Ubud

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Inconnu dans la foule, porté par les pas nonchalants des touristes et des habitants, Pierre redécouvrait ses sens, exacerbés par la beauté balinaise. Les odeurs que les sons et l’atmosphère de l’île l’emportaient, loin de sa vie, disparue dans le feu de la vengeance.

Il était libre, léger, étrangement heureux. Chaque jour fût vécu avec la menace d’une arrestation. Comment pourrait-il rester libre malgré ses actes ?

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Il s’était évadé de prison, puis avait méthodiquement et violemment supprimé tous ceux qui avaient détruit sa vie. Personne ne pouvait ainsi rester libre. Pourtant, la vie lui offrait une chance inouïe de reprendre son existence, comme si une force supérieure l’avait pardonné de ses actes odieux.

L’incendie de son chalet avait fait l’objet d’un article détaillé sur les sites des différents quotidiens français et même internationaux.

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Une trentaine de corps avait été retrouvés carbonisés, dans des positions excentriques.

Le fait qu’aucun d’entre eux n’ait fuit avait orienté la conclusion des journalistes, vers la thèse d’un suicide collectif. Les conclusions des enquêteurs n’avaient pas été dévoilées, mais il semblait que cette théorie fut validée, puisque Pierre n’était pas inquiété.

Quant à Jack et Jay, il découvrit que ces disparitions ne furent que des faits divers.

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Le poids de l’horreur qui avait arraché les morceaux de son âme, disparaissait dans l’atmosphère chaude et humide de l’envoutante île, qui lui offrait un nouveau départ.

Il déambulait, libre, dans le marché d’art traditionnel d’Ubud. Il se laissait porter par ses pas, oubliant le temps, qui n’était plus qu’une convention dont il s’était détaché. Rien d’autre ne comptait que de marcher, encore, jusqu’à se perdre.

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Au bout de l’allée, l’improbable se produisit. Cette silhouette, il la reconnaitrait entre toutes, mais cette présence le surprenait. Le monde était-il si vaste et petit à la fois ? La foule lui fit perdre de vue cette apparition, qui sortait du marché.

En Asie, les touristes sont majoritairement plus grand que les locaux. Toutefois, si Pierre avait autour de lui une vision dégagée de la foule, il la perdit de vue.

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Cette femme qu’il avait aperçu, cette apparition improbable, avait le physique de ces jeunes asiatiques. Elle était petite, aux épaules menues, et à la chevelure d’un magnifique noir de jais. Il fit rapidement le tour de la place du marché, pour la retrouver. En vain. Il abandonna sa recherche, et se dit que le hasard la remettrait peut-être sur son chemin.

Il déambula dans les rues, jusqu’à rejoindre l’avenue principale Jalan Raya Ubud.

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La quiétude du lieu n’était pas perturbée par la foule de touristes qui arpentaient la ville. Pierre expérimentait le silence de la foule, comme l’univers qui contient la vie, mais se complait dans le silence. Il ressentait cette île, comme l’expression d’une méditation vivante. Peut-être étais-ce dû aux innombrables studios de Yoga qui fleurissaient sur l’île, comme autant de graines dispersées par les vents, qui trouvaient ici, un terrain fertile.

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Pierre eut la révélation que les expériences naissaient d’un lâché prise. Puisqu’il était libre et serein, il n’avait qu’à accepter ce que la vie lui offrait comme alternatives. Fallait-il continuer tout droit, sur l’avenue principale, ou prendre l’un des nombreux chemins qui la rejoignait ? Il se fit porter par les sons, les odeurs et les couleurs. Il n’y avait plus de temps ni d’espace, plus de peur ni de crainte.

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Un enfant courut vers lui, un immense sourire dessiné sur son doux visage. Ses yeux rieurs plongeaient dans les siens, et la joie communicative de cet ange l’emporta dans un tourbillon incontrôlable. Le petit garçon lui prit la main, et l’invita à le suivre. Ils quittèrent l’avenue et s’engouffrèrent sur un chemin qui semblait être l’entrée d’une jungle luxuriante. Les magasins étaient remplacés par la nature, seule maître des lieux.

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Ils marchèrent longuement, dans le silence qui prêtait à la contemplation. L’espace environnant était magnifique. Un temple, supporté par de simples colonnes, donnait sur une rizière. Il s’en échappait une douce effluve d’encens, et la psalmodie des fidèles résonnait d’une douce musique (synonyme) enivrante.

Au bout du chemin, l’enfant s’arrêta, lui lâcha la main, et désigna une ouverture dans un mur, recouvert d’une luxuriante végétation.

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L’enfant lui indiquait cette voie.

— Tu veux que je rentre là dedans, c’est ça ?

Il souriait toujours, et semblait s’amuser de la situation. Il faisait de larges mouvements de tête qui confirmèrent son interprétation, tout en désignant alternativement Pierre puis le mur.

— Soit, on verra bien ce que tu me réserves. J’espère que je ne vais pas me faire dépouiller ou kidnapper, ironisa-t-il.

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L'entrée était étroite, et la végétation l’empêchait de distinguer plus loin que le bout de son bras. Il avança avec difficulté, se débattant avant cette flore qui lui interdisait son ascension.

— J’espère que ça vaut le coup, se dit-il.

Il ne distinguait plus le chemin d’où il était venu, ni ce vers quoi il se déplaçait. La peur reprit possession de son corps. Il tremblait de l’inconnu qui l’attendait. Il se sentait vulnérable.

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Sa traversée lui sembla irréelle, comme si le temps s’était étiré. Il était si épuisé et las, qu’il se laissa lourdement choir par terre, le temps de reprendre son souffle et ses esprits.

— Bienvenu, Pierre. Je t’attendais.

Une douce voix familière l’effleura. Il était ébloui par la lumière du soleil, qui l’empêchait de distinguer son hôte.

— Lèves toi, je vais te présenter aux autres, dit-elle, en lui prenant le bras pour le soulever.

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— Maylis ! C’est toi ?

Pierre n’en revenait pas, l’épouse de Jay (à vérifier) se tenait devant lui, rayonnante, et tellement belle.

— Je pensais t’avoir aperçue au marché d’art cette semaine, mais je t’avais perdue dans la foule.

— C’est possible, Pierre, j’y vais tous les jours. J’aime cet endroit. Mais viens, nous parlerons plus tard. Je dois te présenter.

Pierre n’avait pas remarqué les lieux. Il était au pied d’une magnifique et grande maison.

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La demeure était immense, parcourue de fleurs toutes plus colorées les unes que les autres, et cette odeur particulière d’encens ajoutait à la magie du lieu. Le parfum et la beauté de la nature rendaient ce lieu si paradisiaque, qu’il était une perle exceptionnelle dissimulée au coeur même du plus bel écrin. Ils marchaient tout, deux sur un chemin subtile qui serpentait entre les arbres, les fleurs, et les méditants épars.

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— Tu vas rencontrer le maître. S’il t’accepte, alors nous aurons le temps pour nous.

Maylis se rapprocha plus près de Pierre. Son souffle chaud sentait la mangue fraîche.

— Tu dois rester avec moi. Ne cherche pas à lui plaire, sois sincère.

Maylis le quitta comme elle l’avait trouvé, avec la délicatesse d’un ange; le laissant seul face à une grande porte en bois, sculptée de motifs qu’il peinait à comprendre, et qui s’ouvrit face à lui.

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