Les vorastéryas

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Je me retrouve catapultée dans mon corps en moins d’une seconde. La sensation est désagréable et douloureuse, un peu comme si je recevais des milliers de petites décharges électriques dans toutes mes terminaisons nerveuses. J’ai perdu le sens de la temporalité : je suis restée en transe combien de temps ? Dix minutes ? Cinq ? Je prends à peine conscience de ce qui se trouve autour de moi que me voilà jetée à terre par un énorme choc sur le dôme de Rudeus. J’en perds ma concentration : nous voilà à nouveau visible. Un cri aigu parvient jusqu’à nous et je vois Altea blêmir.

- Que se passe-t-il ? Depuis combien de temps sommes-nous partis ?

- Une vorastérya ! Non, Athénor nous a trouvé !

- Altea ! Calme-toi ! Si Athénor nous a trouvé, toute cette mascarade ne sert plus à rien ! Nous devons retrouver Evaïs et trouver une autre solution ! Combien de temps nous reste-t-il avant d’arriver à Nymphea ?

- Je dirai un peu moins de quarante minutes…

J’ai donc tenu plus d’une heure ! Je ressens à ce moment une bouffée de fierté malgré la situation. Je n’en ressens aucun effet secondaire. Je prends la main de ma princesse et nous montons sur le pont. Le spectacle est édifiant ! Posée sur le dôme, une énorme méduse d’un rose pâle a déployé de longs tentacules transparents tout autour du navire. Elle possède aussi d’autres, plus petites mais plus foncées, qui flottent au gré des courants. Son ombrelle recouvre une grande partie du dôme au-dessus de nos têtes. Je vois des filets d’électricité bleus parcourir la paroi. Rudeus transpire : il a l’air à bout de force. Non seulement il doit maintenir le dôme mais aussi le renforcer à cause des attaques électriques menées par la vorastérya.

Évaïs a pris les commandes : il gère le peu d’homme que nous possédons d’une main de fer. Il m’a tout de même l’air préoccupé. La bête ne me semble pourtant pas belliqueuse…

- Détrompe-toi Alyana, fait la voix d’Aoi dans mon dos. Cette vorastérya pourrait te dévorer en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ses tentacules te paralyseraient en t’envoyant une décharge électrique empoisonnée et tu finirais comme de la gelée à aspirer à la paille.

- L’image est on ne peut plus claire… Mais que fais-tu là ? Tu n’es pas censé être enchaîné ?

- Je crois bien que la mascarade n’a plus lieu d’être n’est-ce pas ?

Je constate encore une fois que nous sommes sur la même longueur d’onde. Rudeus pâlit lorsqu’il voit Aoi sur le pont, libre. Je ne sais pas si c’est de peur ou de rage. En effet, vu son état il ne peut plus faire grand chose. La vorastérya pousse un cri aigu et attaque le dôme avec ses plus petites tentacules : elles semblent plus dures. Le général plie un genou à terre et la souffrance déforme ses traits. Aoi secoue la tête d’exaspération et le rejoint. Rudeus ouvre grand ses yeux mais ne peut plus bouger. Mon petit prince aquatique frappe deux fois dans ses mains en prononçant des paroles dont je n’en comprends pas les mots et une bulle d’un bleu profond apparaît dans ses mains. Près de moi, Altea sourit. Plus Aoi ouvre ses bras, plus la bulle s’agrandit : il la projette en l’air et celle-ci prend la place du dôme de Rudeus, expulsant par la même occasion la vorastérya qui, mécontente, pousse un cri qui se répercute dans l’eau à la manière d’ultrason. Le général est à terre, le souffle erratique.

Soigne-le s’il te plaît, Alyana, nous allons avoir besoin de son aide. Je vais voir Évaïs. Il va falloir combattre : elle a appelé tout le banc. Il se peut qu’Athénor soit avec elles.

Je lui fait un signe positif de la tête et m’approche de Rudeus afin de lui prodiguer les premiers soins. Il est affaibli mais rien de plus.

- Que se passe-t-il ici ? Pourquoi ce traître est-il en liberté ?

Alors que j’ouvre la bouche pour répondre, je sens la force d’Angeline se répandre dans mes veines. Son aura se matérialise autour de moi : elle est d’un bleu tendre, d’une infinie douceur. Je comprends alors qu’elle veut lui parler à travers ma bouche.

