrement, nous finîmes par arriver sur la plateforme de bois blanc où nous posâmes les pieds.

Là, le Kalheni nous accueillit, le sourire aux lèvres.

« Bonjour grand-père ! s’écria la jeune fille en le serrant dans ses bras.

— Ravi de te voir, répondit-il en riant. Et toi aussi, Peter.

— Bonjour Eldaf, répondis-je en exécutant le signe traditionnel. »

Je posai mon index et mon majeur sur mon front tandis que j’inclinai la tête. J’avais espéré être respectueux en faisant cela et j’avais apparemment vu juste : une étincelle de fierté brilla dans les yeux de l’Ancien.

« Je vois que tu t’habitues à nos us et coutumes.

— Je fais de mon mieux, répondis-je en esquissant un sourire.

— C’est de cette manière que tu trouveras ta place, assura-t-il.

— Venez, nous interrompit Kacelia avec excitation, ils vont bientôt commencer !

— Je te rappelle que c’est moi qui donne le signal de départ, s’esclaffa le Kalheni avant de la suivre. »

Il alla s’asseoir sur un coussin blanc, jambes croisées, et salua Talane, le Kalhn de la terre qui venait d’arriver. De l’autre côté du Kalheni se trouvait le massif Kalhn du feu borgne, nommé Anathone. Son œil se posa furtivement sur moi avant de contempler de nouveau le terrain. Le tapage des supporters emplissait toute la Zonëa. Face à nous, les personnes en faveur des rouges tapaient de leurs mains et de leurs pieds dans un rythme effréné.

Mes oreilles s’étaient accoutumées à ce vacarme mais je restai impressionné. Je n’étais jamais allé voir un match de sport auparavant, était-ce similaire chez les humains ? Je me jurai de le faire au moins une fois dans ma vie. Finalement, je m’avançai au bord du gradin et découvris un peu moins de huit mille Elementaris envahir le nid. C’était tout simplement stupéfiant ! Je ressentais de nouveau l’aura d’énergie qui émanait d’eux, comme lors de mon discours quelques jours plus tôt. Thorlann était si grand qu’en voir autant au même endroit n’arrivait qu’en cas d’événements particuliers comme celui-ci.

Kacelia me rejoignit. Elle aussi trépignait d’impatience.

« Tu vois la petite bâtisse là-bas ? cria-t-elle pour se faire entendre. (Elle la pointa du doigt et j’acquiesçai de la tête) Les joueurs sont dedans et attendent le début ! »

La bâtisse en question était située en dessous des estrades rouges, collée au rebord du nid. En en sortant, les joueurs se trouveraient immédiatement exposés à la vue de tous et entreraient sur le terrain.

À présent il faisait presque nuit et la rare luminosité était filtrée par les parois de la Zonëa. Alors que je m’apprêtais à en faire la remarque à Kacelia, une intense lumière m’éblouit et me força à détourner le regard. Lorsque mes yeux se furent habitués, je découvris quatre grandes boules de feu, tels des soleils miniatures, qui repoussaient à présent l’obscurité et offraient une vue dégagée sur le terrain. Un même nombre d’Elementaris de feu se trouvaient sur le terrain et venaient probablement de les produire.

Mon regard balaya le terrain dont je pouvais enfin capter toutes les spécificités. Être ainsi en hauteur m’offrait une vue panoramique, ce qui n’était pas possible d’en bas. À vue d’œil, deux terrains de tennis en longueur et un peu moins en largeur. Par contre, la ressemblance s'arrêtait là. Encore une fois, les Elementaris avaient mis en avant leur connexion avec la nature.

Un ruisseau de deux mètres de largeur, qui devait venir directement d’une des branches du Lithán, serpentait dans de multiples va-et-vient. Au centre, de grands rochers de presque trois mètres de haut bordaient cette portion de la rivière. Les quatre coins étaient délimités par d’énormes bols de cuivre suffisamment profond pour que je puisse y prendre un bain. Ils étaient remplis de charbons rougeoyants. L’herbe qui recouvrait le sol était suffisamment haute pour dissimuler les pieds des concurrents. Aucun arbre n’était visible à l’intérieur, ce qui offrait un aspect dégagé que j’avais rarement vu à Thorlann.

« Regarde ! s’exclama alors Kacelia, me sortant de ma contemplation. Ils vont allumer les vasques ! »

Je suivis son regard et vis les mêmes Elementaris du feu déposer leur main sur chacun des bols remplis de charbons et, en l’espace de quelques secondes, d’immenses flammes naquirent pour ajouter leur chaleur à celle des quatre sphères embrasées qui flottaient au-dessus du terrain.

Cela servit de signal à Eldaf qui se leva et s’approcha du rebord du gradin. Kacelia me tira par la manche et me fit m’asseoir sur un coussin, à côté d’elle. En l’espace de quelques secondes, le tumulte général s’estompa, ce qui fit grand bien à mes pauvres oreilles.

Tous les Elementaris semblaient avoir senti leur meneur s’avancer.

