Guérir

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Trois mois s’étaient écoulés depuis sa rencontre avec le maître des lieux. Pierre s’était adapté à la quiétude, et au plaisir simple de sa nouvelle vie, rythmée par la méditation, le yoga et les échanges avec la communauté. Il s’était même rapproché de Maylis, qui lui avait appris la beauté du véritable amour.

Elle qui avait rejoint cette communauté, pour guérir ses plaies de coeur, lui faisait découvrir l’amour inconditionnel.

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— Tu comprends ? La passion sexuelle est à contrôler, car elle est une pulsion qui s’amenuise avec le temps, et blesse souvent.

Assis en tailleur sous les branches d’un grand Banian, tous deux se faisaient face dans cet échange. Maylis portait une fleur de frangipanier dans le creux de ses mains jointes, en signe de pureté du coeur dans cet échange.

— Je ne suis pas d’accord, la passion peut durer.

— Non Pierre, la vie, c’est l’impermanence.

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— Mais le changement n’est pas négatif, pourquoi la passion devrait-elle diminuer avec le temps ?

Maylis prit le temps de plonger dans les yeux de Pierre pour que l’échange prenne toute sa dimension spirituelle.

— La passion offre à la vie l’exaltation, mais elle devient dangereuse lorsqu’elle mène à une forme d’attachement, qui est lié à nos pulsions. Ce sont elles qui varient avec le temps, et parfois s’amenuisent voir disparaissent.

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— Tout change tout le temps, et il n’existe qu’un seul moment présent. Tu l’as appris avec la méditation, Pierre. Aucune relation n’est immuable.

Il était déçu par cette remarque, sous-entendait-elle que leur relation se terminerait bientôt ? Maylis s’en rendit compte.

— Je ne dis pas qu’une relation ne peut pas durer le temps d’une vie, et même plus, je te dis juste qu’une relation ne peut pas rester identique toute une vie.

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— J’ai du mal à saisir.

Un petit groupe de singes s’approchèrent d’eux. Que faisaient ces deux humains qui se regardaient et faisaient des bruits avec leurs bouches. Ils se rapprochèrent encore plus, comme pour vérifier leurs intentions.

— Regarde ces singes, penses-tu qu’ils s’attardent sur la question d’un amour immuable ? Et regarde cette mère qui porte son enfant. Comprend-tu, Pierre ?

Il était perdu, que voulait-elle lui dire ?

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— Pierre, l’amour n’attend rien en retour, et il ne dépend de rien. Il faut juste aimer, et vouloir le bien autour de soi, et en priorité, celui de celui ou celle que tu choisis.

Il comprit où elle voulait l’emmener. Les animaux aiment sans condition, tout comme la mère aime son enfant, quoi qu’il fasse et quoi qu’il advienne.

— Et tu sais Pierre, rien n’arrive par hasard. Les rencontres sont toujours le fruit d’une puissance qui nous échappe.

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Pierre se remémorait son passé. Il avait tellement souffert de sa relation avec Jade. Surtout en prison, lorsqu’il ressassait sans cesse les raisons de sa présence entre les murs froids et angoissant de ce lieux. Il se rappelait ce qu’il avait été amené à faire. Sa vengeance l’avait-elle guéri de ses blessures ? C’est à ce moment qu’il s’interrogea.

— Je ne t’ai jamais demandé pourquoi tu étais ici, toi aussi.

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Maylis regretta aussitôt sa phrase. Comment pourrait-elle lui avouer les raisons de sa présence. Elle dont le coeur était tout juste cicatrisé de ses plaies béantes, lorsqu’elle avait découvert que Jay la trompait si souvent avec Jade.

— Moi aussi, j’ai des démons à combattre.

— Tu veux en parler ?

C’est à cet instant qu’elle se leva, précipitamment. Faisant fuir l’assemblée des singes qui les entouraient sans bruit.

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— Je pense que notre conversation est terminée. Retiens simplement que chaque rencontre est inévitable, elle nous enseigne quelque chose, et nous fait progresser. Pour le comprendre, tu dois aimer, sans condition.

Maylis partie, Pierre resta seul sous les branches du grand Banian, qui le protégeait du soleil. Il médita cette dernière leçon, mais la réaction de Maylis lui occupait tellement l’esprit qu’il ne réussit à maitriser son attention.

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"J’ai été bête de lui dire que le hasard n’existe pas. S’il découvrait ce que j’ai fais."

Maylis était si perturbée par ses pensées qu’elle ne fit pas attention au chemin qu’elle empruntait. La demeure était construite au coeur de la végétation, et pour délimiter le délimiter, des pierres plates étaient disposées tout le long. Il était interdit de fouler du pied les fleurs sacrées, dont l’odeur emplissait le coeur, et invitait à l’éveil.

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Elle s’enferma dans sa chambre, où seul trônait un fin matelas et une petite table en bois, sur lequel reposait un carnet empli de ses notes. Elle s’assit en tailleur, sur son matelas, et décida de sonder son coeur. Au fond d’elle les souvenirs refaisaient surface, elle ne pouvait plus les contenir, et devait les affronter, tout comme la vérité et ses conséquences.

Elle resta ainsi plusieurs jours, sans boire ni manger.

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La lutte fût violente, elle avait acceptée que son coeur lui fasse revivre les pires moments de son passé. C’était l’unique moyen pour elle, de guérir, et ainsi accompagner Pierre sur le chemin de son propre éveil.

Avec tout l’amour qu’elle put offrir, elle accepta chacun des évènements de sa vie, et pardonna ceux qui l’avaient fait souffrir, Jay notamment, son ex-mari, qui dans leur séparation, avait obtenu la garde de leur fille unique.

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Maylis avait besoin que Pierre s’éveille à l’amour inconditionnel, et au pardon, car il était la clé de sa propre guérison. S’il y parvenait, ensemble ils pourraient vivre l’amour le plus pur, de deux être qui auraient appris l’amour en acceptant et pardonnant leurs propres démons. Pour cela, elle l’emmènerait au temple d’Uluwatu, au sud de l’île, qui fût justement érigé pour la protéger contre le Mal.

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— Maylis !

Pierre la rejoignait d’un pas rapide. Il était en effet interdit de courir, car le temps ici, n’a pas d’importance, et se précipiter sous entendait que nous étions esclave de cette unité de mesure.

— Le maître m’a dit que tu étais entrée en Vipassana pour un grand combat. Je n’ai rien compris. Ça fait trois jours que je m’inquiète.

— Tu n’as toujours pas compris, Pierre. Viens avec moi à Uluwatu, demain, tout sera clair.

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