Chapitre 7

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C'était une belle voiture, toujours très propre malgré ses 15 années, pour ainsi dire comme neuve le soleil faisait ressortir son couleur vert clair. J'avais toujours vu sa mère comme quelqu'un de raffiné, toujours très soignée avec des goûts de luxe sans être snob pour autant. Wendy resta figée quelques secondes face à la maison, en serrant les poings très forts. Ayant remarqué ma présence, elle se retourna très brièvement et plongea son regard dans le mien, son visage était écarlate, j'eus un pincement au cœur en voyant ses yeux pleins de larmes, elle se trouvait au bord de la rupture. Je l'entendis prendre une grande inspiration, sûrement pour contenir de nouvelles larmes. Et elle s'approcha de la porte, d'un pas qui se voulait très ferme. Je sentais que la situation allait très vite tourner au vinaigre.

Je la vis disparaître à l'intérieur de la maison, et de l'extérieur, je l'entendis crier d'une voix emplie de colère et de rage :

-Maman !

J'entendis un bruit très grave, le bruit d'une porte qu'on aurait poussée d'une force colossale et envoyée valser contre un mur.

Je pris quelques secondes pour reprendre mon souffle et m'élançai sa direction, je ferais mieux de me dépêcher : qui sait ce qui pourrait bien se passer si je ne m'en mêlais pas.

Pendant que je gravissais les quelques marches qui me séparait de l'étage, en crachant tout ce qui se trouvait dans mes poumons et en m'agrippant fermement à la rembarde comme un papi en phase terminale, je percevais les appels à répétition de Wendy qui était surement en train de retourner la maison pour trouver sa mère. Je n'aurais vraiment pas être à sa place.

Elle l'a traquée, fouillant chaque pièce, recoin. C'était bien la première fois que je la voyais dans cet état, elle si calme qui ne perdais jamais le contrôle et qui gardait toujours son sang-froid, venait de se transformer en une boule de colère, elle ne se calmerait pas avant de l'avoir mise dos au mur et avoir eu toutes les réponses à ses questions.

Je l'entendis crier le nom de sa mère à plusieurs reprises puis plus rien, je me hâtais de la rejoindre pour éviter un drame. En arrivant près de la chambre de Wendy, je percevais du mouvement à l'intérieur de la pièce, je m'approchai à pas de loup de loup de la chambre, évitant de faire grincer le vieux parquet en bois. A travers le miroir de son armoire, je vis Wendy au centre de la pièce, Kate se trouvait de dos et rangeait des vêtements dans une valise.

Kate se retourna et observa sa fille un court instant et prit la parole :

-Ma chérie, prépare tes affaires, on s'en va.

La mère se retourna et continua à ranger les affaires dans la valise, sans même prêter attention à l'état dans lequel se trouvait sa fille.

Wendy ne répliqua pas et continua de fixer sa mère en serrant les poings de toutes ses forces.

- Wendy, dépêche-toi ! s'exclama la mère (cela tenait plus de l'ordre que de la demande).

Ne recevant aucune réponse, elle se retourna et jeta à nouveau un regard vers sa fille et la vit bouillonner. Ses yeux habituellement si doux étaient à présent remplis de haine, son visage était marqué par la colère. C'est à ce moment qu'elle comprit qu'il y avait un problème. Elle ne l'a reconnaissait sans doute plus, à travers le visage de Kate je lisais de l'impuissance, mais surtout de l'incompréhension. Wendy avait toujours voulu ressembler à sa mère, c'était son modèle, du moins jusqu'à ce jour je pense. Elle cessa ses activités et prit la parole d'une voix, qui se voulait très douce.

- Qu'est-ce qui ne va pas ma chérie ? Demanda-t-elle.

Wendy répliqua presque instantanément :

-Tu veux savoir ce qui ne va pas ?! Où tu étais toutes ces années ? que faisais-tu tout ce temps où tu étais loin de moi ? Tout ce temps où j'ai dû me débrouiller toute seule, sans l'aide de personne ?!

Kate la regarda avec de grands yeux et tendit sa main en direction du visage de sa fille.

- Mais ma chérie, tu sais bien je travaillais. Je vendais mes produits partout dans le monde pour que tu puisses avoir des habits décents, que tu manges à ta faim, que tu aies tout ce que tu souhaites.

Wendy prit une grande inspiration et repoussa la main de sa mère, d'un simple revers et dit :

-Mais je m'en fous de tout ça, c'est de toi dont j'avais besoin toute ces années ! Je me sentais seule, si seule que je ne pouvais compter que sur moi et sur mes amis ! dit-elle en me regardant à travers le miroir, avant de continuer à déverser sa colère sur sa mère.

Finalement je n'avais pas été si discret que ça.

