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Elle est morte. Putain, c’est trop con. J’avais fini par l’aimer, vraiment. Les derniers mois ont été difficiles, pathétiques. Tous me regardaient. Tous me regardent encore les cons eux aussi à la dérobée, pour voir comment je réagis et le service mortuaire était long, interminable.

Il fallait voir, lorsque j’ai déclaré que je me proposais pour prendre la tête de liste aux régionales. Béatrice m’a regardé, surprise, puis elle s’est tournée vers Marchal, qui a levé un sourcil désapprobateur, comme s'il était pris à contre-pied. Puis vint un discours équilibré, clair et sans appel, sur la nécessité, certes, de laisser s’exprimer les ambitions pour peu qu’il y ait les capacités derrière - tout ce qu’il disait pouvant être interprété à double sens - mais que voilà, ce n'était pas le moment.

Ce que tout le monde a retenu c’est que Marchal sans m’approuver, me ménageait, et qu’au fond, il ne me tenait pas rigueur de cette affirmation de jeune félin un peu joueur, pour peu qu’elle ne perturbe pas ses plans.

Je n’avais aucune chance. Comment ai-je pu me faire autant d’illusions ? Marchal joue au montreur d’ours et mène sa ménagerie avec ruse. C’est lui, le chef, qui fait et défait. Il tient à ce que personne ne l’oublie. Regarde les, regarde les te dépasser sans un mot, juste un sourire gêné, au mieux une parole consolante, pour mieux rebondir vers elle heureuse et soulagée, large sourire en boutonnière. Marchal nous a pris tous deux elle par la taille et moi par l’épaule, « aller, on va fêter ça chez Hartmann ! » La politique, c’est comme un plateau de fruits de mer, il faut ouvrir, écraser, sucer, gober, arracher, écarteler, pour ne laisser après que les coques creuses. C’est un carnage délicieux, arrosé de vin de Colmar, Pinot Gris, pas mal. Rien d’autre. De la chair et du vin.

Pas de couronne de fleurs, pour moi. Je suis allé cueillir des girolles, tôt ce matin. J’en ai jeté une poignée sur le cercueil. Personne n’a compris. Eux, ils ont cru à un message spécial entre elle et moi, un truc secret entre nous. Seul Marchal a souri.

Aujourd’hui, tous me regardent, et ça c’est important.

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