« Salutation à tous, mon très cher peuple, clama Eldaf. Nous sommes réunis ce soir pour un événement que vous attendez tout autant que moi : la finale de notre compétition de Dænami ! »

Il avait parlé d'une voix forte qui résonna avec puissance et lui permit d’être entendu de tous. Je devinai qu’il usait de son élément afin d'amplifier sa propre voix grâce aux vibrations de l’air. Une explosion d’applaudissements et de sifflements suivirent la fin de ses paroles.

Il attendit patiemment que le vacarme s’estompe et reprit :

« Ce match promet d'être époustouflant, comme toujours d'ailleurs ! Je ne pense plus avoir besoin de vous présenter nos compétiteurs mais je le ferai malgré tout ! Voici donc les deux équipes qui ont réussi toutes deux à gagner leurs trois matchs précédents et arriver à l’ultime confrontation de l’année ! La première équipe : Grazyas Rôs, et son capitaine Thorn !

Les Grizzly Rouges, traduisis-je dans ma langue natale en mon for intérieur. »

Une nouvelle salve d’applaudissements naquit du côté des supporters rouges qui malmena mon ouïe. Au-dessus de nous, quelques Elementaris en faveur des bleus les acclamèrent respectueusement mais avec moins d’enthousiasme. Cinq Elementaris déboulèrent sur le terrain en sortant des vestiaires de droite. Ils portaient des tenues écarlates, sobres et identiques. Aucun numéro n’était inscrit dans leurs dos, ni même leurs noms. Tout en courant, ils saluaient le public de la main, le sourire aux lèvres. Je plissai les yeux pour mieux les distinguer et vis que cette équipe était constituée d'un représentant de chaque élément, comme les règles l’exigeaient.

« Qui est Thorn ? fis-je à l’adresse de Kacelia.

— Le capitaine, me glissa-t-elle. C'est l'Elementaris de la terre, celui qui les mène. »

Il était difficile de ne pas le remarquer. Il était imposant, même pour un Elementaris dont la plupart mesurait plus d’un mètre quatre-vingts. Contrairement à Talane qui avait la peau couleur boue, Thorn avait plutôt les caractéristiques d’Hulk : une peau vert sombre. Les roches blanches de son crâne, similaire à tous les Elementaris de sexe masculin, partaient en tous sens et lui donnaient un air un peu fou comme Einstein.

Avec une aisance qui me surprit, malgré la distance, j’arrivai même à distinguer quelques traits de son visage. Encore un cadeau des pouvoirs d’Astérion, je supposai. Thorn paraissait un peu bêta à mes yeux, et moins beau que la plupart des Elementaris, mais cela ne le rendait pas moins impressionnant. Au moins deux mètres de haut pour des épaules tellement larges qu'il aurait pu rivaliser avec La Montagne de Game of Thrones. Autant dire que c’était un bien beau bébé. Les membres de son équipe, pourtant bien bâtie, paraissaient petits et frêles à côté de lui.

Les joueurs prirent place sur la partie gauche du terrain et se mirent en ligne avant de saluer Eldaf d’un signe traditionnel. Ce dernier leur répondit avec le même engouement, le sourire aux lèvres. Puis, les quatre joueurs qui étaient sortis en tête se séparèrent pour recouvrir le terrain, tandis que la cinquième, une Elementaris de l'eau, se dirigea au bord du terrain et s’y assit. Elle était probablement là en cas d’abandon de l’un de ses coéquipiers.

« Et enfin, reprit Eldaf, l'équipe qui s'opposera à l'équipe rouge : Vleíons Azèles, mené par son capitaine Elysion !

Les Frôlons Bleus, traduisis-je. »

Les portes des seconds vestiaires s’ouvrirent et je me penchai en avant pour voir mes mentors en sortir. Elysion apparut, suivi par Kalya et trois autres Elementaris. Leurs tenues, de la même couleur que la peau de la sœur à Kacelia, étaient tout aussi classiques que ceux de leurs adversaires. Le reste de l’équipe était constitué de l’Elementaris de la terre, que j’avais vu discuté avec Kalya plus tôt dans la journée, et d’un Elementaris de l'air inconnu. Le dernier, un Elementaris du feu qui devait être le remplaçant, fermait la marche. Comme les précédents, ils arrivèrent sur la pelouse sous les applaudissements de leurs supporters et prirent place sur le terrain en saluant Eldaf qui le leur rendit, toujours souriant. Ensuite, le dernier joueur sortit du terrain et alla s’asseoir par terre.

« Qui sont les deux autres Elementaris qui restent sur le terrain avec ta sœur ? demandai-je à Kacelia en désignant les deux autres membres de l'équipe d'Elysion qui s’étiraient avec une souplesse remarquable.

— Celle à la peau brune, c'est Taliyah. Et celui à la peau pâle, c'est Alatorn. Tous deux sont de bons amis de ma sœur et d’Elysion.

— Et ils ont des postes respectifs ? la questionnai-je, curieux.

