Funérailles

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Le combat est terminé. Je sens la profonde détresse d’Aoi. Je n’ai qu’une envie c’est d’aller le consoler. J’ouvre les yeux péniblement et constate que deux Titans sont postés à mes côtés, assurant ainsi ma protection. Autour de mon dôme, cinq femmes sont debout, les mains levées vers le ciel, elles-mêmes encerclées par des Ritsuas et des Falanims se tenant par la main. Evaïs et ses hommes sont en retrait, prêts à attaquer si besoin est. Il me fait un signe de tête : je peux enfin lâcher le dôme. Il était temps…

L’épaisse fumée toxique s’échappe. Les cinq femmes se mettent à chanter d’une voix douce et le chant va crescendo. Le poison d’Aurale se met à tournoyer sur lui-même avant de se séparer en cinq bulles. Le chant a atteint le paroxysme des aigus et n’en reste pas moins magnifique… Chacune des bulles se dirigent vers une femme qui… l’aspire avant de s’effondrer. Cinq hommes s’approchent alors, les prennent dans leurs bras et… les embrassent passionnément. La scène a quelque chose d’extrêmement érotique et je détourne les yeux, rougissante.

- Alyana… Alyana… J’ai tué mon frère… J’ai tué Aurale… Non… Mon grand frère…

Je me relève tant bien que mal : je me sens faible mais la détresse de mon petit prince est si forte… Je marche jusqu’aux restes fumant de la tente : l’odeur est insupportable, je me crée une bulle d’air autour de ma tête. J’entends à peine Evaïs me dire de ne pas m’approcher, que c’est dangereux… Je dois retrouver Aoi, je dois serrer mon petit prince dans mes bras. Je le retrouve complètement anéanti, serrant le corps sans vie de son frère et pleurant, hurlant sa douleur. J’accoure vers lui, m’agenouille et l’entoure de mes bras.

Il murmure une mélodie, elle est si triste… Mon coeur se gonfle et je lâche moi aussi quelques larmes… La chanson d’Aoi est répétitive et je me mets à la fredonner avec lui : je le sens se détendre dans mes bras. Il se détache de moi tout en enlaçant nos mains, de sorte que nous formions un cercle au-dessus du corps d’Aurale. Mon petit prince lève les yeux vers moi et son sourire triste me transperce l’âme. Nous continuons à chantonner cette douce mélodie funèbre.

Le corps d’Aurale commence à frémir. J’ouvre grand les yeux d’étonnement mais Aoi resserre l’emprise qu’il a sur mes mains pour me signifier que tout va bien. Il augmente le son de sa voix et je le suis tant bien que mal. Je sens qu’il puise dans mon énergie mais je n’en ai cure : je sais que cette cérémonie est importante, tant pour Aurale que pour Aoi. Soudain, dans un dernier soubresaut, le corps du défunt se transforme en bulles légères d’un bleu roi splendide et s’élève dans le ciel nocturne. Nous les suivons des yeux un instant et stoppons notre chant. Je sens quelque chose se former dans la jointure de nos mains droites : il s’agit d’une pierre noire aux reflets bleus.

Aoi sépare nos mains et serre cette pierre contre son cœur. J’aperçois Evaïs s’approcher prudemment et je lui fait signe que tout va bien. C’est fini… Il pose une main réconfortante sur l’épaule de mon ami qui le remercie de la tête. Nous nous levons. J’ai la tête qui tourne un peu et je suis lasse.

- Evaïs… Tu devrais l’emmener… Elle ne va pas tarder à s’effondrer.

- Ne t’inquiète pas tout va b…, tentai-je de dire avant de sombrer dans un noir profond.

Lorsque j’ouvre les yeux, je suis sous les tentures blanches, allongée sur les genoux d’Aoi qui joue inlassablement dans mes boucles… qui mériteraient un bon lavage ! Malgré le fait que je sois sous forme spectrale, je me sens lourde, mes membres sont comme engourdis par le froid. Maintenir ce dôme en place aura exigé de moi plus d’énergie que je le croyais… J’entends un doux chantonnement et tourne douloureusement la tête. Aoi a posé l'œuf d’Angeline près de nous et elle murmure une splendide mélodie. Je peux à peine bouger. Aoi renifle et son corps est parcouru des spasmes d’une tristesse infinie. Je ne sais pas quoi faire pour le réconforter...

Je demande alors à mon petit prince la signification de la cérémonie que nous avons effectuée, afin de briser son lourd silence.

- Il s’agit des rites funéraires des princes Nymphaliens. Dans notre cosmogonie, si nous ne le faisons pas l’âme du défunt ne peut se réincarner. Malheureusement, elle n’est pas terminée… Je dois ramener la pierre à Nymphea, la mettre dans une boîte fabriquée dans un corail spécifique puis de la berge je dois y tirer une flèche de lumière avant qu’il ne tombe dans le centre…

Je sens ses larmes couler sur mon visage, je lève péniblement ma main pour la poser sur celui de mon ami. Il y accole sa joue et pose sa propre main sur la mienne. J’entends Angeline pleurer aussi. Mon coeur se serre… Et là, comme une confession, Aoi se lance dans le récit du combat avec son frère : sa douleur est palpable, sa culpabilité flagrante. Je ne peux m’empêcher de pleurer.

Une fois son récit terminé, je l’incite à s’allonger près de moi : je dépose sa tête sur ma poitrine et le berce doucement. Nous nous endormons ainsi, serrés l’un contre l’autre.

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