- Bonjour à vous, Général Rudeus.

- Par tous les piquants de l’océan, qu’est-ce… Vous avez la même aura que la Reine…

- Je suis sa fille, Angeline. Durant près de quarante années, sur ordre de la Reine, Aoi a veillé sur moi puis Alyana ici présente s’est dévoué à moi corps et âme. Je suis pour le moment dans son esprit, prête à éclore. Je dois absolument être à Nymphea avant minuit. Puis-je compter sur votre aide ?

- A vos ordres, votre majesté.

L’aura autour de moi disparaît. Grâce à Angeline, nous avons le soutien indéfectible de Rudeus qui maintenant a retrouvé toutes ses facultés. Il semble mener un dur combat intérieur lorsque nous montons sur le pont arrière pour y retrouver Aoi et Évaïs. Ils sont tous les deux en grande discussion. Avant que nous ayons pu réagir, Rudeus pose un genou à terre…

- Prince Alois, je…

- Relevez-vous Rudeus vous n’étiez absolument pas dans la confidence et vous avez agi selon votre code d’honneur. Le contraire m’aurait mis hors de moi mais ce n’est pas le cas. Votre comportement nous a prouvé à tous votre loyauté envers Nymphea. Pour le moment, nous avons d'autres problèmes à gérer.

- Bien, mon Prince.

Aoi a revêtu sa carapace de prince guerrier : il a l’air tellement plus mature ainsi ! Bien loin de mon petit prince perdu. Évaïs ferme les yeux et soupire d’agacement.

- Princesse Altea, pouvez-vous entrer en communication avec vos troupes à l’extérieur ?

- J’ai essayé plusieurs fois, en vain…

- Cela me paraît étrange… Combien étiez-vous ?

- Ce n’était qu’une petite délégation, à peine une centaine.

Petite délégation ? Une centaine ? Qu’est-ce que cela donne quand ils sortent en grandes pompes ?

- Cody n’arrive pas non plus à joindre Venitia : je ne sais pas si les hommes envoyés par mon père sont arrivés ou non. Nous avons à peine une trentaine de soldats, qui plus est ne maîtrisant pas la magie : nous ne pouvons compter que sur les personnes présentes sur ce pont pour combattre les vorastéryas.

- Je ne voudrais pas vous décourager mais un banc de vorastéryas peut compter jusqu’à mille individus, de taille et de longueur différentes. Celle que nous avons vu peut être qualifiée de moyenne. Qui plus est, il se peut qu’Athénor soit parmi elles. De nous tous, il a toujours été le plus fort, tant en capacité physique qu’en magie. Nous n’avons qu’un atout dans notre manche : toi, Alyana.

- Moi ? fis-je complètement étonnée.

- Tu es une élémentalienne : tu maîtrises donc les éléments. Grâce à Altea et à moi-même le vent et l’eau n’ont plus aucun secret pour toi et ton élément de base est le feu. Les vorastéryas détestent plus que tout l’eau chaude. En maintenant autour de nous une température d’environ trente degrés, tu peux être sûre qu’elles n’approcheront pas.

- C’est dans mes cordes. En revanche, je ne sais pas si je pourrais me battre et maintenir le sort.

- Je te fais une entière confiance Alyana, tu peux y arriver. Puise en nous si nécessaire, me rassure Aoi.

Sans fermer les yeux, je parviens à visualiser le navire et à l’envelopper dans un courant d’eau chaude circulaire sur environ deux mètres autour du dôme d’Aoi. Dans ma tête, la chose se présente comme une nouvelle fenêtre d’ordinateur ouverte sur un document : j’aperçois le bateau dans son ensemble et en sens chaque parcelle, tout en ayant une parfaite conscience de ce qui se trouve autour de moi. C’est incroyable.

- Tu viens de découvrir la double vue Alyana, m’informe Altea. Tu peux interagir avec nous, tout en contrôlant ton sort. C’est incroyable la vitesse à laquelle tu apprends !

Je lui sourit, fière. Évaïs m’attire à lui pour me poser un baiser de félicitation sur le front.

- Elles arrivent.

Je suis le regard d’Aoi. Au loin, une ligne rose s’avance rapidement vers nous. Les vorastéryas sont nombreuses. Trop nombreuses. Il va nous falloir un peu plus de trente minutes pour arriver à Nymphea.

Il ne nous reste à peine six heures avant minuit.

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