Aoi

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Lorsque je prends la mer, une sensation de bien-être m’envahit, cela faisait longtemps que je n’avais pas senti les embruns marins ni les remous des vagues sous mon corps. J’inspire une grande goulée d’air, aussi pour me donner du courage… Plus le navire approche, plus le nœud qui s’est formé dans mon estomac se resserre. Evaïs me hisse sur le pont et Cody fait mine de me maintenir à terre grâce à un sort. Elle m’adresse un petit sourire contrit.

Une fois à bord, j’essaie de garder un air digne malgré le poids des chaînes. Rudeus apparaît et mon corps se contracte : de peur ? d’appréhension ? Je ne sais pas trop… Les présentations se font dans une ambiance un peu tendue. Le général semble surpris de la présence d’Altea. Son regard se prolonge sur Alyanna, étrange…

Ses yeux finissent par se poser sur moi : j’y lis tout le mépris, toute la haine qu’il peut éprouver à mon intention. Je me lève péniblement et fais face à Rudeus bien qu’il me dépasse de deux têtes. La gifle qu’il m’assène me prend par surprise. Je sens le goût métallique du sang dans ma bouche et une douleur lancinante me vrille la tête lorsque celle-ci heurte le pont. Je sens la rage d’Alyanna fuser et je souris malgré moi.

Les gardes, sous l’ordre de Rudeus, “m’escortent” vers la cale. Violemment. Ils m’empoignent de manière forte et me tirent sans ménagement. Arrivés près des escaliers, ils me poussent littéralement. Je dévale les marches, les chaînes s’entrechoquent et manquent de s’emmêler surtout autour de mon cou. J’entends les gardes ricaner au-dessus de moi.

- Ah ben zut ! Il ne s’est pas rompu le cou…

Je me relève tant bien que mal. En moins de deux, les gardes se trouvent à mes côtés et me poussent vers une trappe. Je crains le pire et j’ai raison, le sourire des deux Nymphaliens est sardonique. Le premier l’ouvre : l’intérieur est noir et humide. Une échelle de corde y descend : je ne vois même pas le fond. Le second frappe dans ses mains avant de me donner une grosse bourrade dans le dos pour me faire basculer dans le trou noir. Je tombe lourdement sur le fond du bateau humide et froid. J’ai mal partout mais je n’ai rien de cassé. Heureusement.

Je reste quand même à terre lorsque les deux hommes descendent, munis de torches à flamme bleue, la seule que nous supportons. Je sais bien qu’ils n’en ont pas fini avec moi. L’un d’eux me soulève et m’attache avec des anneaux fixés à la coque. S’en suit une pluie de coups. Je peux à peine respirer. Je tiens bon et ne riposte pas, bien que j’en sois capable. Pour Alyanna. Pour Angeline. Pour Altea. Et pour mère. Ces gardes n’ont aucun pouvoir magique.

Dans ma douleur, j’entends le cri d’une vorastérya et cela me paralyse.

- Non…

- Tiens, voilà qu’il nous supplie maintenant ?

Le bateau s’enfonce soudain sous l’eau, faisant perdre l’équilibre aux deux gardes. Comprenant que quelque chose ne va pas, ils remontent sur le pont, me laissant seul dans le noir. J’en profite pour respirer et tenter de me connecter à Alyanna pour savoir ce qui se passe. Je me retrouve sous mes tentures et m’allonge sur mon coussin préféré. J’ai les lèvres en sang et je déteste ce goût métallique dans ma bouche. Je m’assoupis malgré moi.

Une main posée sur mon visage et des larmes tombant sur mes joues m’incitent à me réveiller. Je n’ai pas le temps de protester qu’Alyanna me soigne, une rage muette criant dans ses beaux yeux.

- Tu es impossible… Comment comptes-tu faire punir les gardes maintenant qu’il n’y a plus de preuve de ma maltraitance ?

- Ils le seront , crois-moi. Ils le seront.

- Toi alors, je ris. Bon, que se passe-t-il ? J’espère que je me suis trompé ! Dites-moi qu’il n’y a pas de vorastéryas dans le coin !

- Malheureusement si, murmure Altea. Tout un banc.

- Nous avons été obligés de plonger de toute urgence. Actuellement, Rudeus maintient une barrière de protection autour de nous, Evaïs l’insonorise et moi je nous rends invisible. Nous devons tenir ainsi deux heures.

- Deux heures ?

- Oui pour espérer arriver à destination…

Je comprends. C’est la première fois qu’Alyana doit tenir aussi longtemps. Je ne pourrais pas l’aider : si je lui transfère ma force, Rudeus le remarquera aussitôt. Je ne me fais cependant aucun souci : Altea me suppléera, sa puissance est infiniment supérieure à la mienne. La situation n’est pas encore désespérée : le stratagème mis au point a de nombreuses chances de fonctionner. Alyana a besoin de calme : elle se place dans la position du lotus, ferme les yeux. Sa concentration est incroyable : nous voyons son esprit et pourtant elle n’est plus tout à fait avec nous. Comme si un monde nous séparait.

- Aoi ? Je profite que princesse ne fasse pas attention à nous… As-tu remarqué quelque chose lorsque tu as passé contrat avec elle? Quelque chose d’étrange ?

- Étrange ? Pas spécialement… Écoute, tu as utilisé ton don de prescience avec elle donc tu sais qu’elle ne vient pas de notre monde et qu’elle n’est qu’à moitié Titan. Ses capacités sont hors normes : elle n’a que dix-huit ans et maîtrise la magie presque parfaitement ! Et ce, sans avoir été en apprentissage auprès d’un maître… Je crois que c’est en partie pour cela que j’ai osé contracter ce pacte sans son accord. Elle est jeune et sans expérience : je n’ai pas pu m’empêcher de vouloir la protéger.

- Je te reconnais bien là…

- Altea… Tu connais son véritable nom n’est-ce pas ?

- Alyana Ravilya Atsurui. Oui. C’est de cela que je voulais te parler : elle n’a pas que nous comme contractants… il y a quelqu’un d’autre… Quelqu’un de très puissant et de très sombre. Et il est là depuis sa naissance si j’ose croire ce que j’ai pressenti.

J’y avais songé. Mais comment cela est-il possible ? Alyana n’est pas née dans ce monde, de ça j’en suis certain. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec son père ? Il me semble que le nom de Ravilya vienne de lui… Sa mère étant humaine, elle ne devait même pas savoir pour tout cela. Il y a trop de mystère entourant ce fameux Klaüs. Mystère qu’il va falloir éclaircir pour le bien de ma meilleure amie.

- Aoi, je ne veux pas me retrouver face à Athénor… Il m’a toujours fait peur… Quand je pense que je lui suis promise….

Ses paroles sont soudainement coupées. Nos esprits sont brutalement ramenés dans nos corps. Ce brusque retour est douloureux, j’ai du mal à reprendre contact avec la réalité. Un cri aigu et perçant me transperce les oreilles et déchire mon cœur.

- Une vorastérya...

Cette chose est entrée en collision avec le bateau, il est violemment secoué. Il se passe quelque chose à l’extérieur. Je dois sortir d’ici.

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