— Ils n'ont pas de poste attitré, sauf Elysion. Les Elementaris du feu sont très souvent les défenseurs car les colonnes de flammes, les vasques, leur permettent de mieux protéger la zone. Mais ils peuvent attaquer s'ils le souhaitent. Toutes les joueuses et tous les joueurs jouent avec une balle et, pour marquer un point, il suffit de la poser dans la zone noire que tu peux voir là-bas. »

Elle me désigna une plaque foncée circulaire d’un mètre de rayon. Il y en avait deux au total, une à chaque bout du terrain dans les bases de chaque équipe.

« Et ça dure combien de temps ?

— Il n’y a pas de limite de temps. Une fois posé sur les bases noires, le ballon fait gagner un point. La première équipe à en avoir mis deux a gagné.

— Deux ? Pourquoi si peu ? »

Elle haussa les épaules.

« Si les deux équipes sont de mêmes niveaux, le match peut durer très longtemps avant que l’un d’entre eux arrive à atteindre la base adverse.

— Et les joueurs restés au bord du terrain, ce sont des remplaçants ? (Elle opina et j’ajoutai :) Comment faites-vous si vous avez besoin de faire sortir plusieurs joueurs ?

— Nous n'avons jamais eu de blessé grave, à ce que je sache. Un ou deux bras cassés, tout au plus. Les joueurs font attention lorsqu'ils utilisent leurs éléments. Et leurs tenues sont faites dans une matière spéciale que l’on trouve uniquement à Thorlann. On nomme cela du Kaïma. C'est très résistant malgré la faible épaisseur et permet d’encaisser les coups les plus violents. Tes vêtements en sont partiellement constitués, tu ne le savais pas ? (Devant mon regard surpris, elle rit :) Tu pensais être capable d’encaisser les coups de ma sœur uniquement grâce à tes capacités physiques ? Lors des entraînements, cela permet d’éviter de se blesser et de rallonger les entraînements. »

Je restai coi par cette information. Combien de mystères les Elementaris me cachaient-ils encore ? J’avais l’impression d’en découvrir un nouveau chaque jour ! Je me retins d’en faire la remarque à Kacelia et reportai mon attention sur Eldaf qui terminait son discours.

« Ce dernier match sera arbitré par notre Kalhn de l'eau, concluait-il, Leucaryos. À qui je laisse la parole, désormais. »

Il alla se rasseoir après avoir désigné un Elementaris de l'eau qui se trouvait en plein milieu du terrain. Ce dernier, je l’avais déjà rencontré lors de mon propre discours. L’Ancien avançait sur l'eau. Littéralement sur l'eau. Debout, toujours voûté et appuyé sur sa canne, il avançait lentement à la surface, pas après pas. Un éclat capta mon regard. Sous son bras se trouvait un ballon ovale de couleur doré, semblable à ceux de rugby.

Avec une certaine raideur, il se pencha et posa la pointe du ballon entre ses pieds sur l'eau. Le ballon resta étrangement fixe, dirigé vers le ciel, comme pris dans de la gelée. Le Kalhn agissait sur l’eau, c’était évident. Sinon, l’objet se serait remis à l'horizontale et ne serait pas resté aussi statique.

« Que les Waléoa Aléoa approchent, intima Leucaryos d'une petite voix qui me força à tendre l’oreille. »

Alatorn, le Gardien de l'air de l'équipe d'Elysion, et celui de l'équipe rouge dont j’ignorais le nom, s’approchèrent tandis que le reste de leurs équipes respectives restaient en retrait. D’un mouvement de bras, tous deux décollèrent du sol, comme emportés par une bourrasque, et se posèrent avec douceur sur les plus hauts rochers qui bordaient la rivière. Je sentis la tension monter et je mis quelques instants avant de remarquer que le silence était de nouveau maître dans la Zonëa. Tous les regards étaient braqués sur les deux Elementaris à la peau pâle qui se faisaient face, immobiles. Le ballon était toujours figé dans l’eau trois mètres en dessous.

« Ils vont engager la confrontation, me souffla Kacelia. C’est probablement l’un des moments les plus palpitants ! »

Je fronçai les sourcils et réussis à détacher mon regard des joueurs.

« Quoi ? m’étonnai-je. Mais un engagement se fait entre deux joueurs de la même équipe, pas entre deux adversaires ! Ce n’est pas logique… »

Elle me lança un sourire espiègle, comme si elle savait quelque chose que j’ignorais. Ce qui était probablement le cas.

« Tu vas vite comprendre. »

Intrigué, mon regard se reporta sur Leucaryos qui observait les deux Elementaris juchés sur leurs rocs au-dessus de lui.

Le Kalhn leva la main et décompta :

Trois

Les Elementaris posèrent un genou au sol et scrutèrent le ciel.

Deux

Il me semblait à présent distinguer le vent tourbillonner autour d’eux.

Un

Même de là où je me trouvais, je vis les muscles de leurs jambes se contracter. Rien ne semblait pouvoir les perturber à présent.

BANG

Dans un bang sonore qui me fit sursauter, le ballon fut propulsé dans les airs à la vitesse d’un bouchon de champagne. Les Elementaris s’envolèrent à sa poursuite sous mes yeux écarquillés.

Le match de Dænami venait de commencer.

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