1.

3 minutes de lecture

« Espoir : fait d’espérer, d’attendre la réalisation de quelque chose. »

Voici la grande routine de ma vie : noircir mon esprit de définitions auxquelles mon cœur s’accroche avec frénésie. Comme s’il cherchait à me convaincre d’une certitude ; que la vie est un mur à escalader, un combat à remporter.

Mon cœur et moi ne sommes pas d’accord sur ce point ; il est naïf, je suis désabusée. On ne s’entend pas là-dessus, et c’est agaçant qu’un de vos organes principaux aille à l’encontre de votre raison ; l’un marche droit devant, tandis que l’autre écrase la pédale de frein.

Ce matin, le ciel est blanc, le monde espère un peu de neige pour tapisser la ville, c’est le même vœu que fait l’humanité à cette période de l’année.

Le froid mord ma peau, les passants marchent vite, les klaxons hurlent, mes lèvres me brûlent de ce que je m’apprête à faire. Je décide qu’aujourd’hui est ma dernière chance. Alors, je relève le menton, passe la porte d’entrée, laisse le hall d’entrée m’avaler, alors que mon cœur me souffle une nouvelle définition à laquelle m’accrocher.

***

– Tiens, boss, tu en veux ?

Elsa agite sous mon nez une panière remplie de papillotes, de litchis et de mandarines.

– Cadeau de la maison, me dit-elle avec un clin d’œil appuyé.

Je grimace sans relever le nez de mon écran. 8 h 22. 67 mails auxquels répondre, autant à envoyer, et des employés qui se pensent déjà en congés.

– La « maison », c’est moi, je te rappelle.

– Justement, merci patron ! Tu en veux ou pas ?

Au vu de sa façon d’agiter son bordel devant moi, j’en déduis qu’elle espère une réponse positive.

– Non merci.

– Allez, quoi, c’est Noël !

– Non, techniquement, c’est demain. Aujourd’hui, c’est le réveillon, et tu as du travail qui t’attend, je te rappelle.

– J’ai jusqu’à midi, me nargue-t-elle.

Je jette un coup d’œil à l’heure. Aujourd’hui, nous fermons à midi, mais en déduisant son temps de pause, tous ses cafés qu’elle gobe comme des pilules, j’aurai de la chance si elle travaille deux heures ce matin. Je me pince les lèvres en essayant de me rappeler pourquoi j’ai la bonté de l’employer. Et de la garder.

Ah, oui, la faute à Paul…

– Hello tout le monde !

Le voilà qui entre justement en trombe dans mon bureau sans y être invité. Les joues d’Elsa rosissent aussi vite qu’on claque des doigts, elle tend sa joue dans une prière silencieuse. Prière entendue par mon sacro-saint associé ; le bruit de la bise sur sa peau retentit dans tout l’étage.

– Tu es en retard, je grogne.

Mais Paul agite la main comme s’il cherchait à chasser des mouches imaginaires.

– Allez, Roman. Ce sont les vacances !

Misère, suis-je donc le seul à vouloir bosser dans cette entreprise ?

– C’est ce soir.

– C’est à midi.

Elsa glousse comme une adolescente de 40 ans et me tend une nouvelle fois sa foutue panière. Dans un soupir, je prends un litchi, arrache sa peau comme je voudrais arracher la peau de celui avec qui je partage les parts de ma société, et le porte à ma bouche. Son jus sucré explose sur ma langue, je dois reconnaître que ce n’est pas si mauvais.

– Ça faisait longtemps que je n’en avais pas mangé, fais-je plus pour moi-même que pour ceux qui squattent mon bureau.

Elsa me fait de grands yeux ronds.

– C’est ton premier litchi de l’année ?

– Oui.

– Oh ! Fais un vœu alors !

– Un vœu ?

– Première fois de l’année, il faut faire un vœu !

Elle se tortille comme un petit enfant devant ses cadeaux le matin de Noël. Et moi je me retrouve comme un con sans savoir quoi dire.

Paul la prend par la taille, lui offre un sourire goguenard.

– Le mien est fait, chatonne-t-il en lui offrant une nouvelle bise.

Non, pas une bise, mais plutôt un baiser baveux et obscène. Et les joues de notre secrétaire de rosir de plus belle. Bien. Note à moi-même : leur envoyer mes vœux de félicitations pour cette nouvelle année et les remercier de se retenir de s’envoyer en l’air sur mon bureau.

Alors qu’ils partent ensemble distribuer fruits et chocolats, les joues rouges et les yeux brillants, je me retrouve à regarder dehors. Les premiers flocons tombent du ciel, la météo prévoit une couche épaisse de neige pour ce soir. Une belle soirée qui se profile ; une soirée où moi, personne ne viendra m’embrasser quand je passerai le pas de ma porte en rentrant du boulot.

Un vœu, en voilà une idée idiote.

Pourtant, je me surprends à émettre un désir silencieux.

Un baiser.

J’aimerais qu’on m’offre un baiser. Authentique. Spontané. Des lèvres douces sur les miennes, ébréchées. Un de ceux qui apaiserait mon âme meurtrie et réveillerait mon cœur tristement endormi.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Isabel Komorebi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0