Kate resta muette quelques secondes, portant une main sur son cœur puis elle eut à peine le temps d'ouvrir la bouche que Wendy la coupa :

-Tu me mens depuis tant d'années ! Moi qui t'ai accordé ma confiance, qui t'ai toujours raconté, je pensais que nous étions loin de tout mensonge que nous étions soudées, comme des sœurs... Que nous nous disions tout ! Je suis déçue maman, tu m'as trahie...

Kate la regarda quelques instants, la bouche bée, dos au mur, ne savant plus quoi dire, elle se contenta de fixer sa fille dans les yeux, et comprit son épouvantable erreur et les dommages qu'elles avait causés à sa fille. Elle n'aurait sûrement jamais pensé que ça en arriverait là, que les choses auraient pu autant déraper. Elle demeura immobile, dévisageant sa fille sans un mot, ni aucun geste apparent qui lui permettrait de se racheter. Wendy finit par éclater en sanglots, et se laissa tomber sur le sol, à genoux, cachant son visage entre ses mains. Des larmes se mirent à couler des yeux de la responsable. Kate s'approcha doucement et, d'un geste hésitant, prit sa fille contre elle. Wendy voulut la repousser mais se ravisa, et enfouit sa tête contre la poitrine de sa mère dans ses bras qui se laissa également envahir par les larmes.

Face à ce spectacle, je me sentais si impuissant, j'observai la scène quelques instants et quittai la maison. Je refermai doucement la porte derrière moi et observai les alentours.

Le soleil amorçait sa descente, la journée touchait à sa fin, les vendeurs commençaient à remballer leur marchandise, tout en concluant leurs dernières ventes avec les derniers clients, légèrement à la bourre. Les villageois commençaient à déserter la place, les bras encombrés de produit frais et de toutes sortes d'autres articles de maison.

En admirant cette scène je me demandai comment les choses avaient pu autant dégénérer en si peu de temps. Je sortis une cigarette de ma poche et l'allumai à l'aide de son briquet essence et finis par s'assoir sur l'escalier. Il m'en fallait bien plus pour me séparer de mon petit plaisir mortel. Je déposai une main sur mon front et me mis à repenser à mon enfance à l'orphelinat. J'imaginais ma vie si j'avais eu la chance d'avoir des parents. Les Noël autour d'une grande table avec toute ma famille, en m'empiffrant d'une énorme dinde, en m'en mettant plein les doigts au passage, avoir des frères et des sœurs frères avec qui déballer mes cadeaux, le lendemain matin, et avec qui j'aurais pu sortir m'amuser. Wendy et Nathan étaient devenus ma nouvelle famille, néanmoins je ressentais toujours un vide dans mon cœur, comme si au fond, je n'avais pas vraiment ma place dans ce monde. La légende dit que ce sont les cigognes qui m'ont déposé ici, si c'est vrai j'ai sûrement dû louper une station... Je me rappelais toutes les familles d'accueil où j'avais été balancé.

Malgré les efforts de mes tuteurs, je n'arrivais jamais à trouver ma place, je souffrais d'un mal être qui me rongeait les entrailles, jour après jour, je n'avais jamais pu me sentir à ma place où que ce soit c'est sans doute pour cette raison que j'accumulais les bêtises.

Je partageais leurs vies jusqu'à que les tuteurs n'en puissent plus et décident de se séparer de moi. C'est ainsi que se passait chacun de mes séjours, jusqu'au jour j'ai fait la connaissance de Marta et Davis. Ce couple de retraités de la soixantaine avait réussi à soigner ce mal être qui était mon fardeau depuis tant d'années. Malgré les ennuis et les tracas que je leur ai apportés, ils ont tenu bon, eux seuls étaient capables de me comprendre. Ils ont su s'adapter et me rendre mieux dans ma peau. Grâce à ces personnes, j'ai pu me construire et prendre confiance en moi, même si ce n'est pas rose tous les jours. Malgré ce sentiment d'appartenance qui me fait me sentir accepté, je continue à me demander qui sont mes parents ? Pourquoi m'ont-ils abandonné ? Sont-ils vivants la quelque part ? Je ne le saurais peut-être jamais, mais malgré tout je continuerais à chercher des réponses, c'était plus fort que moi. Je continuai à rêver ainsi quelques temps et finis par être sorti de mes songes, par la chaleur de la cigarette qui me brûlait les doigts. J'inhalai une dernière bouffée et jetai mon mégot un peu plus loin. Attiré par un brouhaha venant de la place du marché, je rejoignis le lieu où une foule de personnes semblait observer quelque chose, je me frayai difficilement un chemin à travers l'énorme barrage humain qui me cachait la vue, et c'est alors que je vis un homme allongé sur le sol, avec un poignard planté dans la poitrine.

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